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Innovation: du tissu en chanvre wallon

Laetitia Theunis Journaliste

Le chanvre peut donner une fibre textile longue de qualité, à haute valeur ajoutée, équivalente au lin. Des tests et innovations sont en cours. De quoi s’habiller local avec une faible empreinte environnementale.

S’habiller avec des vêtements confectionnés en tissu de chanvre cultivé localement est le dessein poursuivi par l’association Valbiom, située à Gembloux. Pour ce faire, c’est toute une culture, et de nouvelles machines, qu’elle entend apprendre à maîtriser ainsi qu’une filière à inventer. A Villers-le-Bouillet, en Hesbaye, 2,8 hectares de champs ont été consacrés cette année à un test grandeur nature de culture du chanvre à vocation textile. L’an prochain, il y en aura sept hectares.

Parmi les 8 610 kilos de paille récoltés cet été, 16,7% sont de l’étoupe. Une fois travaillée, elle donne des fibres courtes permettant la confection de vêtements solides dotés d’une certaine rigidité, comme les jeans et les vestes, mais aussi de tissus d’ameublement ou d’accessoires tels que des sacs.

La récolte 2022 est également composée à 19% de fibres longues, plus nobles, avec lesquelles on fabrique des tissus pour des robes ou des pantalons. «La filasse obtenue étant de très belle qualité, elle donnera un fil assez fin: on parle d’un numéro métrique 28 (NDLR: soit 28 000 mètres de fil au kilo). Une qualité idéale pour la confection de chemises légères», se réjouit Valentine Donck, chargée de mettre au point la culture et la filière textile du chanvre en Wallonie pour Valbiom.

«A finesse égale, le chanvre serait plus solide et un peu plus raide que le lin. S’il faut apprendre à cultiver la plante, il faut aussi s’exercer à travailler ses fibres, poursuit-elle. Les acteurs locaux, les tisserands, marquent leur intérêt pour développer la filière du chanvre en complétant les maillons manquants. Il existe une réelle volonté de relocaliser la production de tissus.» Un pas dans la bonne direction pour lutter contre le changement climatique: l’industrie textile contribue significativement aux émissions mondiales de gaz à effet de serre avec 1,7 milliard de tonnes de CO2 par an, selon le WWF.

La parfaite situation de la Wallonie

Le plant de chanvre, tout comme celui de lin, requiert des sols profonds, où les limons sont prédominants, et un climat tempéré aux températures n’excédant pas 25 degrés durant la phase de croissance. C’est ainsi que la Wallonie se trouve, avec la Normandie, la Picardie, le Nord-Pas-de-Calais et la Flandre, au centre des meilleures conditions pédologiques et climatiques pour la culture de ces deux espèces végétales. «Les conditions de culture et de récolte du chanvre étant similaires à celles du lin, il n’est pas étonnant que la recherche et les tests se concentrent dans ces régions linières.»

S’il faut apprendre à cultiver la plante, il faut aussi s’exercer à travailler ses fibres.
S’il faut apprendre à cultiver la plante, il faut aussi s’exercer à travailler ses fibres. © VALBIOM

Alors que la France est, de loin, le premier producteur mondial de lin, suivie par la Belgique, comment expliquer que la culture de chanvre textile n’y soit pas aussi développée? Pendant des dizaines d’années, sa culture a été interdite à cause de la présence de substances psychotropes (THC). Mais, dans les années 1970, les premiers cultivars à faibles teneurs en drogue ont été développés. «Aujourd’hui, pour cultiver le chanvre textile, il nous faut obtenir une dérogation, montrer la facture et l’étiquette du sachet de semences.» Et ce, afin de prouver que la variété choisie contient moins de 0,2% de THC.

Les premières traces d’emploi du chanvre à des fins textiles remontent au Néolithique. «Mais sa culture ayant longtemps été interdite, resitue Valentine Donck, il n’a pas bénéficié des inventions de l’ère industrielle. C’est ainsi qu’on est aujourd’hui dans de l’innovation pure, avec invention d’une machine prototype permettant aux tiges de chanvre d’intégrer les installations industrielles de teillage – séparant la fibre de la tige – mises au point jadis pour la filière du lin.»

Résiliente et peu gourmande en eau

Malgré les sécheresses printanière et estivale, la récolte de chanvre a offert un bon taux de fibres longues et d’étoupe. La résilience naturelle de cette plante aux aléas climatiques en fait une alliée pour le futur. «Pas besoin d’irrigation: elle se satisfait de la pluie qu’elle reçoit. Mais le semis et l’implantation de la plantule dans le sol sont des opérations plus complexes, avec des exigences d’humidité strictes, indique Valentine Donck, chargée du projet pour Valbiom. Des chercheurs ont calculé que le chanvre consomme à peine un tiers de la quantité d’eau nécessaire à la culture du coton. De plus, pas besoin de pesticides, de toute façon interdits. Et à la suite des pluies torrentielles de l’été 2021, si de nombreuses cultures avaient versé (NDLR: et avaient de la sorte été perdues), le chanvre testé à Villers-le-Bouillet – dont les tiges de gros diamètre peuvent atteindre 2 à 2,5 mètres de haut – s’était globalement maintenu debout.»

Par ailleurs, le rouissage à la rosée, une étape clé de la culture du chanvre, est non énergivore. Vers la mi-juillet, les tiges coupées (par une machine particulière encore à l’état de prototype) sont laissées couchées parallèlement sur le champ pendant quatre à six semaines. «Des micro-organismes, aidés par l’alternance pluie-soleil, digèrent alors une partie de la colle en pectine qui entoure les fibres. Ce qui facilite la séparation des fibres lors des opérations mécaniques ultérieures.»

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