Australie: quand les Belges s’enflamment
Alors que le bush n’en finissait pas de brûler et, avec lui, des millions d’animaux pris au piège, la Belgique a fait preuve d’un bel élan de solidarité envers l’Australie. Via des dons individuels ou des initiatives généreuses, parfois insolites.
Quelque 14 883 kilomètres séparent la Belgique de l’Australie et, pourtant, les deux pays n’ont jamais semblé aussi proches. Tandis que les flammes faisaient rage au bout du monde, les images de la désolation se propageaient à la vitesse des feux de forêts dans les médias et sur les réseaux sociaux. Mais comme le partage de photos sur Facebook ou Instagram n’a jamais endigué une catastrophe naturelle, des Belges ont décidé d’agir plutôt que de réagir à coups d’emojis attristés.
Parmi eux, Shana Compère, alias ShanaC, tatoueuse liégeoise et ardente défenseuse de la cause animale, qui a ressenti le besoin d’apporter un soutien financier aux associations actives sur le terrain. Agée de 21 ans seulement, la jeune femme a déjà l’engagement envers la protection des animaux chevillé au corps. Elle a notamment décidé de ne plus manger de viande, il y a des années déjà. Alors forcément, quand elle a vu les images des koalas, kangourous et autres opossums prisonniers des flammes, son sang n’a fait qu’un tour. » Dans la vie de tous les jours, j’essaie déjà de faire ce que je peux au quotidien pour la défense animale et quand j’ai vu ce qui se passait en Australie, j’ai immédiatement eu envie d’intervenir. Mais seule, c’était compliqué de faire un don conséquent. J’ai alors réalisé que mon métier me permettait d’agir et de rassembler de l’argent pour soutenir les efforts en Australie, et je n’ai pas hésité. »
Le pompier ne peut pas laisser ses collègues, même de l’autre côté du monde, sans proposer son aide.
Tatoueuse au sein du studio Grizzly INC, lancé par le champion du monde de tatouage Jean-Pierre Mottin, Shana voit passer sur les réseaux sociaux un projet lancé par un tatoueur au grand coeur et décide sur-le-champ de le reproduire à Liège, en y apportant sa touche personnelle. » J’alterne entre les styles géométrique et floral, mais toujours avec un motif de petits points qui revient, et je me suis inspirée de mon univers pour proposer un dessin de koala et un autre de kangourou. » Deux tatouages reproductibles à l’infini, qui sont proposés jusque fin février prochain au prix de 50 euros à ceux qui désirent se les faire encrer, l’entièreté du montant étant reversée à l’association Wires Wildlife Rescue, qui, sur place, prend en charge les animaux rescapés des flammes.
Un sang d’encre
Et l’initiative séduit : quelques jours seulement après le lancement du projet, plus de cent rendez-vous ont déjà été pris chez Grizzly INC, et Shana a tatoué une dizaine de koalas et de kangourous. » Je m’étais fixé comme objectif de récolter 3 000 euros pour l’association, mais là, on en est déjà à 1 350 euros en moins d’une semaine, donc on va sûrement dépasser le montant initial, et c’est tant mieux ! Les gens qui viennent se faire tatouer me disent qu’ils sont très contents d’avoir une manière d’apporter leur soutien à l’Australie, qu’ils ne savaient pas comment agir concrètement, et qu’ils sont ravis de joindre l’utile à l’agréable. »
Si tous ne décident pas de passer sous l’aiguille de Shana, il n’y a pas qu’à Liège que la solidarité belge s’organise. WWF Belgique a lancé une collecte de fonds dédiée et a eu l’excellente surprise de recevoir plus de six mille dons en une semaine, certains donateurs ayant fondu en larmes au téléphone en faisant part de leur détresse face aux images de l’Australie et de ses animaux sauvages en proie aux flammes. Le porte-parole de l’organisation, Koen Stuyck, a souligné auprès de l’agence Belga l’importance d’agir à notre échelle, même si des milliers de kilomètres nous séparent des brasiers. » On pourrait penser que l’Australie est un pays occidental qui n’a pas besoin de notre aide, mais il s’agit d’une catastrophe écologique et nous constatons que le gouvernement australien ne prend pas beaucoup d’initiatives qui tiennent compte de cet aspect. » Avec, dans ses rangs, quelques climatosceptiques notoires, le gouvernement australien s’est en effet attiré les foudres de citoyens lui attribuant une part de responsabilité dans la propagation des incendies qui ont aujourd’hui dévoré plus de dix millions d’hectares, mais lui reprochant surtout une réponse jugée totalement inadéquate face à l’ampleur de la catastrophe.
Solidarité avec les pompiers
Du côté du gouvernement belge, plutôt que de condamner ses lointains homologues, on préfère faire preuve de soutien. La Première ministre Sophie Wilmès a ainsi affirmé sa solidarité avec le peuple australien, mais aussi sa volonté d’assister l’Australie dans sa lutte contre les incendies. Philippe Goffin, ministre des Affaires étrangères, aurait été chargé de prendre les contacts nécessaires pour en informer les autorités australiennes compétentes.
De leur côté, les pompiers belges sont désireux d’aller prêter main-forte à leurs collègues australiens. Eric Labourdette, le président du secteur zones de secours des pompiers bruxellois, a fait savoir que ses hommes étaient volontaires et » prêts à donner un coup de main « , parce que » le pompier ne peut pas laisser ses collègues, même de l’autre côté du monde, sans proposer son aide « . Coup de main qui pourrait être rendu possible par l’activation de la cellule B-Fast, qui avait notamment permis d’envoyer des pompiers belges au Népal lors du tremblement de terre de 2015. Pour que la cellule puisse être activée, l’Australie doit toutefois faire une demande officielle de soutien.
Une demande que certains particuliers n’ont pas attendue pour s’organiser : à Baudour, dans la région de Mons, un jeune graphiste de 23 ans, Loris Durenne, a créé un magnet à l’effigie d’un koala blessé, dont la vente a permis de réunir plus de 6 000 euros en quelques jours seulement, la somme ayant aussitôt été versée à l’association Wires Wildlife Rescue. Du côté de nos voisins flamands, le label de streetwear anversois SuspiciouS Antwerp a, quant à lui, lancé un tee-shirt en édition limitée, dont les ventes ont permis de rassembler pas moins de 108 000 euros pour la protection et la réhabilitation de la faune australienne. Autant d’exemples qui démontrent que, quand il aide, le Belge ne compte pas.
Par Kathleen Wuyard.
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