A la découverte de l’ambitieux Charles De Ketelaere : « Il est possible aussi que je joue toujours à Bruges la saison prochaine »
Dans cette rubrique, partons à la découverte de l’homme derrière le footballeur ou l’entraîneur. Qui est-il? Qu’aime-t-il ? Comment est-il devenu ce qu’il est? Que veut-il ? Notre invité: Charles De Ketelaere.
Tout commence par des histoires de chats. Charles De Ketelaere frotte les poils qui sont accrochés à son pantalon noir parce que ça risque de se voir sur les photos. Et donc, la conversation dévie sur le thème. Le gamin de Bruges, 21 printemps seulement, est d’abord fan de chiens, il en a deux. Et il a élargi aux félins via sa petite amie. Une bonne façon de lancer la conversation. On est loin des penalties et des corners. On l’a prévenu, on voudrait une interview qui mette sa personnalité en avant. Et ça lui a plu directement. « Oui, chouette, parce que toutes les interviews que je fais parlent de foot et j’ai chaque fois l’impression de répéter les mêmes trucs. Sur moi comme homme, je ne me suis jamais vraiment lâché. »
Charles De Ketelaere n’est pas un grand bavard. En tout cas quand il côtoie des gens qu’il ne connaît pas. Mais depuis un peu plus de deux ans et le début de son éclosion, il a bien dû s’y habituer et on trouve face à nous un gars spontané. Il se décrit comme un garçon renfermé, mais on n’en remarque rien. « Je suis très ouvert dans un environnement connu, je suis très sociable. Mais si je ne connais pas bien, je reste sur mes gardes. Avant, je ne parlais carrément pas aux personnes que je ne connaissais pas. Mes premières interviews ont été compliquées. Et quand on devait faire des petits films, c’était fréquent qu’on doive recommencer quatre ou cinq fois. Parce que je n’arrivais pas à m’exprimer correctement. »
À l’entendre, ce n’est pas une question d’éducation. Plutôt de caractère. La preuve: son frère est complètement à l’opposé. « Lui, tu pourrais le surprendre à parler à un arbre. » Ce LouisDe Ketelaere est un fêtard. Le Charles, c’est tout le contraire donc. Il faut le tirer pour qu’il sorte de la maison. Il estime que les sorties lui coûtent de l’énergie. « Évidemment, j’ai des potes, mais je ne ressens pas le besoin de les contacter pour qu’on organise des activités. Ça me bouffe un peu. Quand je dis que je serai à une fête, au moment de partir, je me dis que j’aurais mieux fait de refuser et de rester sagement à la maison. Une fois que j’y suis, c’est différent, je m’amuse. Le lendemain, je me fais la réflexion que je devrais le refaire plus souvent. Mais cette envie disparaît assez vite. Il y a des joueurs de foot qui ont du mal avec ça, qui ont l’impression de sacrifier une partie de leur jeunesse pour leur carrière. Chez moi, rien de tout ça, je ne ressens aucun manque. »
Il a donc un frère, Louis, et une soeur, Renée. « Je dis toujours que moi aussi, j’aimerais bien avoir trois enfants. Je trouve que c’est un chouette nombre. Ce n’était jamais triste, je ne me suis jamais ennuyé. » Louis et Renée sont jumeaux. Dans la famille De Ketelaere, comme dans la majorité des familles où il y a trois enfants, c’était souvent un contre deux. Mais Charles n’en a jamais souffert. Régulièrement, il arrivait à attirer soit son frère, soit sa soeur dans son camp. « Comme je suis le plus jeune, j’étais le petit gâté. » Sauf quand il affrontait son frangin au foot dans le jardin. Souvent, les duels se finissaient dans les larmes. « Aujourd’hui, Louis raconte qu’il m’a formé, que c’est grâce à lui que j’évite aussi bien les tacles. En général, entre nous, ça se passait bien pendant une heure puis ça dégénérait, il s’énervait. J’étais trop fort pour lui, et comme j’avais deux ans de moins, il le prenait très mal. Il commençait à me mettre des tampons et je rentrais en pleurant. Il pouvait être vraiment dur. Je ne me souviens plus de ce que ma mère me disait pour me calmer, mais je finissais toujours par retourner dans le jardin et on recommençait à jouer. »
