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Un parcours pour Van Aert chez Van der Poel: quelles sont les spécificités du parcours d’Hoogerheide où se tiendront les championnats du monde de cyclo-cross

La commune néerlandaise de Hoogerheide accueillera les championnats du monde de cyclo-cross pour la troisième fois, en février prochain. Pourquoi là-bas encore? Tout simplement parce que c’est le biotope d’Adrie van der Poel. Le père de Mathieu et David, concepteur du tracé, nous fait une visite guidée.

Impossible d’y échapper: Hoogerheide est un berceau du cyclo-cross. À l’entrée du village, on découvre directement une triple sculpture en acier que l’on doit à l’artiste Leon Vermunt. L’œuvre a été dévoilée en fin d’année 2008. Elle représente un cyclocrossman qui escalade une butte avec son vélo sur l’épaule, un autre qui grimpe en restant sur sa machine, un troisième qui célèbre une victoire en passant la ligne d’arrivée.

Un peu plus loin, le long de la même route, un escalier menant à des blocs d’appartements est enrobé des couleurs arc-en-ciel. Et pour cause: les championnats du monde se tiendront ici les 3, 4 et 5 février 2023. En haut du même escalier, deux drapeaux flottent au vent. On y voit Mathieu van der Poel, heureux comme un gosse en champion du monde.

Adrie van der Poel, 63 balais, observe ces décorations. Pour ses fils David (trente ans) et Mathieu (27 ans), la lutte à venir pour le maillot irisé sera un retour au biotope de leur paternel. «Je suis né à Bergen-op-Zoom, à une dizaine de kilomètres d’ici. Mais j’ai vécu pendant près de trente ans dans ce patelin, la moitié de ma vie à peu de choses près. J’ai passé la frontière belge pour m’installer à Kapellen quand j’ai rencontré ma femme.»

«Je ne voulais pas de cadeau pour ma dernière course»

Ce championnat du monde sera, de facto, la 23e édition du Grand Prix Adrie van der Poel. La première, qui s’est tenue le dimanche 20 février 2000, coïncidait avec sa dernière apparition dans les labourés. Pour l’anecdote, Adrie van der Poel a été fait citoyen d’honneur de Hoogerheide. Il se souvient de cette journée très particulière. «Une équipe de la chaîne de télé néerlandaise NOS m’a suivi depuis le petit-déjeuner jusqu’en soirée. Quelques heures avant le départ, je suis venu ici à vélo. Quand je suis arrivé, il n’y avait pas un chat. J’ai reconnu le parcours, puis je suis allé me changer à la salle de sport. Je suis sorti une vingtaine de minutes avant le départ. Là, je n’en ai pas cru mes yeux. Il y avait près de 15.000 personnes sur le site. C’était gigantesque, super chouette.»

On part du principe qu’il y aura entre 30.000 et 35.000 personnes le dimanche.» Adrie van der Poel

Cette course disputée devant sa base a clôturé une magnifique carrière qui avait pourtant débuté difficilement. Adrie van der Poel a dû attendre l’âge de 17 ans, alors qu’il avait déjà six saisons dans les jambes, pour enfin s’imposer. Plus tard, il y aura des succès retentissants sur route (Tour des Flandres, Liège – Bastogne – Liège, deux étapes du Tour de France) et en cyclo-cross (championnat du monde, Coupe du monde, Superprestige).

Alors qu’on se promène avec lui sur le site où sera installé le grand chapiteau des championnats du monde en février, l’ancien coureur revient sur ses adieux. «Dans des circonstances pareilles, on a l’habitude de faire des cadeaux. Mais moi, je ne voulais pas entendre parler de ça. Je voulais que les spectateurs assistent à une vraie course, à une belle course. C’est le champion du monde, RichardGroenendaal, qui a gagné au sprint devant le champion de Belgique, Sven Nys. J’ai fini troisième. Un triplé pour mon équipe, Rabobank.»

Il raconte qu’après cette première édition parfaitement réussie, les organisateurs ont rapidement envisagé d’y donner suite. «Dans un premier temps, je n’avais pas l’intention de faire mes adieux ici, mais vu que j’avais annoncé un an à l’avance que l’hiver 1999-2000 serait mon dernier chez les pros, des gens de Hoogerheide ont réfléchi à quelque chose d’original. Des gens que je connaissais, mais aussi d’autres personnes: mes supporters, ceux de René Pijpen qui était un spécialiste des Six Jours, des gens du monde du cyclisme en général. La première édition leur a beaucoup plu, les responsables de la commune et ceux de la Fédération étaient enthousiastes aussi. Ils souhaitaient que le concept continue, mais à une condition: je devais rejoindre l’équipe organisatrice. J’ai sauté le pas pour la deuxième édition, et plus de vingt ans plus tard, presque tous les gens qui étaient là à l’époque y sont toujours. Moi, je suis responsable du parcours et je m’occupe aussi un peu du sponsoring.»

