Lune
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Conquête spatiale: pourquoi un tel engouement pour la Lune ?

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

Quelques jours après l’échec de la Russie, l’Inde a réussi à décrocher la Lune, un astre au cœur de plusieurs programmes ambitieux depuis quelques années. Pourquoi la Lune suscite-t-elle tant de convoitises ?

Mercredi, l’Inde a intégré le club très restreint des grandes puissances spatiales en posant un engin sur la Lune, quelques jours après un échec russe. Jusqu’ici, seuls les Etats-Unis, l’Union soviétique et la Chine étaient parvenus à procéder à un alunissage contrôlé. Le Premier ministre indien Narendra Modi qualifie l’alunissage d’ »historique ».

L’alunissage de la mission Chandrayaan-3, qui signifie « vaisseau lunaire » en sanskrit, a eu lieu mercredi, quatre ans après une tentative avortée. Ce jeudi, le robot mobile Pragyan (« sagesse » en sanskrit) est descendu de l’atterrisseur. Alimenté par l’énergie solaire, il arpentera le pôle Sud de la Lune, une zone encore peu cartographiée caractérisée par la présence de glace d’eau, et transmettra des images et des données scientifiques pendant les deux semaines de la mission. 

L’Inde n’est pas la seule puissance à s’intéresser à la Lune. Cinquante-quatre ans après le premier homme sur la Lune, le satellite situé à quelque 384.000 kilomètres de la Terre est au cœur de plusieurs programmes ambitieux réalisés par les puissances abonnées aux prouesses spatiales, mais également de nouveaux candidats.

Beaucoup de monde sur la Lune

La Chine prévoit ainsi d’envoyer des taïkonautes (astronautes chinois) sur la Lune avant 2030 et ambitionne d’y construire une base. Si le pays n’a envoyé son premier humain dans l’espace qu’en 2003 – soit très longtemps après les Soviétiques et les Américains en 1961 en pleine Guerre froide – ses programmes spatiaux, alimentés par des milliards de dollars, montent en puissance depuis plusieurs décennies.

Avec notamment une première mondiale en 2019: l’alunissage d’un engin sur la face cachée du satellite naturel de la Terre. Puis en 2020, le retour d’échantillons de Lune – une opération inédite, tous pays confondus – en plus de 40 ans.

La Corée du Sud a placé en décembre 2022 en orbite lunaire sa sonde « Danuri », lancée quelques mois plus tôt à bord d’une fusée SpaceX, et s’est donné pour objectif de poser un engin sur la Lune en 2032.

Cependant, il n’y a pas que des missions réussies. Une mission privée israélienne a raté l’alunissage de sa sonde en 2019. Même issue en avril dernier pour l’alunisseur Hakuto de la start-up japonaise ispace. Deux autres entreprises, les sociétés américaines Astrobotic et Intuitive Machines, devraient tenter leur chance plus tard cette année.

Le New Space

Chercheuse à l’Observatoire royal de Belgique et professeure à l’Institut d’astronomie et de géophysique Georges Lemaître de l’UCLouvain, Véronique Dehant salue ce regain d’intérêt pour la Lune, notamment de la part d’acteurs privés tels qu’Elon Musk. « C’est ce qu’on appelle le New Space. Grâce à cette tendance née il y a environ cinq ans, les industries du spatial font leurs propres missions et ce ne sont plus les grandes agences spatiales qui décident. Ce New Space a boosté tout ce qui est spatial ». 

Cependant, les agences spatiales et New Space ne poursuivent pas les mêmes objectifs. « Alors que les agences ont généralement un but scientifique, le New Space a plus un but de commercialisation, ce qui n’empêche pas leurs besoins de se rencontrer, car les agences spatiales commencent à faire appel à l’industrie spatiale, aux lanceurs d’Elon Musk par exemple », explique Véronique Dehant.

Une planète rouge inhospitalière

Si les agences spatiales tentent de décrocher la Lune, c’est aussi parce le rêve d’envoyer des humains sur la planète rouge se heurte encore à trop de difficultés. « Mars est une planète très inhospitalière. Nous savons qu’elle a été habitable dans le passé, mais à l’heure actuelle il n’y a pas d’eau, les températures oscillent entre -150 et 20 degrés ».

Les difficultés sont également d’ordre éthique. Les humains envoyés sur Mars subiraient en effet des radiations durant une longue période. « Comme Mars tourne en deux ans autour du Soleil (la Terre en un an), pour faire le plus petit trajet, nous avons une fenêtre de lancement tous les deux ans. Donc si vous partez vers Mars, vous devez soit partir tout de suite, soit attendre deux ans sur place », explique la scientifique.

Plus proche, la Lune permet de mieux gérer toutes ces difficultés. « Nous irons peut-être un jour sur Mars, mais le premier pas, c’est d’aller vers la Lune. Celle-ci ne nous a pas encore livré tous ses secrets. En science, on se pose une question, on trouve la réponse, mais on ressort dix autres interrogations. Les scientifiques n’ont jamais fini leur travail. Mars fascine les scientifiques, mais à moment donné, il faut aussi retourner sur la Lune. Pour comprendre notre Terre et notre système solaire, il faut comprendre la formation de la Lune ».

Pas de jeux politiques

Si la course vers la Lune est bien réelle entre les Etats, que ce soient les Etats-Unis, la Chine, l’Inde, la Corée du Sud ou la Russie, au niveau scientifique, il n’y a pas de jeux politiques. Véronique Dehant évoque le projet du Moon Village, un concept de base lunaire, où chacun viendrait mettre son élément qui pourra être utilisé par tout le monde. « Les circonstances de la guerre en Ukraine créent certes des tensions, mais en principe les scientifiques poursuivent l’ambition d’une collaboration internationale », conclut-elle.

Avec l’AFP

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