Une mère qui le bombarde de messages
Charles De Ketelaere a un appartement à Knokke depuis la fin de l’année passée, mais il continue à passer beaucoup de temps à la maison occupée par sa mère, à un jet de pierre du stade du Club. On peut parler ici de relation fusionnelle. Ils en ont passé des heures ensemble sur les routes! Isabelle De Cuyper est infirmière à domicile, et pendant ses temps libres, elle allait partout avec son fils. Elle faisait la route jusqu’à Anvers pour ses entraînements de tennis puis revenait dare-dare vers Bruges pour ses entraînements de foot. Et le week-end, elle était systématiquement le long des terrains pour ses matches, aussi bien en déplacement qu’à domicile. En plus de ça, Louis et Renée faisaient aussi du sport. « C’est difficile pour elle de nous lâcher aujourd’hui, même si on a un peu grandi… », sourit Charles. « Du matin au soir, elle nous bombarde de messages. Elle veut avoir des nouvelles, nous demande si on est bien arrivés, comment les entraînements se sont passés. Pendant longtemps, si je revenais un peu plus tard que prévu, elle me demandait s’il ne m’était rien arrivé. Elle est toujours super inquiète. Sur le coup, c’est parfois lourd, mais avec un peu de recul, je me rends compte que ce n’est que l’expression de tout son amour! Elle s’est toujours souciée beaucoup de nous, ça l’occupait. »
Son père, Francis, est beaucoup plus zen et détaché. « Il regarde mes matches, mais il ne s’est jamais impliqué autant. On peut avoir l’impression que ça ne l’intéresse pas, mais ce n’est pas le cas. Avec lui aussi, j’ai un lien très fort. »
Quand on demande à Charles De Ketelaere de dresser le pitch de sa jeunesse, il a un peu de mal. Tellement tout était simple et facile. « On n’a pas reçu une éducation à la dure mais on n’était pas non plus laissés à notre sort. » Il fait une pause puis poursuit: « Quand j’y repense, je vois surtout beaucoup d’amour. »
Ses parents se sont séparés quand il avait onze ans. Sur le moment, ça a évidemment été dur. Avec le recul, il dit que ça s’est finalement bien passé. « Ils continuent à bien s’entendre et ont toujours tout réglé pour nous. C’était important parce qu’une séparation, c’est toujours affreux pour les enfants. Bref, si je l’ai mal vécu au début, je n’en ai pas gardé un traumatisme dans la durée. Et puis ils ont arrêté de se chamailler, donc ça avait du bon! »
Une famille de dentistes
Le joueur du Club visitait alternativement son père et sa mère. Chez le papa, il y avait toujours beaucoup d’ambiance. Parce que Francis De Ketelaere s’est remarié et sa nouvelle famille recomposée totalisait six enfants. « En plus, ils ont tous un petit copain ou une petite copine, donc ça fait du monde. Moi, je suis plutôt à la recherche du calme, donc tranquillement à la maison avec ma petite amie. »
Il est encore chez sa mère pratiquement tous les jours. Elle fait son linge, cuisine pour lui. Lui-même ne fristouille pas encore. Quand on aborde le sujet, ça le fait rigoler. « J’ai la chance, ou la malchance, que ma petite amie cuisine super bien. Ses pâtes au saumon, c’est une tuerie. Elle n’aime pas quand j’en parle, elle n’aime pas qu’on la flatte. » Par contre, il gère l’entretien et la propreté de son appartement. « Quand j’étais à la maison, je n’en voyais pas l’utilité, je me disais que d’autres allaient le faire pour moi. C’est quand même fou de raisonner comme ça, non? Mais un gosse reste un gosse. »
Il passe beaucoup de temps avec sa moitié. Ils n’habitent pas ensemble mais sont pratiquement à temps plein chez l’un ou chez l’autre. Jozefien a un kot à Gand, où elle étudie la dentisterie. La même orientation que le père de Charles, qui s’est spécialisé en stomatologie. Un pur hasard: « Elle avait déjà choisi ces études quand on s’est rencontrés. »