Mathieu van der Poel et Wout van Aert se tiraient déjà la bourre en Espoirs

Le cyclo-cross de Hoogerheide a très vite grimpé les échelons. C’était une course nationale lors de sa première édition, c’est vite devenu un rendez-vous international de catégorie 2 puis 1, et dès la quatrième édition, en 2003, il était intégré au calendrier de la Coupe du monde. Très vite, l’idée a germé d’amener le championnat du monde dans le Brabant néerlandais, à Woensdrecht. En 2006, l’honneur est revenu à la commune de Zeddam, où Erwin Vervecken a conquis le deuxième de ses trois titres. Et trois ans plus tard, l’affaire était dans le sac.

«Pour l’UCI, il était important qu’on continue à organiser des courses après un championnat du monde. Beaucoup d’autres organisateurs arrêtent dès qu’ils ont réussi à attirer un Mondial. Nous avons bien fait comprendre que ce ne serait pas notre cas et ça a été un facteur déterminant. Et puis nous avions aussi marqué des points en organisant plusieurs fois la finale de la Coupe du monde, avec chaque fois des bons rapports de l’UCI.»

Du Mondial 2009, on retient que le tenant du titre néerlandais, Lars Boom, avait crié sur tous les toits qu’il allait reconduire son titre. Mais, le jour J, les jambes n’étaient pas là et il n’a fini qu’à la vingtième place, à près de deux minutes de Niels Albert. La veille, Adrie avait eu pour la première fois un fils au départ d’un championnat du monde: David avait terminé à la 18e place chez les Juniors, à une bonne minute de son compatriote Tijmen Eising.

Adrie van der Poel: "Mathieu me dit qu’il ne trouve pas ce parcours exceptionnel. Il n'est pas suffisamment technique à son goût."
Adrie van der Poel: « Mathieu me dit qu’il ne trouve pas ce parcours exceptionnel. Il n’est pas suffisamment technique à son goût. »

Un an plus tard, David est devenu le premier Van der Poel à triompher dans le Brabant. «Il était Junior deuxième année, il a gagné la dernière manche de la Coupe du monde et le classement final. Il a battu Danny van Poppel au sprint. C’est Julian Alaphilippe qui a pris la troisième place. Un beau podium, quand même…»

Adrie van der Poel évoque aussi le championnat du monde 2014, la deuxième édition qui s’est tenue dans son fief. Zdenek Stybar s’est emparé du titre en étant plus roublard que Sven Nys. Cette année-là, ses fils disputaient le Mondial des Espoirs. Mathieu était le grandissime favori, au même titre que Wout van Aert. Ils sont longtemps restés au coude à coude, puis notre compatriote a signé un dernier tour d’enfer pour s’adjuger le maillot. Van der Poel junior a même été doublé in extremis par Michael Vanthourenhout et n’a fini qu’à la troisième place.

Ce tracé est plus fait pour Wout van Aert. Vous voyez bien que je ne l’ai pas dessiné pour mon fils, hein!» Adrie van der Poel

À l’approche de cette course, Van Aert avait piqué son adversaire en insinuant que le parcours avait été dessiné pour lui. Il avait dit, à peu de choses près, ceci: «Mathieu n’a rien eu à dire dans la conception du circuit? Officiellement, non…» Ce n’était effectivement pas lui qui avait fait le tracé… mais son père.

«C’est la parole de Wout contre la mienne», se défend Adrie. «Parfois, à la maison, Mathieu et David dessinaient des parcours, ils me disaient: Papa, je ferais comme ça. Je leur répondais que ça ne marchait pas comme ça. En 2009, Lars Boom nous avait demandé d’adapter certains virages pour que les coureurs puissent y passer plus vite. Je lui avais répondu: Pourquoi je ferais un truc pareil? Fais en sorte d’être en toute grande forme, et alors ça se passera bien pour toi.»

