Le télétravail délocalisé, c’est la santé
On disait le métro-boulot-dodo épuisant. Avec la pandémie, on réalise que lorsque maison et bureau ne font qu’un, ce n’est pas toujours mieux. Marre du travail « en distanciel »? Les initiatives se multiplient pour le délocaliser.
La misère serait moins pénible au soleil? Il semblerait que de plus en plus de pays connaissent la chanson, à en croire la multiplication des offres de « visa télétravail ». Dubaï accorde ainsi un visa d’un an à celles et ceux qui souhaitent changer d’air et d’hémisphère pour accomplir leur job, suivant l’exemple de La Barbade, première à proposer un Welcome Stamp Visa de douze mois aux personnes qui ne peuvent plus voir leurs murs en peinture – initiative répliquée depuis lors des Bermudes à l’Estonie.
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S’il peut laisser sceptique au premier abord, bosser depuis un autre chez-soi, de préférence dans un autre pays, en séduit plus d’un. Etudiante en dernière année de communication, Clara Delville prépare ainsi sa session d’examens de janvier et même réalisera son stage en partie depuis l’Espagne, où son compagnon, joueur de basket professionnel, vient de s’installer. « Il a été recruté par le Real Valladolid et tout s’est fait très vite: quatre jours après que Liège Basket a validé son transfert, il était déjà sur place. En temps normal, il m’aurait été impossible de le rejoindre en plein milieu du quadrimestre, mais cette année, aucun cours ne sera donné en présentiel, au moins durant quelques mois encore. J’ai demandé l’accord de mes professeurs, de mon promoteur de mémoire ainsi que de ma maîtresse de stage et, une fois que tout le monde a dit oui, j’ai décidé de rejoindre mon copain en Espagne pour quelques semaines. Pour une fois que la situation sanitaire me permet de faire quelque chose plutôt que me l’interdire, je n’allais pas rater l’occasion », sourit-elle.
D’autant que, comme le souligne la jeune femme, « il n’y a rien que je fais ici que je ne saurais faire en Espagne ou ailleurs, je n’ai besoin que de mon ordinateur et d’une bonne connexion wifi« . Un bagage minimal, qui pousse de plus en plus d’hôtels à tenter d’attirer les « télévoyageurs » pour remplir les chambres vidées par la Covid-19.
On a voulu créer le « Club Med du travail ».
Pallier la chute des réservations
Présent dans neuf villes réparties à travers quatre pays, la chaîne hôtelière 25Hours a ainsi conçu deux formules spécifiques pour endiguer la baisse des réservations. Soit l’ hotel office, qui permet de transformer une chambre en bureau pour un jour ou une semaine, et le long stay, où les visiteurs posent leurs valises pour un mois ou davantage, avec des tarifs adaptés: 999 euros pour le mois, contre environ 200 euros la nuit avec petit- déjeuner en temps normal. Une aubaine pour les clients, mais aussi et surtout une nécessité pour le groupe allemand, qui a vu ses réservations fondre comme neige au soleil: moins de 10% du taux de réservation habituel au printemps 2020 et, en cette fin 2020, un taux d’occupation qui ne dépasse pas 15% des chiffres normalement enregistrés à la même période.
Ainsi que l’explique Bruno Marti, chief brand officer pour 25Hours, « on a rapidement réalisé que les gens en avaient marre de travailler de chez eux alors que nous, on avait une batterie de « minibureaux » vides, donc on a décidé d’adapter nos formules pour répondre à ce besoin. Chaque semaine, nous comptons une dizaine de réservations hotel office dans chacun de nos hôtels, à l’exception de celui de Paris, fermé pour le moment. » En ce qui concerne la formule long stay, elle est particulièrement prisée dans les 25Hours de Munich et Hambourg, « des villes attrayantes où le loyer est d’ordinaire très élevé et où les étudiants ont du mal à trouver des logements ». Et en Belgique, qu’en est-il? S’il semble illusoire d’y attirer des « travaillanciers » venus de contrées exotiques par le biais d’un visa télétravail, les offres se multiplient malgré tout pour ouvrir de nouveaux horizons aux travailleurs.
Recréer le cocon
Après un été qui a fait carton plein, météo radieuse et zones rouges obligent, Ardennes-étape a adapté son offre, avec des locations à la semaine pour permettre aux télétravailleurs de s’oxygéner le cerveau. Une formule testée et approuvée par Justine Rossius, journaliste bruxelloise, qui a quitté pendant quelques jours son « minuscule appartement » pour « voir autre chose que mes quatre murs et profiter de cette nouvelle vie plus nomade ». Verdict? « Ça change tout! Parfois, je me sens comme étouffée en ville et je ressens un vrai besoin de calme et de nature. On y oublie le confinement, on n’a pas forcément besoin de porter un masque car on ne croise personne. Ça fait du bien. Et au niveau concentration, c’est totalement différent. »
Voir autre chose que mes quatre murs et profiter de cette nouvelle vie plus nomade.
Le OFF Hotel & Meeting de Wavre l’a bien compris. En temps normal, déjà, l’adresse propose une mise au vert à ceux qui souhaitent troquer momentanément leur bureau contre un cadre de travail où tout ne serait que luxe, calme et volupté. Une évidence pour Geneviève Tissot, directrice des lieux, qui avait en tête le cocon dont elle jouissait quand elle préparait ses examens, dans la maison de campagne familiale, « où j’étais chouchoutée par ma maman et où la seule chose que j’avais à faire, c’était me concentrer sur mes cours ». Dont acte: « On a voulu créer le « Club Med du travail », un endroit qui allie décoration, technologie et modernité tout en étant aussi cosy que chez soi, avec une équipe dédiée au confort des occupants qui peuvent dès lors donner le meilleur d’eux-mêmes. »
Avec la pandémie, les généreux buffets ont fait place à un service en chambres, désormais transformées en bureaux nomades. « Libre à chacun de s’installer pour quelques jours ou d’opter pour une plus longue période. Certaines personnes louent une chambre quatre jours par semaine pendant un mois, par exemple. Le tarif journalier est 175 à 200 euros la journée et comprend les repas de midi et du soir ainsi que des collations, boissons à volonté et possibilité d’occuper une de nos salles de conférence pour des meetings par vidéo », énumère Geneviève Tissot. « Plus aucune excuse pour ne pas boucler ce gros dossier impossible à finir dans l’agitation de la maison », ajoute-t-elle dans un sourire. Face au succès de la formule, elle envisage même de la prolonger une fois la crise sanitaire passée. « Je pense que cela répond à un besoin réel. Sortir complètement de chez soi ou de son bureau durant quelques jours a un effet extrêmement bénéfique sur la productivité. » Le télétravail délocalisé, c’est la santé.
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