Léon Marchand, le poisson sans nageoire: portrait de la nouvelle coqueluche française

L’essentiel

• Léon Marchand, un jeune nageur français de 22 ans, a remporté sa première médaille d’or aux Jeux olympiques, juste après avoir battu le record du monde de Michael Phelps.
• Né sur les bords de la Garonne, Léon Marchand est issu d’une famille de nageurs de haut niveau.
• Il a étudié l’informatique aux États-Unis et y a trouvé son entraîneur personnel, Bob Bowman, qui a également mené la carrière de Michael Phelps.
• Léon Marchand est connu pour sa phase subaquatique, qui lui permet de se déplacer sous l’eau avec une grande efficacité.

Il était annoncé comme l’une des grandes vedettes de la première semaine des Jeux, et il n’a pas déçu les attentes, en remportant sa première médaille d’or, juste après avoir noyé le dernier record de Michael Phelps. Portrait du nageur Léon Marchand.

Si les Français devaient mettre leurs Jeux olympiques en bouteille et les classer par qualité, Léon Marchand (22 ans) figurerait sans aucun doute parmi les grands crus. L’Hexagone est déjà bleu de son nouveau phénomène. Non seulement il est multiple champion du monde et recordman du monde du 400 m 4 nages, désormais médaillé d’or, mais il séduit aussi tout le monde avec son large sourire et ses yeux aussi bleus que son élément préféré. Hors Hexagone, il n’est sans doute pas encore aussi connu que d’autres superstars françaises comme Kylian Mbappé ou Victor Wembanyama. Mais cela pourrait changer dans quelques semaines. L’Equipe, le célèbre journal sportif français, a déjà donné le ton l’été dernier: ce n’est pas Jonas Vingegaard qui a fait la Une avec sa deuxième victoire sur le Tour, mais Léon Marchand, qui venait de pulvériser le dernier record du monde de Michael Phelps (4’03″84). Marchand réalise un chrono de 4’02″50 sur son 400 m 4 nages.

Malgré son jeune âge, ce sont déjà ses deuxièmes Jeux. A 19 ans, il avait déjà atteint la finale du 400 mètres 4 nages à Tokyo, des débuts plus que prometteurs au plus haut niveau. C’est sur les rives d’un autre fleuve, le Danube, que la carrière du jeune toulousain, né sur les bords de la Garonne, est entrée dans une autre dimension. Lors des Championnats du monde 2022 à Budapest, il remporte le 400 et le 200 m quatre nages et décroche une troisième médaille d’or sur le 200 m papillon.


Ce sont les distances sur lesquelles il devrait s’aligner dans la capitale française, ainsi que sur le 200 m brasse et quelques relais. Cela a d’ailleurs posé des problèmes inattendus aux organisateurs, qui avaient programmé les finales du 200 m papillon et du 200 m brasse l’une après l’autre, avec seulement 15 minutes d’intervalle. Jamais ils n’auraient pensé que quelqu’un voudrait combiner ces deux courses. Mais Léon Marchand n’est pas taillé dans le même bois que les autres. L’organisation cède alors à la pression et décale un peu la deuxième course. Le nageur tricolore disposera maintenant d’une heure pour reprendre son souffle. Cela reste peu.

© Zabulon Laurent/ABACA

Léon Marchand ou l’ADN de la natation

Au pays d’Astérix, on dit volontiers des enfants doués qu’ils sont tombés dans un chaudron de potion magique. Dans le cas de Léon Marchand, il s’agissait d’un bain de chlore puisque ses deux parents étaient aussi des nageurs de haut niveau. Xavier Marchand a participé aux Jeux d’Atlanta en 1996 et de Sydney en 2000 et est devenu vice-champion d’Europe en 1997. Céline Bonnet a été sacrée plusieurs fois championne de France et était présente aux Jeux de Séoul en 1988 et de Barcelone en 1992.

Aucun maillot n’est alors à la taille de ce petit garçon maigre et il tremble de froid dans l’eau

Le petit Léon s’est donc naturellement mis à la natation, mais à quatre ans, il ne s’est guère amusé. Aucun maillot n’est alors à la taille de ce petit garçon maigre et il tremble de froid dans l’eau. Il en sort pour monter sur le tatami, avant de courir avec un ballon oval, mais tous ces sports ne lui procurent pas plus de plaisir. Alors qu’il va fêter ses dix ans, l’enfant replonge dans un bassin et, peu à peu, son talent se révèle. Presque automatiquement, il s’entraîne davantage et gagne plus.