Des coureurs vont remplacer les bovins et les moutons

Le village a bien changé depuis le temps où il y a passé son enfance et son adolescence. «La ferme familiale, qui était à environ 500 mètres d’ici, n’existe plus. Le corps de logis est toujours là, mais tous les terrains agricoles qu’il y avait derrière, dont une partie appartenait à mes parents et une partie à un autre fermier du coin, ont été bâtis. Je pense qu’il doit y avoir près de 350 maisons.»

Les terres sur lesquelles se tient le GP Adrie van der Poel ont aussi changé de propriétaire récemment. «On les avait achetées, avec le comité d’organisation. Mais elles sont entre-temps passées dans une organisation de protection de la nature. C’est pour ça que vous voyez des clôtures pour retenir des vaches, des taureaux et des moutons. Et ces grands portiques. Pour nous, il n’y a pas de problème. Tout est parfaitement entretenu, et le fait qu’il y ait des bovins dessus, c’est une très bonne chose. Maintenant, pour l’organisation de protection de l’environnement, ce cross représente un important surcroît de travail.»

La manche de Coupe du monde qui s’est tenue ici au début de cette année était la première course depuis le changement de propriétaire. «Ce n’était pas très compliqué parce qu’à cause du Covid, il n’y avait pas de public. Il nous a suffi d’adapter un peu le parcours. Mais pour le championnat du monde, il va falloir démonter une bonne partie des clôtures. Il faudra retirer les barbelés, pour la sécurité des coureurs et des spectateurs.»

Hoogerheide bientôt viré du calendrier de la Coupe du Monde?

Lors de la manche annuelle de la Coupe du monde, Hoogerheide accueille environ 7.500 spectateurs. Pour le prochain Mondial, on en attend quatre fois plus. «On part du principe qu’il y aura entre 30.000 et 35.000 personnes le dimanche. Nous voulons leur proposer le meilleur cadre possible. Au fil des années, nous n’avons jamais arrêté de corriger les petites choses qui ne fonctionnaient pas trop bien. En reculant un peu l’espace VIP, nous avons créé une grande plaine pour le public. Et les gens pourront longer presque l’entièreté du parcours sans devoir traverser. Ce n’était pas tout à fait le cas en 2014 et pas du tout en 2009.»

L’impressionnant chapiteau VIP avec ses skyboxes, déjà présent en 2014, sera à nouveau aménagé. De là, on a une vue imprenable sur le tracé. «Quand nous l’avons placé en 2014, c’était une première dans l’histoire du cyclo-cross. Cette fois, nous avons longtemps hésité à refaire le coup, nous nous demandions si ça valait le coup d’investir là-dedans. Mais la demande est très forte. L’organisation espère attirer près de 4.000 VIP, soit près d’un demi-millier de plus que lors de l’édition précédente, et un millier de plus que pour la manche annuelle de la Coupe du monde.

Hoogerheide égalera en février le record du nombre d’organisations des championnats du monde, en se portant à la hauteur de Luxembourg (1951, 1956, 1968), de Heusden-Zolder (1970, 2002, 2016) et de la commune tchèque de Tábor (2001, 2010, 2015). Mais il est déjà acquis que Tábor prendra seul les commandes de ce classement particulier dès 2024.

Pour le GP Adrie van der Poel, tous les contrats expireront après les prochains championnats du monde. La cheville ouvrière ne peut donc pas dire, pour le moment, si la course fera toujours partie du calendrier de la Coupe du monde. «Depuis que Flanders Classics a repris l’organisation de la Coupe du monde, nous ne pouvons plus faire ce que nous voulons, par exemple au niveau du sponsoring, des VIP, de l’habillage du parcours. Ils en font un cirque. Il y a souvent des tensions et ce n’est plus agréable de travailler dans des conditions pareilles. On verra. En tout cas, organiser une course en dehors du cadre de la Coupe du monde n’est pas une option pour nous, parce qu’on ne sait pas avoir une date intéressante dans le calendrier.»

L'un des passages sur la ligne d'arrivée d'Hoogerheide lors de la Coupe du monde féminine la saison dernière.
L’un des passages sur la ligne d’arrivée d’Hoogerheide lors de la Coupe du monde féminine la saison dernière.

Mais ce n’est pas ce qui préoccupe les organisateurs en ce moment. Ils envisageront tout ça plus tard. Toute l’attention est focalisée sur les Mondiaux. «Au début du mois de janvier, nous commencerons à installer les ponts. À partir de là, nous pouvons aménager l’entièreté du parcours, ce qui commence environ deux semaines avant les compétitions. Nous sommes à une dizaine pour y travailler. Marc Dierickx et son équipe s’occupent d’installer les poteaux et les cordes, je suis en charge des clôtures avec trois hommes. Nous ne faisons pas des journées XXL, nous commençons sur le coup de neuf heures, jusqu’à quatre heures et demie environ. Et le midi, nous mangeons tous ensemble. Il faut aussi que ça reste un plaisir.»

