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Sarah Chaâri, le plus grand espoir de médaille belge: «Perdre ou échouer ne lui vient pas à l’esprit»

L’essentiel

• Sarah Chaâri, jeune taekwondoïste belge d’origine marocaine, s’’est qualifiée pour les Jeux olympiques de Paris 2024.
• Elle est devenue la première Belge à remporter une médaille d’or au prestigieux Grand Prix de Manchester en décembre 2022.
• En 2022, elle a réalisé un exploit en devenant championne du monde chez les juniors et chez les élites en l’espace de quatre mois.
• Elle combine ses exploits sportifs avec des études de médecine à l’ULB.
• Malgré son jeune âge et son statut de débutante olympique, elle vise une médaille d’argent à Paris et est considérée comme une athlète déterminée et talentueuse.

Elle n’a que 19 ans, mais elle sera l’une des plus grandes chances de médaille belge à Paris. Déjà championne du monde de taekwondo, Sarah Chaâri ne devrait pas succomber à l’énorme pression des Jeux olympiques.

En octobre dernier, parmi les athlètes accueillis traditionnellement chaque année au palais royal de Laeken, figure une jeune femme arborant un foulard blanc, le même qu’elle porte sous un casque lors de ses combats. «J’avais 17 ans lorsque j’ai décidé de porter le hijab, même si certaines personnes n’aiment pas cela», raconte Sarah Chaâri dans l’une de ses rares interviews, accordée à musulmans.be. Son père est d’origine marocaine, sa mère est belge et ne porte pas le voile. «Je suis une musulmane pratiquante et ma foi est importante, poursuit-elle. Si la Fédération l’avait interdit, je ne participerais plus aux compétitions.»

Sarah a commencé le taekwondo à l’âge de 11 ans. Enfant, elle a d’abord pratiqué la gymnastique et la danse classique, sans grand enthousiasme. Son père, ceinture noire de taekwondo, l’emmène, ainsi que ses deux frères, découvrir son sport. D’abord au Ramdani Team à Gilly puis à la Tollyo Academy à ­Montignies-sur-Sambre. «Elle a mordu tout de suite, raconte son entraîneur de l’époque, Christian Aubert. Dès le début, elle était très déterminée.» Et dotée d’un vrai talent de compétitrice.

A 13 ans, elle décroche déjà une médaille de bronze aux championnats du monde, en catégorie cadets, en Ouzbékistan. Elle s’entraîne alors jusqu’à cinq fois par semaine, plusieurs heures par jour. De l’avis des spécialistes, elle sortait déjà vraiment du lot.

Bien que Sarah Chaâri soit affiliée à l’Association belge francophone de taekwondo, Jelle Vicca, de Taekwondo Vlaanderen, la connaît bien et commentera ses prestations aux JO de Paris pour la chaîne flamande Sporza: «Le monde du taekwondo belge est tout petit. J’ai vu quasi tous ses combats. A Paris, toute la compétition se déroule le même jour (NDLR: le 9 août). C’est assez spécial. Sarah a déjà affronté à peu près toutes ses concurrentes. J’ai rarement vu une taekwondoka qui, comme elle, possède toutes les qualités nécessaires pour répéter plusieurs performances de haut niveau dans la même journée.»

«Sarah était déjà une “tueuse” lorsqu’elle a remporté ses premières médailles.»

Sarah Chaâri, c’est d’abord une morphologie idéale. Mince, elle mesure près d’1m90. «J’espère bien ne pas grandir davantage», plaisante-t-elle. Quoi qu’il en soit, elle dépasse ses concurrentes d’une tête. «D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été la plus grande. Grâce à mes longues jambes, je frappe plus facilement mes adversaires, mais en contrepartie, ils peuvent me frapper plus fort…»

Sarah Chaâri, une “tueuse”

