Ce qui construit l’équilibre d’un chat, c’est l’harmonie de son lieu de vie et le maintien de ses relations. © Getty Images

Parano, bipolaire, rancunier… Cinq choses à savoir sur le chat, un petit félin « névrosé »

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Le chat reste moins compris que le chien, avec lequel l’humain partage une structure sociale proche : le canidé a la notion de hiérarchie et maintient la relation avec son maître, dont il dépend. Cinq choses à savoir sur l’animal domestique préféré des Belges.

1. Le chat, ce « parano »

Il a parfois son quart d’heure de folie, courant dans tous les sens, sautant partout et miaulant sans raison apparente. A cette frénésie peuvent s’ajouter des coups de griffes et de l’agressivité. La seconde d’après, le voilà qui pique un roupillon ou se jette sur un bout de carton. Un peu « fou » et surtout parano.

C’est une espèce mi-prédatrice, mi-proie. Il demeure en lui à la fois une pulsion de prédation et le besoin de disposer d’une « panic room » sûre. En tension entre ces deux pôles, il peut témoigner un mal-être. « Ce qui construit l’équilibre d’un chat, c’est l’harmonie de son lieu de vie et le maintien de ses relations », explique Claude Béata, vétérinaire, spécialiste en médecine du comportement et auteur de La Folie des chats (Odile Jacob, 2022).

« Ce qui construit l’équilibre d’un chat, c’est l’harmonie de son lieu de vie et le maintien de ses relations »

Il énonce ainsi les cinq champs, distincts et nécessaires, constitutifs d’un biotope de chat, quel que soit son environnement quotidien : l’isolement (là où il se toilette, se repose et est en sécurité maximale), l’alimentation (la gamelle), l’élimination (lieu sécurisé), les activités (chasser, observer, jouer en solitaire) et les interactions (habituellement dans des lieux et à des horaires précis). Chacun de ces champs (trois de proie, deux de prédateur) est relié par des chemins balisés par des phéromones. Refaire une pièce, déménager ou déplacer sa litière peut bouleverser un chat et aboutir à une véritable souffrance mentale. Il y a ainsi cette charmante femelle qui se transforme ponctuellement en chat sauvage pour attaquer ses humains, ce siamois irréprochable devenu malpropre à la (dé)faveur du confinement, le gentil Bengale, qui s’arrache les poils par touffes entières. L’une n’est pas assez nourrie, l’une doit supporter une nouvelle litière, l’autre encore vit dans un environnement trop pauvre pour assouvir son instinct de prédateur.

2. Le syndrome du chat caressé mordeur

Le félin est un animal capricieux. Contrairement au chien, il n’a pas besoin d’être en relation. La relation, pour lui, demeure facultative. « Le chat est capable d’aimer un autre individu, sait s’adapter à une vie de groupe mais ne fait jamais société », détaille Claude Béata. Et s’il tolère vos caresses, il ne les apprécie pas pour autant. Subitement, il peut se retourner et mordre la main qui le caresse, alors qu’il semble avoir demandé le contact. Il s’agit du syndrome du chat caressé-mordeur, bien connu des vétérinaires comportementalistes. Le chat peut apprécier être auprès de son maître, sans forcément avoir envie d’être caressé.

Rapidement, il envoie des signaux : des poils qui se hérissent, des tremblements, la queue qui bat… Des signaux non perçus par l’humain, persuadé que son chat est fourbe ou versatile. « Pour un chat être attaché ne signifie pas aimer être touché. Venir se coucher à coté de vous est déjà un signe majeur que vous êtes apaisant et que vous lui offrez une base de sécurité », poursuit le spécialiste. Même le ronronnement n’est pas un signe exclusif de plaisir. Des vétérinaires ont vu ronronner des chats en proie à la souffrance, parfois en train de mourir ou en train d’accoucher. Ils supposent que l’animal essaie ainsi de réduire l’inconfort ou la douleur encouru.

3. Le chat confiné, pas plus cinglé que celui d’extérieur

Des études montrent qu’il y a autant de troubles du comportement chez les chats qui ont un accès à l’extérieur que chez ceux qui vivent à l’intérieur. Ainsi celle menée par Uriell Ferlier, qui a analysé trois groupes : d’intérieur, urbains ayant un accès à l’extérieur et ruraux ayant un accès à l’extérieur. Aucune différence n’apparaît, qu’il s’agisse de recherche de contacts avec les propriétaires, de malpropreté, ou de ronronnement.

Les agressions par irritation (quand l’animal se sent menacé) existent en proportions identiques dans les trois groupes, de même que les agressions des chats dits « caressés-mordeurs ». Seule l’attaque par prédation est surreprésentée dans le groupe des chats d’intérieur ; ce comportement dérive de la chasse : le chat se tapit, puis saute au passage de son propriétaire, le plus souvent sur ses mollets. Logiquement, les chats d’intérieur présentent davantage de phases de jeu que ceux qui ont d’autres activités à l’extérieur. En effet, le jeu s’exprime beaucoup plus en milieu protégé qui laisse peu de place à la crainte d’être dans une situation de risque vital qu’à l’extérieur où une vigilance constante est de mise. En résumé, la différence de biotope entraîne une variation dans le répertoire comportemental, mais il n’y a pas plus de troubles comportementaux parmi les confinés.

4. Il peut être dépressif, bipolaire, schizophrène…

Il pète le feu ! Il bouge, saute, grimpe partout… mais se gamelle très souvent. Durant les jeux, il griffe, mord, n’arrive pas à s’autocontrôler. Il ne structure pas son territoire et s’endort là où il était en train de jouer, peu à l’abri. Ce comportement est l’équivalent du trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité humain. Les vétérinaires constatent aussi des états pathologiques anxieux, dépressifs, phobiques ou dysthymiques (troubles de l’humeur chroniques). Ces chats sont en contact avec la réalité, mais elle leur est douloureuse. On note par ailleurs des cas de perte de contact avec la réalité, ce qu’on appelle des syndromes dissociatifs équivalents à la schizophrénie humaine, avec des agressions incontrôlées et dangereuses.

Des pathologies gravement sous-estimées, qui se manifestent le plus souvent par de l’inhibition ; un chat qui ne va pas bien est un chat inhibé : il est passif, bouge moins, perds ses poils. Ce qui fait que son mal-être peut passer inaperçu.

5. Un peu rancunier

Quand les pathologies se manifestent par de la malpropreté et de l’agressivité, il arrive que le maître tente de punir son animal ou lui crie dessus… ce qui engendre des troubles en retour. Car pour le chat, une punition, une mauvaise expérience rend l’humain imprévisible. Déboussolé, le matou font ce que font les chats : essayer de rétablir l’harmonie en marquant son territoire et en privilégiant, par exemple, le marquage urinaire. C’est un cercle vicieux.

En effet, appartenant à une espèce par définition non sociale, il est dépourvu de mécanismes de collaboration et surtout de réconciliation. Bref, il est un peu rancunier.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire