Coco Gauff est la sportive la mieux payée, mais n’a gagné que 8% du salaire de Cristiano Ronaldo durant l’année 2023. © Getty Images

Salaire des sportifs: pourquoi les femmes sont absentes du Top200

On ne trouve aucune sportive parmi les 200 sportifs les mieux rémunérés au monde, malgré un sport féminin plus médiatisé que jamais.

Elles font de plus en plus parler d’elles. A l’échelle belge, le constat est flagrant, dans une diversité de sports de plus en plus grande là où les ténors masculins sont essentiellement répartis entre le cyclisme et le football. Nina Derwael sur les parcours de gymnastique, Nafi Thiam sur les pistes d’athlétisme, Emma Meesseman sur les parquets, Loena Hendrickx patins aux pieds ou Lotte Kopecky pieds aux pédales: toutes sont devenues des têtes d’affiche d’un sport belge qui se raconte sans cesse plus souvent au féminin.

Même au-delà des frontières, les sports féminins ont pris l’ascenseur. Chaque année, les chiffres des audiences décollent, tout comme le nombre de spectateurs dans les arènes sportives et donc, presque inévitablement, les investissements consentis par les sponsors. Finalement, il n’y a que les salaires qui restent largement à la traîne. Le cyclisme féminin en a encore donné un exemple récent, quand la championne néerlandaise Demi Vollering a fait la Une pour le salaire «monstrueux» que lui offrirait l’équipe du Golfe UAE Team ADQ. Lauréate du dernier Tour de France, mais aussi de nombreuses classiques ardennaises, la cycliste batave pourrait être payée un million d’euros par an avec ce futur contrat potentiel. Soit environ six fois moins que Tadej Pogacar, homme fort de la version masculine de l’équipe émiratie.

Même sur les parquets de basket-ball, un sport qui s’appuie pourtant sur une longue tradition chez les femmes, les joueuses les mieux payées de la WNBA dépassent péniblement les 200.000 euros annuels. Elles jouent pourtant dans ce qui est la meilleure compétition de la planète, une ligue dont l’équivalente masculine arrose un peu plus de 50 joueurs avec des salaires annuels surpassant les 25 millions d’euros. A la fin de l’année 2022, la révélation sur les réseaux sociaux du salaire touché par Rocky, la mascotte de la franchise des Denver Nuggets, avait fait tiquer les stars du basket féminin. Avec 625.000 dollars par an, l’homme caché sous un costume de puma touchait trois fois plus d’argent que les meilleures basketteuses de la ligue. De l’autre côté de l’Atlantique et sur les terrains de football, on n’est pas en reste en matière de gouffre salarial: la saison dernière, l’équipe féminine de Manchester United affichait un budget de 8,3 millions d’euros, contre 740 millions pour les hommes. Avec des salaires en conséquence.

Si les revenus des sportives ont augmenté, le seuil d’entrée dans le Top100 n’a cessé de grimper au cours de la dernière décennie.

Sportifs, sportives et 8%

Si le monde du sport aime dire que les inégalités se résorbent, les chiffres semblent témoigner du contraire. Quand le site Web américain consacré au business du sport sportico.com a publié son traditionnel Top100 des sportifs les mieux rémunérés de la planète pour l’année 2023, c’était la première fois depuis 2018 qu’on n’y voyait apparaître aucune femme. Pour trouver la trace de Coco Gauff, la sportive la plus rétribuée des douze mois écoulés, il fallait même descendre au-delà du Top200. Avec 21 millions d’euros, la tenniswoman n’atteignait ainsi que 8% du total accumulé par le footballeur Cristiano Ronaldo en un an (254 millions d’euros).

Plus brutale que jamais, cette réalité n’est évidemment pas neuve: depuis 2010, il n’y a jamais eu plus de trois femmes présentes dans le Top100 de Sportico. La plupart du temps, elles n’étaient d’ailleurs qu’une ou deux. Elles étaient toujours issues du tennis, qui reste actuellement le seul sport où les femmes se rapprochent de leurs homologues masculins pour le prize-money et les revenus issus du sponsoring. Il y a évidemment eu l’Américaine Serena Williams et sa rivale russe Maria Sharapova, ainsi que les Asiatiques Li Na (Chine) et Naomi Osaka (Japon).

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si parmi les huit sportives les mieux rémunérées de l’année écoulée, on trouve sept joueuses de tennis avec pour seule «intruse» la skieuse acrobatique chinoise Gu Ailing Eileen, sensation des derniers Jeux olympiques d’hiver de Pékin.

A court terme, une ou deux joueuses de tennis feront peut-être leur retour dans les 100 premières positions du classement. Pas plus. Parce que les compétitions majeures du sport américain que sont la NFL (football américain), la NBA (basket-ball) et la MLB (base-ball) profiteront des nouveaux contrats médiatiques négociés par dizaines de milliards de dollars pour encore augmenter les salaires de leurs têtes de gondole. Ailleurs dans le monde, les investissements de plus en plus conséquents de l’Arabie saoudite dans des compétitions forcément masculines risquent de faire encore plus pencher la balance du côté des hommes dans la course aux hauts revenus sportifs. C’est probablement le frein majeur à une arrivée plus massive du sport féminin dans les hautes sphères de ce classement: si les revenus des sportives ont augmenté, le seuil d’entrée dans le Top100 n’a cessé de grimper au cours de la dernière décennie. De seize millions de dollars il y a dix ans, il est passé à 26 millions en 2021 et atteint désormais 32,5 millions.

Bref, la voie de l’égalité est encore loin. Les valeurs olympiques tentent pourtant d’en faire un cheval de bataille à leur manière, avec les prochains Jeux de Paris qui seront les premiers de l’histoire à voir autant de femmes que d’hommes sur la longue liste des participants. Pour l’égalité des revenus, par contre, et en imaginant que la médiatisation du sport féminin poursuive son essor, il faudra sans doute encore attendre une bonne décennie. Au minimum.

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