Qui est vraiment Laura De Neve, l’une des satisfactions du premier match des Red Flames contre l’Islande ?
Un pied gauche de velours, mais des bobos à répétition. Une présence indispensable derrière, mais un caractère discret. Laura De Neve cultive l’art du paradoxe tout en faisant l’unanimité. Mais qui est vraiment la Joueuse Pro de l’Année 2020-2021?
« Il y a trois choses importantes dans la vie. La première, c’est être gentil. La deuxième, c’est être gentil. La troisième, c’est être gentil. » On ne sait pas si Laura De Neve a déjà feuilleté les oeuvres d’ Henry James, grand écrivain américano-britannique mort… à Chelsea. Ce qu’on sait en revanche, c’est que la joueuse d’Anderlecht a parfaitement assimilé les principes de l’auteur de « Portrait of a Lady ». « Je te défie de trouver une seule personne qui te dira quelque chose de négatif sur elle », ose même Patrick Wachel, coach qui a eu la bonne idée de faire reculer la gauchère de 27 ans d’un cran pour la placer dans l’axe de la défense à son arrivée chez les Mauves en 2016.
J’aurais pu aller plus haut si j’avais été un peu plus méchante. » LAURA DE NEVE
Les copines d’abord
De fait, gratter des infos sur la capitaine du Sporting revient rapidement à dresser une longue liste de ses qualités humaines. Si on la dit tour à tour « intelligente sur et en dehors du terrain, respectueuse des autres et mature au point de répondre aux interviews avec la clarté d’une vieille briscarde de trente ans alors qu’elle n’est encore qu’une ado », son CV témoigne en plus d’une fidélité (presque) indéfectible. En tout et pour tout, De Neve n’a connu que deux clubs: le FC Dender, où son paternel s’est un temps occupé des jeunes et où a également évolué son frère, et le RSCA, où elle débarque en 2010 après une formation passée à s’endurcir auprès des garçons jusqu’à ses quinze ans.
Fidèle, LDN l’est aussi en amitié, « une valeur fondamentale », selon la principale intéressée, le genre de pote à se taper un aller-retour à Barcelone flanquée de sa meilleure copine Laura Deloose pour aller voir leur amie Tine De Caigny disputer la Ligue des Championnes avec Hoffenheim. Une human touch qui lui permet de se construire dans l’un des clubs les plus prestigieux du pays et constitue une réponse à la question ultime: que fait-elle encore à Anderlecht?
Car un autre élément revient systématiquement lorsqu’on évoque De Neve: elle a le talent pour viser plus haut qu’une Super League toujours loin des standards pros qui ont cours chez nos voisins. « C’est principalement pour ces amitiés que je suis restée », assume Laura, dont il se murmure qu’un départ ne se ferait pas toute seule. « J’ai eu des occasions de partir, mais aucun projet ne compensait vraiment ce que j’ai ici », ajoute-t-elle, avant toutefois de glisser « ne rien exclure à l’avenir ». Surtout si Anderlecht, un club dont elle a suivi la croissance jusqu’aux cimes du football belge, poursuit son plan de restrictions budgétaires…
Une taulière à l’EURO
Et si cette décision aberrante avait au moins le mérite de donner un coup de boost à la carrière d’une internationale qui a aussi été freinée par plusieurs blessures? Si son potentiel saute aux yeux, ça n’empêche pas la meilleure joueuse de la saison 2017-2018 d’irrémédiablement rester dans l’ombre, elle qui n’a pas l’aisance face caméra d’une Tessa Wullaert ou les états de service à l’international d’une Janice Cayman. « Je suis de nature discrète et je placerai toujours les autres avant moi. J’ai conscience que c’est à la fois une qualité et un défaut dans le monde du foot », confesse sans problème celle dont le palmarès renseigne pourtant une Coupe et quatre titres de championne de Belgique, ainsi qu’une cinquantaine de caps chez les Red Flames. « Oui, j’aurais pu aller plus haut si j’avais été un peu plus méchante. » Mais voilà, difficile de forcer la nature d’une personne qui a longtemps combiné foot et un boulot de chauffeuse dans un centre s’occupant de personnes handicapées. Le sens de l’inclusion, toujours, même si Laura a désormais repris des études en gestion de soins pour alléger un emploi du temps qui devenait ingérable.
Mais Laura De Neve n’est pas qu’une fille sympa et souriante. La défenseuse « a du foot », comme le dit Aline Zeler, qui l’a côtoyée un an au RSCA ainsi qu’en sélection. Sens du (dé)placement, de l’anticipation, technique au-dessus de la moyenne, sens de la passe et surtout lecture du jeu, elle s’érige en élément-clé du Sporting et de l’équipe nationale. Des Flames qui se mesureront à une concurrence féroce à l’EURO (Islande, France et Italie), et auront plus que jamais besoin de la sérénité de l’Anderlechtoise pour relancer proprement. Pour tout simplement calmer les esprits en défense, aussi. Un quatre arrière où elle devrait faire équipe dans l’axe avec Amber Tysiak. Un duo qui s’impose presque naturellement tant leurs profils se complètent: d’un côté, Tysiak, une jeune droitière au jeu de tête solide qui n’hésite jamais à s’infiltrer. De l’autre, De Neve, une gauchère dotée d’un calme olympien et bourrée d’expérience qui sait « tenir la baraque » en cas d’incursion de sa comparse.
La confiance règne?
Cet EURO sera également l’occasion de se prouver qu’elle a toute sa place parmi le gratin du foot belge. Car l’histoire enflammée de Laura n’a pas épousé la même trajectoire parfaite que ses coups francs. En 2014, elle se retire « en bons termes » des plans d’ Ives Serneels, « un peu trop influencée par la vie en kot » qu’elle mène à Gand, où elle étudie l’orthopédagogie, explique-t-elle en toute franchise. « Quand j’ai vu à quel point le foot féminin progressait en Belgique, en plus en la présence de mes copines, j’ai eu envie de réintégrer le groupe. » À nouveau une histoire d’amitié, donc, même si au fil des ans, la numéro 8 des Mauves fait le boulot pour s’étoffer au niveau athlétique et devient « beaucoup plus ambitieuse ». Au point de viser une place de titulaire en Angleterre, là où elle avait dû se contenter du banc il y a cinq ans. Et même les quarts de finale!
Le signe peut-être que Laura De Neve a enfin compris à quel point elle est importante à l’équilibre d’une sélection qui vise haut, elle qui pouvait parfois douter de ses propres aptitudes malgré les paroles encourageantes de son entourage. Une confiance qui pourrait grandir davantage encore cet été en terres anglaises. Précisément là où 150 ans plus tôt, Henry James écrivit son roman intitulé « Confidence ».
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