La taille seule ne permet toutefois pas de gagner des combats. Pour exceller dans les arts martiaux coréens, il faut également être fort physiquement et mentalement. Pour ses pratiquants, le taekwondo est en outre une philosophie. Une recherche d’équilibre entre la paix et la lutte. «Sarah était déjà une « tueuse » lorsqu’elle a remporté ses premières médailles», estime Jelle Vicca. Pourtant, selon son entourage, la jeune fille est plutôt de nature timide et très sympathique. Des traits de caractère qui contrastent ­fortement avec la froideur impressionnante et l’agressivité ciblée qu’elle déploie dans le dojang, la salle d’entraînement officielle. En décembre 2023, elle s’est d’ailleurs qualifiée haut la main pour les Jeux de Paris et est devenue par la même occasion la première Belge à remporter une médaille d’or au prestigieux Grand Prix de Manchester, confirmant ainsi son statut d’étoile montante.

En 2022, la taekwondoka avait déjà réalisé un exploit de taille: gagner, en l’espace de seulement quatre mois, le titre de championne du monde chez les juniors et chez les élites. «Personne n’a jamais réussi à remporter les deux titres la même année», confirme Jelle Vicca.

Seul bémol, elle a conquis ses titres dans la catégorie des moins de 62 kilos, qui n’est pas une catégorie olympique… A Paris, elle devra concourir en moins de 67 kilos. Jelle Vicca n’y voit pas un problème. «Elle a déjà montré qu’elle pouvait battre les meilleures du monde dans cette catégorie aussi.»

«Elle a toutes les qualités nécessaires pour répéter plusieurs performances de haut niveau dans la même journée.»

Sarah Chaâri est l’un des fers de lance du projet Be Gold, à travers lequel le Comité olympique belge (COIB) soutient des jeunes talents dans la réalisation de leur réussite future au plus haut niveau. «Nous suivions Sarah depuis un certain temps, confirme Olav Spahl, le chef de la délégation belge à Paris. L’objectif, au début, était qu’elle ­termine dans le Top 8 aux Jeux de Los Angeles en 2028. Alors le fait qu’elle se soit déjà qualifiée pour Paris est forcément inattendu.»

Etudiante en médecine

Un exploit d’autant plus exceptionnel que Sarah Chaâri combine sport de haut niveau et études de médecine. Elle avait déjà bouclé ses études secondaires avec un an d’avance, elle est actuellement en deuxième année de bac à l’ULB. Ses examens, elle les prépare avec la même discipline qu’une compétition de taekwondo, seule dans son kot de l’Erasme Campus à Anderlecht, où l’Association belge francophone de taekwondo dispose d’un centre d’entraînement de haut niveau. «Il faut savoir s’organiser, explique Sarah Chaâri. J’essaie d’étudier après l’entraînement, mais ce n’est pas toujours facile car je suis en général très fatiguée.» Malgré tout, elle ne veut pas choisir entre le sport de haut niveau et les études.

«Sarah ne pense qu’à gagner. Perdre ou échouer ne lui vient pas à l’esprit. Y compris dans ses études», affirme Jelle Vicca. L’agence de statistiques Gracenote a prédit une médaille d’argent pour la débutante olympique. Elle a elle-même exprimé cette ambition. Ce qui pourrait représenter beaucoup de pression pour les frêles épaules de la jeune Carolo. «On pourrait le croire. Mais j’ose miser sur elle. Conquérir une médaille maintenant sera plus facile que de la confirmer plus tard. Quand il le faudra, Sarah répondra présente. Si elle n’y parvient pas à Paris, elle aura peut-être d’autres occasions à saisir», espère le consultant.

Peu de risque, de toute façon, que le succès lui monte à la tête, estime ses proches. A la Tollyo Academy de Montignies-sur-Sambre, on aperçoit encore Sarah Chaâri régulièrement. «Chaque fois qu’elle remporte une médaille, elle vient la montrer aux élèves», sourit Christian Aubert, son premier entraîneur. Alors, si elle venait à en décrocher une à Paris, la visite royale ne sera pas la seule à l’ordre du jour.

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