Jonas Creteur
Paris doit relancer la popularité des JO
Samedi 8 juin. Thomas Bach, président du Comité international olympique (CIO), contemple la tour Eiffel. La veille, les anneaux olympiques y ont été fixés. Il assiste à un spectacle qui l’émeut. D’abord le soleil qui se couche, donnant à la tour de fer une couleur dorée encore plus profonde. Puis les anneaux qui s’allument. Paris est prête. «Vous le sentez quand vous marchez dans la ville», déclare l’Allemand, avant d’évoquer le symbole des cinq continents entrelacés, le pouvoir unificateur d’une compétition sportive d’envergure planétaire…
C’est également le message que Thomas Bach a adressé aux Nations unies à la fin du mois de novembre 2023. Il a ensuite dépeint un sombre tableau du globe, tournant selon lui «dans une spirale de confrontation, de polarisation et de violence». Le président du CIO a trouvé la trêve olympique plus nécessaire que jamais. Une résolution des Nations unies la ratifie pour tous les Jeux d’hiver et d’été, garantissant le dépôt des armes dans le monde entier pendant les compétitions olympiques. Tous les membres de l’ONU – à l’exception de la Russie et de la Syrie, qui se sont abstenues – ont approuvé cette résolution. Thomas Bach a souligné que Paris 2024 pourrait ainsi devenir «un phare en des temps bien sombres». Un mois plus tôt, lors du congrès du CIO, il avait même cité le tube fédérateur de John Lennon: «Imagine all the people, living life in peace. You may say, I’m a dreamer. But I’m not the only one…»
La réalité est malheureusement différente. L’Ukraine et la Russie ont indiqué qu’elles ne respecteraient pas la paix olympique. Volodymyr Zelensky ne veut pas donner à Vladimir Poutine la possibilité de bafouer à nouveau cette trêve. Comme fin février 2022, lorsque la Russie a envahi l’Ukraine voisine. Il n’y aura pas non plus de moment Kumbaya entre les athlètes ukrainiens et les quelques athlètes russes (qui participent sous une bannière neutre) pendant les Jeux. Les olympiens ukrainiens ont reçu l’ordre impératif d’éviter leurs homologues russes. Même si un duel tendu, notamment en arts martiaux, n’est pas à exclure. Ces tensions géopolitiques – entre autres relatives aux bombardements d’Israël à Gaza – risquent de faire de l’ombre aux Jeux. Et puis, il subsiste d’autres menaces pour les autorités: la canicule, le chaos au niveau de circulation routière, la falsification des billets, les grèves, les manifestations politiques, les émeutes ou, pire, un attentat terroriste. Le gouvernement hexagonal et le comité d’organisation affirment avoir pris toutes les mesures possibles pour éviter la catastrophe.
Après trois éditions marquées par les baisses d’audience, il faut montrer que les Jeux sont toujours populaires.
La pression est donc immense, tant sur la France que sur le CIO. Paris 2024 doit redynamiser le mouvement olympique après le chaos organisationnel de Rio 2016 et l’édition Covid sans ambiance de Tokyo 2021. Et surtout, après trois éditions marquées par les baisses d’audience, montrer que les Jeux sont toujours populaires. Surtout auprès de la jeune génération, qui a grandi avec les réseaux sociaux. D’où l’accent mis sur les «sports urbains» tels que le breakdance, le skateboard et le BMX freestyle.
Pour la France et son président Emmanuel Macron, les Jeux sont enfin l’occasion de donner l’image – ou l’illusion – d’une nation créative, inclusive, accueillante et progressiste. Comme un contrepoids à la montée du Rassemblement national, parti d’extrême droite, en France.
Si Thomas Bach et Emmanuel Macron réussissent, le scénario de nombreuses olympiades précédentes pourrait avoir lieu: des athlètes enthousiastes qui repoussent des problèmes devenus moins importants que prévu à la marge, surtout si les Français excellent. Si Matthias Casse, Remco Evenepoel, Lotte Kopecky, Nafi Thiam et consorts pilotent la Belgique vers un record de médailles, il n’en ira pas autrement dans notre pays. Peut-être qu’à ce moment-là, Thomas Bach rappellera son rêve, sur une mélodie de John Lennon, dans son discours de clôture: comme s’il ne s’agissait pas d’une utopie, même si ce n’était que pour seize jours.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici