Le fléau des «animaux cadeaux» dans les refuges: «Le pic des abandons, c’est désormais toute l’année»
Vouloir adopter ou offrir un animal comme «cadeau» reste une action trop souvent banalisée et fréquente. Les refuges belges, débordés, ne constatent pas de pic d’abandons juste après les fêtes, car en réalité ceux-ci se multiplient toute l’année. Assurant leur autofinancement, manquant de bénévoles et de places, différents lieux d’accueil appellent à poursuivre la sensibilisation du public.
«L’abandon d’un animal se produit en général deux ou trois mois après son arrivée, le temps que le maître se rende compte des implications au quotidien, ou parce que les vacances arrivent et qu’il se trouve sans solution pour faire garder l’animal», explique Nadège Pineau, responsable opérationnelle chez Help Animals. Elle ne peut que déplorer la surcharge constante dans les trois refuges de l’association. «Les établissements ne désemplissent pas. Nous devons refuser énormément de demandes. Il reste compliqué d’identifier un véritable moment plus critique ou un pic, car les abandons, c’est toute l’année.»
Pour endiguer le phénomène, la Wallonie avait lancé une campagne de communication à la fin de l’année, incitant à ne pas offrir d’animaux comme cadeau. «L’émotion de Noël peut pousser à des choix précipités. Dans l’euphorie du moment, on oublie parfois que l’adorable chiot ou chaton grandira et nécessitera des soins constants. Cette impulsivité est une des causes majeures d’abandon, notamment après les fêtes», lançait le département du bien-être animal.
Par manque de temps, parce que les coûts sont trop élevés, parce que les besoins de l’animal ne peuvent être satisfaits ou que l’intégration se passe mal… les raisons qui poussent les propriétaires à se séparer d’un compagnon à quatre pattes sont nombreuses. Entre les motifs plus légitimes, après une séparation ou la perte de revenus, certains autres sont plus difficiles à avaler pour les responsables des refuges. «Il y a encore un grand travail de sensibilisation à faire. Les gens doivent se renseigner sur l’animal, ses besoins, réaliser ce que ça coûte, en argent évidemment, mais aussi en temps. En faire un cadeau ou une surprise, c’est la pire idée. Il faut se laisser un vrai moment de réflexion avant de prendre un animal», insiste Nadège Pineau.
Que change le permis requis en Wallonie?
C’est aussi dans cette optique que la Wallonie, depuis 2022, impose au futur propriétaire d’obtenir un permis de détention d’animal. Une formalité administrative qui peut avoir des effets bénéfiques. «Ce qu’on a observé, c’est un impact sur les adoptions compulsives. Des personnes se présentent en refuge pour adopter, sans ce document, ce qui les obligent à faire une démarche supplémentaire et allonge le délai de réflexion. Certaines ne reviennent jamais lorsqu’on exige le document», relate encore la responsable.
En revanche, le manque de cohésion belge est pointé du doigt. À Bruxelles, rien n’est exigé, facilitant de fait les adoptions. Le document reste également lié à une personne, pas à un foyer, ce qui rend la mesure partiellement inefficace. «Des personnes poursuivies pour des cas d’agression ou de maltraitance sur les animaux ne perdent pas leur permis aussi vite que cela. Et quand bien même elles le perdraient, il leur suffit d’envoyer quelqu’un d’autre avec un permis pour venir adopter l’animal. L’idée est bonne, mais le suivi derrière est compliqué», détaille Floriane Brackx, directrice de l’asbl Sans Collier.
Dans les lieux d’accueil de l’association brabançonne, grosse structure nécessitant des moyens importants, la même surcharge et le découragement qui pointent. Le soutien des pouvoirs publics est minime et les dons cruciaux. Sans les bénévoles, impossible également d’accueillir les animaux décemment. Il en faudrait deux fois plus pour alléger le travail. «Mais nous ne sommes pas les plus à plaindre», reconnaît-elle.
Des retours dévastateurs pour l’animal
Certaines personnes se présentent parfois au refuge avant les fêtes, dans l’optique d’en faire un cadeau. «Nous refusons systématiquement», poursuit Floriane Brackx. Chaque demande d’adoption est précédée d’une première rencontre informelle, afin d’identifier le rythme de vie de la famille, ses horaires, la présence d’autres animaux, etc. Comme dans d’autres refuges, l’idée est d’essayer de mettre le bon animal au bon endroit.
Malgré toute les précautions prises, les retours, souvent dramatiques pour l’animal, se produisent encore. «En 2024, sur plus de 1.400 adoptions, nous avons eu 273 retours dans nos refuges. Environ 20% donc, avec des motifs divers, parfois farfelus. Certains animaux peuvent tomber malade, on nous les ramène comme s’il y avait une garantie dessus», déplore la directrice de Sans Collier.
Certains animaux peuvent tomber malade, on nous les ramène comme s’il y avait une garantie dessus
Floriane Brackx, directrice de Sans Collier
À la SRPA de Liège, Ingrid Swinnen, coordinatrice accueil et bénévoles, se félicite de la baisse des retours, même s’ils restent trop fréquents. «Nous avons mis en place une formation pour nos bénévoles, afin de pouvoir mieux analyser le profil des adoptants. Nous ne sommes pas là pour dire qu’un grand chien ne peut jamais vivre en appartement. Si le propriétaire est sportif et peut aller courir avec l’animal tous les jours, ça fonctionnera. Mais il faut pouvoir refuser une adoption en cas de doute.»
Euthanasie pour 13% des chats recueillis
Outre le recueil d’animaux délaissés par leurs propriétaires, les refuges doivent faire face également à une multiplication des animaux sauvages. Les chats en particulier posent d’énormes problèmes et s’accumulent. La stérilisation des félins, obligatoire depuis 2018 en Wallonie et à Bruxelles, restent encore trop peu suivie chez les particuliers. La répression ne suit pas et cause des engorgements dans les refuges. Pas question pour autant de faire de la place sans réflexion. Les centres d’accueil interrogés disent tous ne pas pratiquer d’euthanasie «de confort», pour vider le refuge, mais ils se retrouvent obligés de refuser des animaux fréquemment.
Selon les statistiques agrégées par la Wallonie en 2023, environ 13% des 16.000 chats recueillis cette année-là ont été euthanasiés. Le pourcentage est plus faible chez les chiens (3%), qui sont deux fois moins nombreux à être passés par un refuge. Environ neuf lieux d’accueil sur dix ont communiqué leurs chiffres, qui restent difficilement comparables d’une année à l’autre, les établissements ouvrants et fermants au gré des impulsions et des découragements. Les chiffres peuvent donc varier fortement d’une année à l’autre.
Certains refuges ouvrent parfois leurs portes, afin de faire comprendre la difficulté du secteur de la protection animale. Les enfants notamment font partie du public à sensibiliser, autour des questions du bien-être animal. L’occasion d’un dernier message de prévention. «Accueillir un animal, c’est un bouleversement. Réfléchissez avant d’adopter. Désengorger les refuges, c’est améliorer aussi la qualité du placement des autres animaux», conclut Ingrid Swinnen.
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