Des Petits Riens qui font tout: « les actions sociales sont surtout financées par les ventes de seconde main »
Pionnière de la vente de seconde main, l’asbl Les Petits Riens est aujourd’hui une actrice sociale sur tous les fronts. Maisons d’accueil pour hommes, femmes et enfants, réinsertion socioprofessionnelle, aide aux SDF et précarisés, économie circulaire… La crise de la Covid a électrisé les équipes de l’entreprise d’économie sociale.
Pour Les Petits Riens, 2020 restera une année charnière… positive! Pas côté finances car déjà le premier confinement avait causé une perte nette de trois millions d’euros (sur des rentrées annuelles moyennes de 12 millions d’euros). Et la deuxième vague a remis à l’arrêt les magasins et le gigacentre de tri de l’entreprise, creusant encore le manque à gagner. Non, le positif est ailleurs. Sur le terrain des valeurs et de leur mise en pratique. « Sur l’ensemble de nos activités sociales, moins visibles que nos magasins, nous sommes restés sur le pont, plus mobilisés que jamais pour que la crise sanitaire accentue le moins possible la crise sociale, souligne Claudia van Innis, porte-parole des Petits Riens. Cela a été un vrai défi pour les équipes, obligées de se repenser. Une solidarité époustouflante s’est manifestée en interne, de nos maisons d’accueil à notre resto social, en passant par notre assistance sur le terrain face à l’émergence d’une nouvelle précarité. »
Les actions sociales sont SURTOUT financées par les ventes de seconde main.
Confinement ou pas, les fours et casseroles du restaurant social au 4e étage du siège ixellois de la rue Américaine n’ont pas arrêté de chauffer. Le réfectoire et les cuisines au-dessus des logements sociaux de la maison d’accueil ont continué à servir des repas aux résidents et aux employés des Petits Riens. Mais aussi à mitonner des plats apportés aux sans-abri. De trois cents avant la pandémie, l’équipe du resto a poussé l’effort à 420 repas depuis mars. « La période a conforté mes convictions sur l’utilité de mon travail. On n’a pas arrêté, souffle Martine, la cheffe de cuisine à la tête d’une douzaine de personnes. Un mix entre résidents de la maison d’accueil et bénévoles. Comme pour les magasins de seconde main, l’économie du resto repose sur les dons. « Chaque menu se fait en fonction de la générosité quotidienne d’enseignes de la grande distribution et de commerces de proximité. »
Sam, jeune résident du logement social et préposé aux desserts, évoque son vécu: « J’avais été bénévole des Petits Riens avant. Puis ma vie est partie en galère. On m’a recueilli ici. Cuisinier de formation, j’ai intégré le resto. Ça occupe les mains et, surtout, l’esprit. Et puis, il y a l’équipe, une ambiance et une mentalité ouverte et solidaire. Tous différents mais tous dans la même direction. » Au-dessus de sa casserole de sauce curry, Mimo est bénévole et patron d’un resto voisin: « Je viens aider deux matins par semaine parce que je ne supporte pas que des gens soient dans la misère. L’essentiel, c’est de les aider à rester debout. Cet épisode Covid justifie encore plus notre action… »
Un toit pour soi
Outre le couvert, le minimum social est aussi le gîte. Là aussi, depuis plus de dix ans, les Petits Riens se démènent. Outre la maison d’accueil de 30 chambres, rue Américaine, pour hommes seuls et adultes, une deuxième de quinze places est située à Forest sous le label @home 18-24 (l’âge requis). Tous les hébergés bénéficient d’un accompagnement psychosocial, administratif et médical. Les Petits Riens se concentrent maintenant sur la Maison de la parenté, qui doit s’ouvrir courant 2021: « Cette nouvelle maison d’accueil prend forme dans un bâtiment que nous avons acheté et que nous aménageons près de la gare du Midi, précise Claudia van Innis. Il abritera seize logements multimodulables réservés à des familles monoparentales ou des femmes enceintes en situation précaire.
Cette palette d’actions sociales est principalement financée par les ventes d’objets et de vêtements de seconde main par Les Petits Riens via leur magasin central bruxellois, et ses 26 plus petites boutiques en Wallonie. Là aussi, 2020 a engendré de nouveaux défis. Le plus marquant aura été la métamorphose du magasin historique d’Ixelles. Pour répondre aux mesures sanitaires, il a été ramené aux 700 m2 du seul rez-de-chaussée, au lieu des 2 100 m2 des trois étages habituels. Les Petits Riens ont profité de ce « compactage » pour tourner la page de leurs 80 ans de joyeux capharnaüm d’objets proposés en masse et par catégories. A la réouverture en mai, le public découvrait des Petits Riens entièrement renouvelés. « Cela faisait un moment qu’on avait envie de changer la façon d’exposer nos objets, de repenser l’espace, l’agencement, confie Gerardo, orchestrateur de la mutation. La Covid nous en a donné l’opportunité. Celle d’être sélectif, de réunir tous nos services sur un seul étage, d’offrir aux visiteurs une expérience commerciale plus moderne. » Désormais, on suit un parcours façon Ikea, à travers des îlots aménagés en coins salle à manger, living, bureau, objets scolaires… « On essaie de marier des choses éclectiques de manière cohérente pour les valoriser dans un espace rationalisé, précise Gerardo. Et réassorti régulièrement. En fonction des dons. »
Les dons, encore un autre défi. Jusqu’à nouvel ordre, Les Petits Riens ne viennent plus chercher les objets au domicile des donateurs. Ceux-ci sont invités à les amener sur place. Quant aux vêtements, la collecte se fait de préférence via les bulles jaunes de l’entreprise sociale. Après le premier confinement, les dépôts ont explosé… mais pas la qualité. De plus, sur le terrain, l’enseigne souffre de la concurrence de sociétés privées qui paient les communes pour leurs emplacements.
« Réfléchissez bien à qui vous donnez. Notre finalité, c’est l’économie sociale et l’aide aux plus démunis. Pour d’autres sociétés, ce n’est qu’un business lucratif », décoche Nathalie Cambron, directrice du mégacentre de tri anderlechtois des Petits Riens. « L’usine » (hors période de confinement) trie 24 tonnes de textile par jour, 5 000 tonnes par an, et quelque 1 200 tonnes d’objets et appareils par an! Là aussi, l’engagement social est partout. Parmi la centaine de travailleurs de la fourmilière de seconde main, un tiers sont des personnes en réinsertion. Dans la zone « Horizon », nom de l’atelier de réparation/formation autour des appareils électro, on « répare » ou relance aussi des vies. Le centre de formation initie, par sessions d’un an, des groupes d’une dizaine de personnes à l’électronique et à l’électromécanique. Ils sont une trentaine par an à venir apprendre un métier et comprendre le fonctionnement des appareils. Dans seconde main, il y a main. A tendre, sans attendre.
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