Thiam, le record et les bonnes nouvelles d’un EURO d’athlétisme belge réussi
Les championnats d’Europe en salle d’Istanbul ont été l’édition la plus réussie de l’histoire de l’athlétisme belge, avec notamment l’or pour Nafi Thiam et les Belgian Tornados. Retour sur l’événement en cinq chiffres marquants.
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Le nombre de médailles obtenues par la Belgique lors des championnats d’Europe d’athlétisme en salle: l’or pour Nafi Thiam sur le pentathlon et pour les Belgian Tornados sur le 4×400 mètres, l’argent pour Julien Watrin sur le 400 mètres et le bronze pour Noor Vidts sur le pentathlon, pour Eliott Crestan sur le 800 mètres et pour Thomas Carmoy au saut en hauteur.
De quoi accrocher la cinquième place au tableau des médailles par nations, et une médaille de plus que le précédent record belge, établi lors des précédents championnats d’Europe en salle, à Torun en 2021 (cinq médailles). Et ce alors qu’auparavant, dans tous les championnats d’Europe depuis la première édition en 1970, les athlètes belges n’avaient jamais remporté plus de trois médailles par compétition. Certes, le niveau global d’un EURO en salle n’est pas comparable à celui d’un championnat en plein air, et il est encore moins garant de finales et de médailles aux Mondiaux et aux Jeux olympiques, mais il témoigne une fois de plus de la tendance à la hausse que connaît l’athlétisme belge depuis un certain temps. Non seulement avec les « stars » (Thiam, les Tornados, Bashir Abdi), mais aussi en profondeur.
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Kevin Borlée était présent lors de presque chacune des 32 finales auxquelles les Belgian Tornados ont participé depuis les Jeux olympiques de 2008. Il n’a manqué que les World Relays de 2019 en raison d’une blessure aux ischio-jambiers.
À Istanbul, Borlée a de nouveau tourbillonné pour les Tornados, même s’il ne s’était pas préparé spécifiquement pour l’événement. Avec un temps de 45.80, il a réalisé le 400 mètres le plus rapide de tous les athlètes partis en troisième position lors de la finale. Et il signe même le deuxième meilleur temps de tous les participants, après le Néerlandais Liemarvin Bonevacia (45.67), qui s’est élancé en tant que dernier coureur des Bataves.
Borlée, tout juste 35 ans, a ainsi propulsé les Tornados vers une 17e médaille dans un championnat international. Il a également décroché sa cinquième médaille dans un championnat d’Europe en salle, dont trois en or, tout comme son frère Dylan Borlée. Tous deux ont ainsi égalé Ronald Desruell.es, qui était le seul recordman belge en nombre de médailles jusqu’à l’EURO écoulé. Il n’a toutefois remporté l’or qu’une seule fois entre 1978 et 1988.
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Le nombre de centièmes qui ont privé Julien Watrin de l’or sur le 400 mètres. Il a terminé à un cheveux du Norvégien Karsten Warholm, qui avait couru un premier 200 mètres particulièrement rapide, en 20.84. Watrin était 66 centièmes plus lent dans ce premier tour. Et il était même 88 centièmes derrière après 300 mètres. Warholm n’a pas pu maintenir son rythme effréné, mais il lui a resté juste assez d’énergie pour devancer le Belge, qui a signé un nouveau record national (45.44).
Pour Watrin, 30 ans, il s’agit de sa première médaille individuelle dans un championnat international. Et ce bien qu’il court avec les Tornados depuis un certain temps. En effet, sa première finale remonte à 2014, lors des relais mondiaux. Son récent passage au 400 mètres haies, l’épreuve sur laquelle il a terminé sixième aux championnats d’Europe en plein air l’an dernier, lui a visiblement donné un nouveau élan.
Une bonne nouvelle pour les Tornados, qui ont besoin d’un Watrin rapide s’ils veulent également décrocher une médaille au niveau mondial (championnats du monde l’été prochain, Jeux olympiques 2024). Surtout si Jonathan Sacoor ne retrouve pas son niveau et si Jonathan Borlée continue à lutter contre les blessures.
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À Istanbul, Nafi Thiam est devenue la première femme belge à établir un record du monde officiellement reconnu en athlétisme, tant en salle qu’en plein air. En salle, seule Emiel Puttemans avait également amélioré un record du monde. Thiam a récolté 42 points de plus sur le pentathlon que le précédent record du monde de Nataliya Dobrynska en 2012 : 5055 contre 5013. Elle récolte ainsi immédiatement le fruit du travail fourni avec son nouvel entraîneur Michael Van der Plaetsen, après la décision audacieuse d’interrompre sa collaboration avec son coach de longue date, Roger Lespagnard.
