« Des bijoux qui ont du sens »: quand l’engagement vaut de l’or
Sauvetage des océans, déminage du Laos ou encore soutien à l’alphabétisation d’enfants : des marques de bijoux offrent une nouvelle patine au secteur.
Futiles, les parures ? Au contraire : si bagues, bracelets et autres breloques sont classés dans la catégorie des accessoires, ils s’avèrent aujourd’hui nécessaires pour permettre à des consommateurs engagés de joindre l’utile à l’agréable. Ainsi, pour chaque collier Les Petits Surfeurs acheté, cinq euros sont reversés à la Surfrider Foundation Europe, dont la mission est de lutter pour la protection des océans. Une évidence pour Séverine Gevaert, la créatrice belge de la marque, épouse de surfeur et maman de deux petits grommets, ainsi que sont désignés affectueusement les jeunes mordus de glisse. Il faut dire que son mari a cofondé l’antenne belge de la Surfrider Foundation il y a quelques années, donnant l’envie à Séverine de s’engager elle aussi.
» Ils se démènent pour nettoyer les plages et mettre en place des actions concrètes, et c’était important pour moi de contribuer à ma façon à leurs efforts. Je voulais créer des bijoux qui aient un sens. » Le résultat : des colliers aux couleurs acidulées, inspirés de l’esthétique surf, forcément, et dont un pourcentage du prix de vente est versé directement à la Surfrider Foundation.
Karma positif
» L’engagement était une évidence : c’est dans la famille. Mon mari et mes enfants sont des surfeurs confirmés, cela induit le respect de la nature. De mon côté, j’ai vu des vagues charrier du plastique. Impossible d’ignorer les problèmes environnementaux dans ces conditions. Si chacun fait un petit effort pour limiter les dégâts, des miracles sont possibles. Mais il ne faut pas attendre que le voisin s’y mette pour s’engager. Nous sommes tous concernés « , souligne Séverine. Dont acte : depuis le lancement de sa marque, elle a pu verser 6 850 euros pour la préservation des océans. » C’est une profonde satisfaction, et je crois fermement qu’une partie de ce bon karma se partage avec chaque personne qui porte un de mes bijoux « , sourit l’entrepreneuse engagée.
A des milliers de kilomètres des plages belges, dans la jungle dense qui borde Vientiane, la capitale du Laos, la New-Yorkaise Elizabeth Suda et son équipe récoltent du shrapnel. Et ce ne sont pas les morceaux d’obus qui manquent : Barack Obama a ainsi reconnu publiquement que les Etats-Unis ont lancé plus de bombes sur la région que sur l’Allemagne et le Japon réunis. Soit deux millions de tonnes de bombes entre 1964 et 1973, un tonnerre d’enfer pensé pour détruire le Parti communiste laotien, mais aussi plus prosaïquement pour décharger les bombardiers de retour du Nord-Vietnam, l’atterrissage étant trop périlleux avec une bombe en soute.
Une approche qui a fait des environs de Ban Naphia, au nord-est du Laos, un véritable champ de mines. Selon les ONG actives sur le terrain, il resterait ainsi près de 80 millions de projectiles dans le sol, dont un tiers n’auraient pas explosé à l’impact, mettant en danger les démineurs mais aussi les promeneurs, dont certains ont été grièvement blessés, voire tués, par des projectiles dormant dans le sol depuis plus de quarante ans. A la fin des années 1990, les villageois du cru commencent à transformer les débris de guerre récoltés pour fabriquer des cuillères, et quand Elizabeth Suda arrive sur place quinze ans plus tard, l’Américaine voit rapidement une autre utilité aux dangereuses reliques du passé.
La bombe, c’est la paix
Silhouette élancée, sourire espiègle et visage constellé de taches de rousseur, Elizabeth Suda a d’abord travaillé dans le merchandising pour le maroquinier américain Coach, avant de réaliser qu’elle n’était pas en mesure de répondre à une question qui la hantait : » Par qui sont fabriqués les produits ? » Munie de sa curiosité et d’une bonne dose d’esprit d’entreprise, elle met le cap sur Vientiane, et frappe aux portes de toutes les coopératives textiles de la région, avec la volonté de mettre en avant l’artisanat féminin local dans un marché mondial.
Lorsqu’elle fait la rencontre des paysans du Nord et de leur fonderie de cuillères, elle imagine le bracelet Peacebomb, gravé du message » La bombe, c’est la paix « , offrant ainsi une nouvelle vie aux reliques meurtrières de cette impitoyable guerre aérienne. Article 22 était né. Bijoux à message, pendentifs en forme de douille ou de roquette, les créations d’Elizabeth évoquent avec délicatesse un douloureux passé, et ça plaît : l’actrice Emma Watson est fan de la marque, dont elle a fait la promotion sur le plateau d’Ellen DeGeneres aux Etats-Unis, saluant » l’idée géniale de transformer quelque chose de si négatif en joaillerie « .
Et il ne s’agit pas que de recycler les éclats : Article 22 consacre une partie de ses bénéfices au déminage de la région. En achetant un bracelet gravé (70 dollars), on contribue à déminer quatre mètres carrés de terrain, tandis que le » Petit mais féroce « , un collier épuré orné d’un diamant, permet de nettoyer neuf mètres carrés de terre, moyennant 150 dollars seulement. Un concept brillant, qui permet de déminer des milliers de kilomètres chaque année.
Une légèreté pleine de sens
Contrairement à Elizabeth, Sophie Kahn et Bouchra Ezzahraoui ne sont pas nées à New York, mais elles ont toutes deux choisi de s’y installer après être devenues amies lors de leurs études. Originaires des Pays-Bas et du Maroc, elles ont combiné leurs expertises respectives dans la mode et la finance pour lancer leur propre marque, AUrate, née de la frustration de Sophie de ne pas trouver des bijoux de qualité accessibles. Or et diamants éthiques, production durable : le duo se tient à sa volonté d’apporter plus de transparence au marché de la joaillerie, le tout à des prix » aussi sympas que le chien du voisin « . L’engagement en prime : pour chaque bijou acheté, un livre est offert au nom de la cliente à des organismes promouvant l’alphabétisation d’enfants américains dans le besoin.
Accessoires, les bijoux ? Avec ces initiatives engagées, ils deviennent plus que jamais des talismans à porter fièrement, par souci esthétique mais aussi pour afficher les causes qu’on soutient. » Un bijou, c’est une petite chose qui nous apporte un peu d’éclat. Quand on songe au grand vertige des problèmes environnementaux, cela pourrait paraître dérisoire, reconnaît Séverine. Mais la légèreté et les petits plaisirs ont, eux aussi, du sens. Une marque de bijoux engagée, c’est une façon de prendre soin de soi, et de la planète en même temps. » Ou quand une bonne action a de faux airs de coup d’éclat.
Par Kathleen Wuyard
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