En retournant vers sa voiture, Adrie van der Poel rappelle qu’en matière d’organisation, Hoogerheide fait partie du top en cyclo-cross. «On ne peut absolument rien reprocher à notre parcours. Il est sûr, l’aménagement des postes pour le changement de matériel est idéal, le tracé est large. Ici, les coureurs ne se retrouvent pas dans un goulot juste après le départ. Et les possibilités de dépassements sont nombreuses.»

De là à en faire l’un des plus beaux parcours du calendrier, sur un plan purement sportif? Pour son concepteur, la question est ouverte! «Chacun se fait sa propre opinion là-dessus. Chaque coureur, chaque supporter voit les choses à sa façon. Mathieu me dit qu’il ne trouve pas ce parcours exceptionnel. Il me dit qu’il n’est pas suffisamment technique. J’aimerais bien qu’il soit plus agréable, mais pour des questions de préservation de l’environnement, on ne peut pas faire passer les coureurs dans le bois. En fait, ce tracé est plus fait pour Wout van Aert. Vous voyez bien que je ne l’ai pas dessiné pour mon fils, hein!»

«J’aurais préféré que Mathieu passe au cyclo-cross dès la fin de la saison sur route»

Il n’y a pas d’âge pour goûter aux honneurs… À l’arrivée du tout dernier cyclo-cross de son père, Mathieu van der Poel, cinq ans, est monté sur la plus haute marche du podium. Avec son frère David, il s’est fait remarquer alors qu’Adrie recevait un trophée.

Le village de son père lui a toujours réussi. Il n’y a qu’un seul cyclo-cross (Diegem, six victoires) où il a triomphé plus souvent qu’à Hoogerheide en catégorie Élite. Il a touché la cible dès sa première participation, en 2015. Au total, il a gagné cinq fois dans le Brabant néerlandais.

Installé en Belgique, il ne s’est planté qu’une fois sur ce circuit. En 2017, il a terminé à la 24e place, à deux grosses minutes de son compatriote Lars van der Haar. «Il rentrait d’un stage et ça ne lui a pas réussi», se souvient le paternel. «Mais il n’a pas paniqué. Il a dit que c’était simplement un jour sans, que sa condition était bonne et qu’il avait encore une semaine avant le championnat du monde à Luxembourg. Il a prouvé là-bas qu’il était bien, mais il y a eu ces crevaisons.»

La dernière participation de Mathieu van der Poel au Grand Prix qui porte le nom de son père remonte à deux ans. La course n’a pas eu lieu en 2021 à cause de la pandémie. Et la saison dernière, le quadruple champion du monde a très peu couru dans les labourés en raison de problèmes de dos.

Juste avant de prendre l’avion pour le Mondial sur route en Australie, il s’est confié dans les bâtiments de son sponsor principal, Deceuninck. «J’ai l’intention de faire entre dix et quinze cyclo-cross cet hiver. C’est aussi ce que je voulais faire l’année passée, mais mon dos m’en a empêché. Je ne sais pas encore dans quelles courses je m’alignerai, mais mon seul objectif est le championnat du monde à Hoogerheide.»

Si ça n’avait tenu qu’à son père, il serait passé au cyclo-cross dès la fin de la saison sur route. «À sa place, je ne me serais pas trop reposé, j’aurais attaqué directement. Je n’aurais pas attendu le mois de décembre, je me serais aligné dès fin octobre à Ruddervoorde. C’est important qu’il passe bien cet hiver, alors sa condition sera plus stable l’année prochaine. Cette année, sa condition n’était pas suffisante. Quand c’est comme ça, ça peut marcher à certains moments, mais pas sur la durée.»

Hoogerheide pratique

Programme

Vendredi 3 février

12h30 Course mixte par équipes

Samedi 4 février

11 h Juniores (F)

13 h Espoirs (M)

15 h Élites (F)

Dimanche 5 février

11 h Juniors (M)

13 h Espoirs (F)

15 h Elites (M)

Tickets

Ve. 03/02: gratuit

Sa. 04/02: 21 € prév / 25 €

Di. 05/02: 26 € prév / 30 €

Ticket combiné: 46 € prév / 50 €

Gratuit pour les moins de douze ans

Site officiel: www.wkhoogerheide2023.nl

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