Dès qu’on parle de sa petite amie, le visage de Charles De Ketelaere s’illumine. On a vraiment l’impression qu’il a trouvé la perle rare. Il a commencé à la suivre sur Instagram. Il lui a d’abord envoyé quelques messages puis ils sont devenus inséparables. Qu’est-ce qu’il lui trouve? « Beaucoup de choses. Elle est incroyablement gentille et elle déborde d’énergie. Elle adore ses études, aussi. Je trouve qu’on va très bien ensemble. » L’énergie débordante de Jozefien peut toutefois provoquer des clashes. « Quand on n’a pas le même avis, elle commence à crier. Dans ces cas-là, je lui dis: Hé, on n’est pas obligés de penser la même chose sur tout, on peut aussi parler calmement. »
Charles De Ketelaere ressemble très fort physiquement à son père. Mais là où le fils est toujours d’un calme olympien, le papa est plus chaud. « Il faut regarder une photo de lui quand il avait vingt ans, on croirait que c’est moi. Et on a le même humour. On se raconte des blagues qui nous font marrer, les autres trouvent que ce n’est pas très comique, mais mon père et moi, on trouve ça amusant. Récemment, il m’a dit que mon calme était ma plus grande qualité. Je ne m’énerve jamais alors que lui, il peut claquer des portes. Il trouve chouette que j’arrive à mettre mes émotions de côté. Ce calme, je le tiens de ma mère. Je lui ressemble aussi par la façon dont je suis attentif aux autres. Si j’ai besoin d’elle, je lui passe un coup de fil et elle monte directement dans sa voiture. Je suis comme ça, moi aussi. Et c’est pareil pour ma petite copine. »
Quelle vie de couple demain?
Mais que se passera-t-il quand il donnera une nouvelle orientation à sa carrière? Quand il quittera Bruges? « Bonne question! Ma copine n’est pas du genre à tout plaquer pour moi. Et je ne le voudrais pas, de toute façon. J’aime les femmes ambitieuses, je ne voudrais pas qu’elle arrête ses études pour me suivre. Mais je sais qu’on pourrait trouver une solution. » Elle s’en inquiète parfois. « Je lui dis alors qu’on réfléchira au problème au moment où il se posera. » Pour le moment, il ne sait pas encore où il sera dans quelques mois. « Il est possible aussi que je joue toujours à Bruges la saison prochaine. »
Ou pas… Il pense que le championnat d’Allemagne lui conviendrait. Mais il signale que n’importe quelle compétition en Europe pourrait être une option. Il est curieux de voir comment ça va se décanter dans les prochains mois. « Je n’ai pas encore connu beaucoup d’aventures dans ma vie. Si on regarde ma vie, ma carrière, tout a toujours été très calme avec des choix sûrs. Mais aujourd’hui, je suis prêt pour passer à autre chose. » C’était complètement différent il y a cinq ans. « À l’époque, je ne m’imaginais absolument pas dans un autre club, dans un autre vestiaire. Ça m’effrayait. J’ai changé de façon de penser, avec les années. Ne pas savoir où je serai dans un an, dans deux ans, je trouve ça excitant. Je suis curieux de voir ce que l’avenir va me réserver. »
À 21 ans seulement, il est dans le viseur d’une jolie série de grands clubs. « C’est tout nouveau parce que pendant longtemps, je n’ai pas été au-dessus du lot. Je n’étais pas exceptionnel. Les gens qui venaient voir nos matches chez les jeunes ne disaient pas que j’avais une bonne chance de devenir pro. Ils me trouvaient quelque chose, c’est normal, on a certaines qualités quand on joue au Club Bruges, mais je n’étais pas une des vedettes de l’équipe. »
Pas une star, certes, mais un ambitieux. Il n’était jamais satisfait de sa production, il lui en fallait toujours plus. Quand sa mère lui disait qu’il avait fait un super match, il lui répondait le contraire. « Je voulais toujours aller plus haut et j’étais extrêmement critique par rapport à mes prestations. Si j’avais marqué deux buts et raté une occasion, c’était surtout cette occasion ratée qui me restait en tête. Peut-être parce que j’étais conscient que j’avais un certain potentiel. Aujourd’hui, c’est différent. Je suis encore super critique, mais il m’arrive aussi d’avouer que j’ai fait un match magnifique. »
Un corps qui a explosé