Van der Plaetsen et Thiam avaient pourtant parlé d’une « année de transition » avant les championnats d’Europe en salle. Et la Liégeoise n’a d’ailleurs pas atteint son apogée lors de l’EURO. Elle n’a pas encore réellement travaillé ses sauts (en hauteur et en longueur). Cela s’est vérifié à Istanbul : avec 1m92 et 6m59, Thiam est restée un peu en dessous de ses records personnels en salle (1m96 et 6m79). Au saut en longueur, la championne olympique a notamment déclaré avoir perdu vingt centimètres sur son meilleur essai en sautant trop loin de la planche.
Si Thiam a malgré tout amélioré le record du monde, elle le doit à l’égalisation de son record personnel sur le 60 mètres haies (6,23), à un nouveau record personnel en salle sur le 800 mètres (2:13.60, soit pas moins de 5 secondes et 20 centièmes de mieux que son précédent record en salle) et à son lancer le plus lointain (15m54) jamais réalisé au poids, en salle comme en plein air.
La progression de Thiam dans ses chronos à la course, en partie expliquée par ses nouvelles pointes en carbone, est particulièrement remarquable. En effet, c’était auparavant son point faible. Les entraînements avec Van der Plaetsen, dans lesquels ce dernier joue le rôle de lièvre, sont manifestement bénéfiques.
Une nuance toutefois : sur la base du système de notation par points selon lequel World Athletics évalue chaque record, le précédent record du monde de Dobrynska n’était pas le record en salle le plus impressionnant. Seul le 60 mètres haies a un score encore plus bas (1235 contre 1243). Et même le nouveau record du monde de Thiam (avec un score de 1254) ne dépasse que celui du 60 mètres haies (1235) et du 60 mètres (1248). Dans le classement des meilleurs heptathlons de tous les temps, un score de 1254 se situerait même juste en dehors du top 10.
Pour Thiam, son record du monde et sa médaille d’or ont néanmoins été une confirmation de sa suprématie. Depuis les Jeux olympiques de Rio, elle a participé à treize pentathlons/heptathlons et n’en a perdu qu’un seul : aux Mondiaux de Doha en 2019, où elle a terminé deuxième derrière Katarina Johnson Thompson.
De plus, avec un œil sur son grand objectif, un troisième titre olympique à Paris, une autre chose est cruciale, encore plus importante que son record en salle : le fait que Thiam ait pu terminer son pentathlon à Istanbul sans la moindre douleur après plusieurs années très éprouvantes, tant physiquement et mentalement.
Avec Michael Van der Plaetsen, elle a travaillé plus que jamais sur la prévention des blessures pendant ses vacances d’hiver en Afrique du Sud, et ça fonctionne. Le fait de pouvoir s’entraîner pendant des mois par temps chaud, plutôt que dans le froid belge, l’a sans aucun doute aidée aussi. Rester à l’abri des blessures peut, surtout pour la tranquillité d’esprit de Thiam, devenir la clé d’un nouveau titre mondial (à Budapest l’été prochain) et d’une nouvelle médaille d’or olympique. Surtout depuis l’arrivée de jeunes concurrentes comme la Polonaise Adrianna Sulek (23 ans) ou l’Américaine Anna Hall (21 ans).
49.85
Le temps de la Néerlandaise Femke Bol sur le 400 mètres. C’est la troisième fois qu’elle passe sous la barre magique des 50 secondes ces dernières semaines, après avoir également établi un record du monde en 49.26. Courir sous les 50 secondes n’était arrivé que sept fois auparavant dans toute l’histoire de l’athlétisme. Une preuve de l’énorme progression de la Néerlandaise de 23 ans au cours de l’hiver dernier.
Grâce à un temps de 49.58, elle a également permis à l’équipe néerlandaise de remporter le titre européen dans le 4×400 mètres. C’est le deuxième doublé (400 mètres + 4×400 mètres) consécutif pour Bol lors de l’EURO en salle, après avoir déjà été championne d’Europe en plein air l’été dernier sur le 400 mètres, le 400 mètres haies et le 4×400 mètres.
Reste à voir maintenant si elle peut menacer l’intouchable détentrice du record du monde du 400 mètres haies Sydney McLaughlin-Levrone l’été prochain, grâce à son nouveau rythme de quatorze pas entre chaque haie.
Outre Bol, d’autres stars ont brillé à Istanbul : le Grec Miltiadis Tentoglou a remporté sa troisième médaille d’or au saut en longueur, le Français Kevin Mayer a fait de même sur l’heptathlon masculin, et le Norvégien Jakob Ingebrigtsen a réalisé le doublé sur 1.500 et 3.000 mètres pour la deuxième fois consécutive. Âgé de seulement 22 ans, il compte déjà onze titres européens, plus un titre mondial (5.000 mètres) et un titre olympique (1.500 mètres) à son palmarès.
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