Douze ans pour le Jack Russel, 4 ans pour le bouledogue: pourquoi l’espérance de vie des chiens varie autant
On pourrait le surnommer papy Jack Russell. Une étude du Royal Veterinary College, à Londres, confirme que les races de petite taille, le « Jack » en tête, vivent plus longtemps. Mais pas celles créées ou transformées par l’homme.
Onze ans et deux mois. Telle est l’espérance de vie d’un chien, selon une étude du Royal Veterinary College (RVC), de l’université de Londres, publiée au printemps dernier. Onze ans et deux mois, sur la base de l’âge de décès de 30 563 chiens, de 18 races et croisements différents, au Royaume-Uni, entre le 1er janvier 2016 et le 31 juillet 2020. C’est le Jack Russell qui peut, à sa naissance, espérer vivre le plus longtemps (12 ans et 7 mois), le Bouledogue français devant bien profiter de son existence parce qu’elle ne dépasse pas les 4 ans et 5 mois (voir l’infographie ci-dessous).
Les futurs propriétaires doivent cesser d’acheter ces races hypertypées et privilégier des races plus saines.
Les chiffres peuvent varier selon le pays (une même race peut vivre jusqu’à quatre ans de plus au Japon), l’alimentation, la façon dont l’animal est traité, la fréquence et la qualité de ses soins, etc. Mais les travaux du RVC fournissent quatre grands enseignements, ou confirmations pour les experts ès canidés: les petits chiens finissent généralement plus vieux que les grands, les femelles quatre mois de plus que les mâles (11,5 ans contre 11,1 ans), la stérilisation augmente de 10% l’espérance de vie et les brachycéphales (à museau aplati) sont ceux dont la durée de vite est la plus courte.
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Espérance de vie des chiens: trop petit pour mourir?
La taille est donc un paramètre essentiel à la longévité. Une étude française, menée il y a tout juste dix ans pour la marque Royal Canin, indiquait ainsi que «plus le chien est petit, plus longue est son espérance de vie: un chien de moins de 10 kilos peut espérer vivre jusqu’à 12 ans, un chien moyen de 10 à 25 kilos jusqu’à 10 ans et un grand chien de 25 à 45 kilos jusqu’à 8 ans».
Le Royal Veterinary College valide, mais pointe des races de petits chiens – le Bouledogue français, le Bouledogue anglais et le Carlin (tous entre 30 et 40 centimètres) – vouées à une vie plutôt courte. C’est la morphologie de leur tête, plus que la taille de leur corps, qui en est la cause. Leur museau écrasé, comprimé, et les replis de chair au fond de leur gorge, juste avant la trachée, multiplient les risques d’obstruction des voies respiratoires: par 54 pour le Carlin et par 19 pour le Bouledogue. Pareil pour les maladies chroniques de peau: 49 fois plus fréquentes chez le Bouledogue anglais, 26 fois chez le Bouledogue français et 16 fois chez le Carlin. Explications, selon une autre étude du RVC, parue début juillet: le désir de plus en plus répandu et de plus en plus profond d’avoir un toutou «so cute», si mignon, qu’on pomponnera, lavera, parfumera au point de le fragiliser. L’une des causes majeures des soucis de peau de ces chiens devenus de salon (de beauté, entre autres) serait ainsi un excès de «frictions, humidité et manque de ventilation dans les replis».
Des races «homme made»
Commentaire de Dan O’Neill, l’un des auteurs de l’étude, relayé dans Science & Vie de septembre: «Pendant vingt millions d’années, la nature a façonné le physique des chiens de manière à optimiser leur santé et leur survie. En l’espace de deux cents ans, nous avons balayé cette longue évolution en sélectionnant une variété de morphologies canines, principalement pour nourrir notre désir de diversité.» Allusion aux races créées ou détournées par l’homme. Le mensuel scientifique s’attarde ainsi sur le Bouledogue, «exemple typique de ces races “homme made”, fabriquées de toutes pièces par l’humain. A l’origine, ces chiens très sportifs étaient destinés à faire des combats de taureaux: leur museau court et large leur permettait de mieux attraper le bovin par le nez et de ne plus le lâcher, tandis que leurs pattes courtes leur donnaient plus de stabilité au sol.» Mais quand, au XIXe siècle, les combats furent interdits, «on les a transformés en chiens de canapé, y décrit un vétérinaire. Comme on aimait bien leur côté molossoïde, on a cherché à raccourcir leur crâne». Concrètement, «l’humain privilégiait alors ceux ayant des problèmes de cartilages de croissance, se rapprochant de l’esthétique souhaitée. Génération après génération, la transformation s’est opérée, jusqu’à ce que les os de leur nez cessent de grandir. Leur peau, en revanche, a continué sa croissance et s’est mise à faire des plis au niveau de la face et autour du cou.»
Différents tests sont aujourd’hui possibles pour dépister les défaillances respiratoires, rénales, cardiaques, etc., ou les développements anormaux d’organes, de tissus ou de cellules. Mais Dan O’Neill est formel: «Les futurs propriétaires doivent cesser d’acheter ces races hypertypées et privilégier des races plus saines.»
A Washington, le Dog Aging Project, qui ausculte le vieillissement canin, publiait, au printemps, une étude des habitudes et données de santé de plus de dix mille chiens concluant que ceux ne mangeant qu’une fois par jour sont en meilleure santé que ceux nourris plusieurs fois: «Moins de problèmes cognitifs, gastro-intestinaux, dentaires, orthopédiques, urinaires et hépatiques.» Bon à savoir pour les maîtres belges. Qui sont toujours plus nombreux – les confinements n’y ont pas été étrangers – puisqu’on estimait, l’an passé, que près d’un ménage sur quatre (23,6%), en Belgique, possédait un ou plusieurs chiens.
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