L’homme est en pleine progression. La transformation de son corps y est pour beaucoup. À l’âge de quinze ans, il a subitement pris autant de centimètres. Les muscles, évidemment, n’ont pas suivi. Il observait les cuisses de ses coéquipiers, comparait avec les siennes. Et il enviait la puissance qu’ils avaient dans les jambes. Tout a changé les dernières années, il s’est méchamment musclé. « J’ai maintenant la force qui m’a longtemps manqué. Tout s’est fait de façon très naturelle, j’ai senti mon corps se transformer. J’ai aussi beaucoup gagné en constance. Chez les jeunes, je pouvais donner une passe magnifique puis être complètement invisible. Je suis devenu beaucoup plus régulier. »
Au point d’être un des piliers du Club. « Comment l’expliquer? Je peux simplement dire que je suis content de mon évolution… Je récolte les fruits de mon boulot, de toutes ces années où j’étais impitoyable dans l’analyse de mes propres prestations. » Entre-temps, les superlatifs pleuvent. On le compare parfois aux plus grands. Il grimace quand on lui fait la remarque: « C’est bizarre. Je fais de mon mieux, tout simplement. »
Il n’est pas du genre, en tout cas, à marcher subitement à côté de ses pompes, à se prendre la grosse tête. « Mes proches ne l’accepteraient pas, de tout façon. Et puis le Club n’est pas une équipe de gros cous. Regarde Hans Vanaken. Il a gagné deux fois le Soulier d’Or mais il n’a pas l’impression d’être plus fort que les autres. Mes parents jouent aussi un rôle là-dedans. À la maison, il ne faudrait pas que je commence à me la raconter. »
Envie de refaire du tennis
Pour un gars plutôt renfermé comme Charles De Ketelaere, un sport individuel comme le tennis est un bon choix, sur le papier. Mais une fois qu’il est à l’aise dans un groupe, il goûte à fond à la dynamique collective. « Quand je regarde un match de tennis, ça me donne envie d’en refaire. Mais c’est quand même un sport fort solitaire. »
Sa soeur joue toujours, à un très bon niveau. L’attaquant du Club, lui, n’a plus tenu une raquette depuis un bon moment. « Je dis souvent à ma soeur que si je fais un match contre elle, je vais la battre. Elle pense l’inverse. On devrait le faire. Histoire de trancher la question une fois pour toutes! »
Il a arrêté le tennis parce qu’il s’amusait mieux dans le foot, et parce qu’il pouvait taper le ballon avec ses potes. « Quand j’avais huit, neuf ans, le tennis était très sérieux. Je me souviens d’entraînements où je ne pouvais arrêter que quand j’avais mis cinquante balles dans une zone bien précise. Parfois, j’avais tellement mal au bras que j’en pleurais. Je n’ai jamais connu ça dans le foot, je me suis toujours amusé. »
Intrigué par « le corps »
Le perfectionniste qui sommeille en Charles De Ketelaere ne se révèle pas que sur les terrains de foot. À l’école, déjà, il était comme ça. « Je cherchais toujours à bien faire les choses. » Il voulait s’améliorer en permanence. Il a choisi de faire sa vie dans le foot, mais si ça n’avait pas été le cas, il aurait probablement étudié la médecine ou la kiné. Le corps dans son ensemble l’a toujours intrigué. « Sans doute parce que le football m’a obligé à m’y intéresser. Dans mon évolution de footballeur, j’ai toujours surveillé de près la transformation de mon corps. J’ai toujours trouvé ça intéressant. »
Le livre qu’il lit en ce moment traite du leadership. « Il a été écrit par quelqu’un de la famille, c’est pour ça que je me suis plongé dedans. Mais je ne vais pas faire le malin et dire que je lis énormément. Ce n’est pas le cas. En vacances, par contre, je consacre pas mal d’heures à la lecture et je choisis généralement des livres qui traitent de philosophie ou de psychologie. Je trouve intéressant d’apprendre des choses sur soi-même, sur ce qu’on veut dans la vie. Il y a plein de choses qu’on fait au quotidien sans se demander pourquoi on les fait, sans réfléchir. »
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