Dans la campagne hongroise, un camp éphémère de maisons écolos-solaires
Pendant que la canicule accablait l’Europe, ils ont trimé pour bâtir les maisons écologiques du futur avec des matériaux recyclés, des façades végétalisées, des panneaux solaires: rarement compétition d’architecture durable n’a flirté d’aussi près avec l’urgence climatique.
Le Solar Decathlon est une compétition universitaire internationale, où s’affrontent des étudiants en architecture, en ingénierie et en urbanisme. Leur défi est de construire en deux semaines un prototype d’habitat fonctionnel, avec le soleil pour seule source d’énergie.
Le concours a lieu tous les deux à trois ans et c’est dans la campagne de Budapest, dans la chaleur d’un mois de juillet qui a vu tomber les records de température en Europe, que les concurrents se sont affrontés pour l’édition 2019 qui s’achève dimanche.
« On a pu créer en toute liberté, sans avoir un client sur le dos, ce qui est rare dans notre profession! » se réjouit Gheorghe Ciobanu, jeune architecte roumain, fatigué mais heureux. Les 500 concurrents âgés d’une vingtaine d’années, venus de 13 pays, ont rivalisé d’imagination pour concilier efficacité énergétique, confort, esthétique, qualité… et séduire le jury.
Pour cette 4ème édition organisée dans un parc de l’université technique de Szentendre, il s’agissait de « présenter un projet lié à la rénovation d’un habitat existant », indique Louise Holloway, directrice de la Fondation néerlandaise Energy Endeavour, qui supervise la compétition sponsorisée par des entreprises privées et des organismes publics.
– Filtres en laine de mouton –
La maison de bois en forme de cube de l’équipe roumaine, où l’eau de la douche est recyclée et où les filtres des ventilateurs sont en laine de mouton, est ainsi conçue pour être installée sur un toit de HLM.
« La majorité des Roumains habitent dans ce type de logement. Pour s’agrandir, ils fabriquent eux-mêmes des balcons, ce qui est illégal et dangereux. Un toit peut accueillir six de nos maisons », explique Gheorghe Ciobanu.
Venue du nord de la France, l’équipe « Habiter 2030 » a repensé la maison mitoyenne en briques typique de cette région, véritable passoire énergétique. « Nous avons utilisé un minimum de technologie, et un maximum de matériaux durables et bio-sourcés », indique Philippe Bouleau, l’un des participants. Pas de plastique dans ce petit édifice: la structure est en bois et brique de terre crue, les façades extérieures en chaux et chanvre qui isolent et absorbent le gaz carbonique. « Sur les murs intérieurs, on a mis des enduits à base d’argile, d’eau et de sable. Un bon isolant, facile à faire soi même », raconte l’étudiante Camille Huguet.
Les panneaux solaires ont été conçus pour que la maison chauffe aussi celle des voisins, afin de mutualiser les dépenses. « Ce n’est pas seulement un objet architectural, c’est un projet social. L’objectif est de lutter contre la précarité énergétique qui touche un habitant sur cinq dans les Hauts-de-France », résume Jocelyn Gac, l’un des quelque cent compagnons du devoir qui ont participé à la construction.
– Du prototype à la commande –
L’équipe de l’Université de Delft (Pays-Bas) a imaginé de transformer les bureaux d’une tour de Rotterdam en appartement. Un ensemble de cloisons en bois et en aggloméré qui s’insère dans la structure existante comme un bernard-l’hermite dans une coquille.
En collectant et recyclant les eaux, « cet appartement produit plus d’eau propre qu’il n’en consomme », souligne fièrement Okan Turkcan, 24 ans, chef du projet.
Tout aussi ancré dans la réalité sociale, le projet de l’Université de Séville: un ensemble de cubes en toile de bâche reliés par des poutres métalliques. Cette structure est conçue pour venir s’agrafer sur la façade d’un immeuble.
« A Séville, certains HLM sont tellement délabrés que les ascenseurs ne marchent plus et les résidents âgés qui habitent les étages élevés ne peuvent plus sortir. On pourrait installer un ascenseur dans cette structure, qui a aussi l’avantage d’isoler le HLM de la chaleur et d’offrir des espaces additionnels aux habitants » explique Rocio Curto, étudiante en architecture.
Certains projets auront une vie après le concours. « Nous allons remonter notre prototype à Barcelone; il deviendra une maison de quartier » destinée à impliquer les habitants dans la transition énergétique », indique Xavier Ruiz, de l’Université technique de Del Vallès (Catalogne).
A Lille, le projet « Habiter 2030 » a séduit les autorités locales et devrait donner lieu à la rénovation d’une série de maisons dans la métropole du Nord.
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