Quand des réfugiés partagent leur expertise dans l’enseignement supérieur
Cadres, journalistes ou professeurs dans leur pays d’origine, une trentaine de réfugiés ont eu l’occasion, dans le cadre d’un programme européen, d’enseigner l’année dernière dans cinq universités et hautes écoles de Belgique, de France, d’Italie et du Royaume-Uni. Cette première expérience a donné lieu à la création d’un guide de bonnes pratiques pour les établissements d’enseignement supérieur mais aussi pour les décideurs afin de changer le regard sur l’immigration.
En Belgique, huit réfugiés ont pris part au projet coLAB, financé par la Commission européenne et le Conseil de l’Europe, et mené à Bruxelles par la Haute-Ecole Galilée et l’Institut des Hautes Études des Communications Sociales (IHECS). « J’avais toujours rêvé d’enseigner », explique J-M M., d’origine burundaise et menacé dans son pays.
Ce journaliste de formation, en Belgique depuis quelques années, est intervenu dans le cadre d’un cours de relations internationales pour partager son expertise avec des étudiants de Master sur la problématique des minerais dans la région des Grands Lacs. Pour lui, l’expérience montre que « les réfugiés viennent avec un bagage et peuvent apporter quelque chose ». Son intervention à l’IHECS, il la considère comme « une réelle plus-value » pour son curriculum vitae.
Comme lui, Feras Abo Dabboseh et Zakaria Almoutlak, contraints de fuir la Syrie, ont pu dispenser leurs connaissances du conflit qui déchire leur pays depuis 2011, ses implications régionales et ses conséquences pour les populations locales et déplacées.
Le projet coLAB est né du constat que de nombreux réfugiés arrivent avec une expérience professionnelle et des qualifications substantielles. « Malheureusement, leurs acquis ne sont généralement pas reconnus par leur pays d’accueil. L’objectif est de faire tomber ces obstacles, de changer le regard sur les réfugiés et de les inviter à partager leur expertise », explique Hélène Pochet, à l’origine de la mise en place du programme au sein de l’IHECS.
Au total, près d’une trentaine de réfugiés experts dans une vingtaine de disciplines – allant du journalisme et de l’économie au design – ont participé à ce projet européen dans cinq établissements: la Haute-Ecole Galilée et l’Ihecs en Belgique, l’université française de Clermont-Auvergne, l’université Lumsa à Rome (Italie) et la University of Arts à Londres (Royaume-Uni).
En France, l’expérience a permis à Rabab Khedair, une professeure d’anglais de 46 ans originaire d’Alep, de retrouver confiance en ses capacités et foi en l’humanité. « Cela a été extrêmement difficile mais ça m’a permis d’accepter ce qui m’est arrivé », explique-t-elle la voix tremblante d’émotion. A l’issue de cette première expérience, un « guide de bonnes pratiques » a été élaboré par les établissements participants afin d’inclure des réfugiés comme experts invités dans les programmes de cours.
Dans un premier temps, il sera distribué aux institutions de l’enseignement supérieur qui souhaitent développer des projets similaires afin de favoriser l’émulation. « Mais il concerne aussi les décideurs qui peuvent inciter au changement du regard sur les réfugiés », conclut la co-responsable du projet à l’IHECS.
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