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Comment le coronavirus a relancé le troc

Marie Gathon Journaliste Levif.be

Dans un contexte d’incertitude économique et de désir de se reconnecter les uns aux autres pendant que nous gardons nos distances, le troc connaît une ascension fulgurante depuis le début de la pandémie. S’agit-il d’une nouvelle habitude ou d’une mode éphémère ?

Depuis le début de la pandémie et la mise en confinement de millions de personnes partout dans le monde, beaucoup se sont tournés vers les achats en seconde main et le troc. Que ce soit pour faire leur part pour la communauté locale, économiser de l’argent ou simplement s’approvisionner en ingrédients de boulangerie difficiles à trouver, ces modes de consommation sont fortement revenus au goût du jour, rapporte la BBC qui a enquêté sur le sujet. Avec l’incertitude économique qui se profile et les niveaux d’anxiété qui montent en flèche, le troc devient une solution alternative émergente pour se débrouiller – et rester occupé – pendant la crise.

Le temps du troc

Outre les marchandises, certaines personnes proposent une autre denrée précieuse qu’elles ont peut-être eue en abondance ces derniers mois : le temps.

La « banque du temps », qui a vu le jour au Japon dans les années 1970 et aux États-Unis en 1992, connaît un regain de popularité. Il existe également des « banques du temps » dans plusieurs communes en Belgique. Notamment à Woluwe-Saint-Lambert et Nivelles.

Les membres d’une banque du temps passent une heure à aider un autre membre, et peuvent recevoir une heure d’aide en retour. Les gens offrent et reçoivent des choses telles que des leçons de piano, des services de peinture ou des cours de langues.

« Nous avons certainement eu plus d’intérêt en tant qu’organisation, avec quatre nouvelles banques de temps qui ont commencé après le début du confinement », déclare Kerri Tyler, responsable de l’engagement communautaire et de la communication chez Timebanking UK. Fondé en 2002, le groupe n’avait jamais connu un tel pic auparavant, ajoute Kerri Tyler.

La nature réciproque de la banque du temps signifie que les gens sont plus enclins à accepter de l’aide, la considérant comme un échange plutôt que comme un don, explique Reyaz Limalia, qui dirige Fair Shares. « Beaucoup de gens pensent encore que le bénévolat est un acte de charité. C’est vraiment démotivant pour la personne qui reçoit l’aide ».

Pourtant, ceux qui souhaitent s’essayer au troc doivent avoir du temps et une attitude positive. En effet, le troc prend plus de temps qu’un achat classique. Comme il s’agit également d’une négociation, l’important est que les deux parties soient satisfaites, au-delà de la valeur réelle de l’échange. Et ce, afin d’avoir envie de renouveler l’expérience, plaident les experts interrogés par la BBC.

Le troc d’entreprises

Mais le troc n’est pas réservé qu’aux personnes à la recherche d’articles de pâtisserie ou d’aide pour faire les courses. Dans les « échanges de troc » pour entreprises, les organisations participantes tentent d’augmenter leur chiffre d’affaires annuel de 10 à 15 % en échangeant leurs services contre ceux d’autres entreprises.

Les entreprises sont de plus en plus intéressées par les échanges sous forme de troc, qui regroupent « des médecins, des avocats, des sociétés de services, des détaillants, etc. », explique Ron Whitney, président de l’International Reciprocal Trade Association, une organisation à but non lucratif fondée en 1979 qui promeut et fait progresser les systèmes modernes de commerce et de troc.

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Les membres peuvent échanger leurs services professionnels contre des crédits de troc, qu’ils peuvent ensuite utiliser pour « acheter » les services d’un autre membre. La plupart du temps, il ne s’agit pas d’un échange individuel. Par exemple, un paysagiste effectuerait un travail d’aménagement paysager de 5 000 dollars pour le cabinet d’un dentiste local. Cela ne signifie pas qu’il doit échanger son travail contre 5 000 dollars de travaux dentaires. Il dispose plutôt d’un compte dans une bourse de troc qui est crédité de 5 000 dollars d’échange et il peut dépenser ce montant pour n’importe lequel des centaines ou des milliers de membres dans cette bourse.

M. Whitney estime que le nombre d’inscriptions de membres à des bourses de troc a augmenté de 20 % pendant la pandémie. « Les échanges de troc sont plus actifs et suscitent plus d’intérêt que jamais, car les liquidités sont limitées », dit-il.

Les limites du troc

L’augmentation du troc a permis de renforcer les liens communautaires pour beaucoup. Mais il est peu probable que les gens renoncent à leurs dépenses pour une vie totalement faite de trocs.

« Le troc est un bon moyen de montrer un peu d’esprit communautaire et de solidarité avec les gens sans que l’argent ne change de mains. Il s’agit davantage de la signification du signal que vous donnez que de la véritable signification économique de la transaction », déclare David Miles, professeur d’économie financière à l’Imperial College Business School de Londres. Il ajoute que l’attrait du troc est probablement l’aspect personnel de l’échange, surtout pendant la pandémie. « Parfois, l’échange et le fait qu’il n’y ait pas d’argent en jeu font que la transaction semble plus communautaire, plus douce, plus gentille et non commerciale ».

Ainsi, bien que l’économie du troc soit actuellement forte et se renforce, Miles affirme que le troc a une limite. « Dans presque tous les pays du monde, il ne fonctionne que pour une infime partie des choses », dit-il. « Vous n’allez pas acheter de l’électricité en proposant de fournir un service ».

Limalia, qui fait du troc, reconnaît lui aussi la portée parfois limitée du troc, mais souligne que l’objectif n’est pas forcément de passer à l’échelle supérieure. « Les gens comprennent qu’un petit acte de gentillesse peut changer radicalement la vie de quelqu’un d’autre », dit-il. « Nous n’allons pas changer le monde – nous n’allons même pas changer la ville entière – mais, en fait, cette heure que vous donnez pour aider quelqu’un d’autre fera une différence pour lui ».

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