Mais ce ne sont pas ses parents qui l’encouragent à le faire. Ils savent à quel point la natation est un sport exigeant. D’ailleurs, Xavier Marchand, son père, a confié un jour dans une interview que les gens voyaient tous Léon comme «le petit Marchand». Il a toujours été comparé à son père et ses parents voulaient lui épargner cela. A l’époque, il est aussi toujours dans l’ombre de son père, presque littéralement. Il n’est pas très grand pour un nageur (il ne mesure encore que 1m87, contre 1m93 pour Phelps) et encore moins large. De nombreuses heures passées dans les salle de musculation permettront de changer ce dernier point. Mais le physique ne fait pas tout dans les bassins. Son père lui a appris très tôt une technique exemplaire, qui lui est particulièrement utile lorsqu’il nage sous l’eau. Et peu à peu, le simple passe-temps s’est transformé en activité professionnelle.

Léon Marchand astrophysicien?

Après ses premiers succès et sa participation aux Jeux de Tokyo, Léon Marchand ne trouve plus la paix en France. Il y a toujours quelqu’un prêt à le prendre en photo. Il part alors étudier l’informatique aux États-Unis, à l’Arizona State University de Phoenix. Il y trouve surtout le meilleur entraîneur dont il puisse rêver, Bob Bowman, qui a également mené la carrière de Michael Phelps aux sommets et records que l’on sait.

Phoenix est un paradis pour Léon Marchand. Il habite juste à côté de la piscine, peut s’entraîner en plein air et y est un étudiant parmi les autres, pas une vedette mais l’un des nombreux athlètes de haut niveau de l’université. Mais le régime est pour le moins spartiate. Il se lève à 5 heures du matin, plonge dans l’eau à 6 heures pour une première séance d’entraînement, file en cours à 10 heures pour revenir à la piscine à 14 heures. Ensuite, les manuels scolaires l’attendent. À 21 heures, les lumières s’éteignent. Et ce, six jours par semaine. Heureusement, dit-il, il partage son appartement d’étudiant avec deux autres nageurs.

Léon Marchand part alors étudier l’informatique à l’Arizona State University de Phoenix. Il y trouve surtout le meilleur entraîneur dont il puisse rêver, Bob Bowman.


Lors de ses rares périodes de temps libre, il aime mixer de la musique ou lire des livres sur l’astrophysique car il a toujours été un passionné d’études. D’ailleurs, après sa carrière de nageur, il aimerait exercer un métier combinant l’informatique et l’astronomie, ou les voyages dans l’espace.

La phase subaquatique

Si, dans son esprit, Léon Marchand est un astronaute, dans la piscine, il est plutôt un sous-marinier. Les spécialistes peuvent d’ailleurs très bien expliquer pourquoi Léon Marchand est devenu champion du monde malgré sa taille relativement petite: grâce à sa phase subaquatique. Lors de celle-ci, le nageur se déplace par la force de ses jambes et ses mouvements lombaires, comme un poisson qui fait mouvoir sa nageoire d’avant en arrière. Et de même qu’un poisson se déplace plus souplement sous l’eau qu’en surface, il en va de même pour un nageur. Seulement, il faut beaucoup de force, car les poumons commencent à brûler, l’acide lactique s’accumule et l’on peut ressentir des symptômes de suffocation.

Au cours d’un 400 m, il y a huit phases sous l’eau: après le départ et après chaque virage, c’est-à-dire tous les 50 mètres. A chaque fois, le nageur peut rester sous l’eau pendant 15 mètres au maximum. En théorie, on peut donc nager un total de 120 mètres sous l’eau, soit plus d’un quart de la distance.


Lors de son record du monde aux championnats du monde de natation de Fukuoka l’année dernière, Léon Marchand a réussi à nager un total d’environ 100 m sous l’eau, soit 20 % de plus que ses concurrents. Il a ainsi gagné deux secondes sur le reste du peloton. À titre de comparaison, Michael Phelps n’a nagé « que » 77 mètres sous l’eau lors de sa course record aux Jeux olympiques de Pékin en 2008. Même après le tournant final, Marchand a encore gagné 14 mètres sous l’eau au prix d’un ultime effort. Une prouesse remplie d’audace. Ses jambes et ses poumons ont quasiment dû exploser, mais il a laissé les autres sur place.


Après son record du monde, Léon Marchand s’est d’ailleurs vu remettre sa médaille d’or par le meilleur nageur de tous les temps, Michael Phelps en personne.

Sous la limite du temps imparti

Le grand rival de Léon Marchand lors de la prochaine olympiade, l’Américain Carson Foster, a réalisé la meilleure performance de l’année deux jours avant le championnat de France (4’07″64). Une performance qui pourrait piquer au vif Léon Marchand. Nicolas Castel, son entraîneur, nuance cependant tout cela dans Le Figaro: «C’est une question de rythme. Il n’a pas retrouvé l’énergie qu’il peut avoir quand il a y un vrai challenge à relever, et je l’ai senti un peu en retrait. Je pense que ça va se régler petit à petit.» La France entière l’espère. Et il semble avoir bien débuté.

Par Peter Mangelschots

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