Le sport devient plus cryptosponsorisé que jamais
Les plateformes de monnaies virtuelles dépensent des millions pour soutenir et financer des équipes et des ligues sportives devenues de moins en moins frileuses.
«Payez-moi en bitcoins», demandait, en 2019 sur Twitter, le joueur de football américain Russell Okung. Un an et demi plus tard, il convertissait treize millions de dollars –la moitié de son salaire pour la saison 2020 en NFL– en monnaie virtuelle. Cette décision avait suscité le scepticisme dans son entourage sportif et familial. Quatre ans plus tard, Okung affirme avoir eu raison et savoure. Lorsqu’il avait échangé ses dollars contre des bitcoins en 2020, le cours de la cryptomonnaie s’élevait à environ 20.000 euros. Le 16 janvier, il fleurtait avec les… 97.000 euros.
Depuis, Okung a fondé BitBall, une nouvelle ligue de flag football, une variante du football américain dans laquelle tous les athlètes sont rémunérés en bitcoins. Okung espère que Bitball deviendra un catalyseur pour inciter d’autres ligues sportives dans le monde à adopter ce modèle. Bien que cela reste encore à concrétiser, des joueurs de NFL de renom comme Aaron Rodgers et Odell Beckham Jr., ainsi que le basketteur de NBA Klay Thompson, ont suivi l’exemple d’Okung en convertissant une partie de leurs revenus en crypto. Beckham Jr. s’en était même vanté sur les réseaux sociaux lorsque le cours du bitcoin avait grimpé de 30.000 à 40.000 euros après la réélection de Donald Trump comme président des Etats-Unis. Ce dernier avait d’ailleurs promis, durant sa campagne, de transformer le pays en «capitale mondiale de la crypto» grâce à un assouplissement de la réglementation.
Le durcissement de la réglementation des publicités pour les paris sportif a joué en faveur de la cryptomonnaie.
Le foot européen à la manœuvre
Le sponsoring crypto n’a pas attendu cet épisode politique dans le sport pour gagner en popularité. Les dernières données de CoinGecko, un site spécialisé dans les statistiques de marché des monnaies numériques, le confirment. En 2021, une véritable explosion a eu lieu avec 33 contrats de sponsoring signés avec des équipes et des compétitions sportives. Parallèlement, les NFT, les certificats de propriété numérique pour des créations en ligne, étaient également en vogue. Même le cycliste Wout van Aert en a vendu trois, pour une valeur totale de 47.000 euros.
Lorsque la bulle crypto a éclaté en 2022, marquée notamment par la faillite d’un acteur majeur, FTX, le nombre de nouveaux contrats de sponsoring a fortement diminué: 25 en 2022, puis seulement huit en 2023. Mais en 2024, la tendance s’est inversée. Fin septembre, on recensait déjà 26 nouveaux accords, en plus des seize contrats renouvelés.
Le football européen, en particulier, est au cœur de cette reprise. En août 2024, crypto.com et l’UEFA (Ligue des champions) ont conclu un partenariat jusqu’en 2027, deux ans après que la société avait annulé un accord de près d’un demi-milliard d’euros. D’autres grands clubs comme Manchester City (avec OKX), l’Ajax Amsterdam (avec Coinmerce), le Borussia Dortmund (avec BlockDAG) et Tottenham Hotspur (avec Kraken) ont signé des contrats avec des entreprises crypto ou renforcé leurs partenariats existants l’an dernier. Des clubs tels que Manchester United, FC Barcelone, Chelsea, AC Milan, Inter Milan, Lazio Rome et FC Porto avaient déjà sauté le pas auparavant.
Ce phénomène s’explique aisément: dans un nombre croissant de pays européens, les publicités pour les paris sportifs sont de plus en plus réglementées. Par conséquent, les clubs risquent de perdre une partie de leurs revenus de sponsoring et se tournent vers d’autres sources de financement.
Prudence accrue
Le sponsoring crypto s’étend cependant à d’autres disciplines, notamment le basket-ball (WNBA et NBA), les e-sports (en raison de leur lien logique avec le numérique) et les sports mécaniques. En décembre dernier, crypto.com a signé un nouvel accord avec la Formule 1 jusqu’en 2030, pour une valeur estimée à 20 millions d’euros par an. L’entreprise est également le sponsor principal du Grand Prix de Miami. Par ailleurs, OKX et Binance collaborent depuis longtemps avec les écuries McLaren et Alpine. En revanche, Bybit Exchange n’a pas renouvelé son contrat avec Red Bull pour 2025.
En décembre, le golf a connu une première avec l’attribution de prix en cryptomonnaie. Lors du tournoi d’exhibition The Showdown à Las Vegas, réunissant quatre golfeurs de renom, les participants ont reçu neuf millions d’euros en Cronos, la devise numérique de crypto.com, sponsor de l’événement.
Cependant, malgré l’essor du sponsoring crypto, de nombreux clubs et compétitions adoptent une approche plus prudente. Les échecs financiers passés ont incité les acteurs du sport à exiger davantage de paiements anticipés et de garanties bancaires. De plus, ils privilégient les partenariats avec des entreprises ayant survécu à la crise de l’industrie en 2022.
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