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Il y a 100 ans, Paris accueillait déjà les JO: récit des folles histoires de l’époque, du survivant du Titanic au chrétien qui refusait de courir

Il y a cent ans, les Jeux olympiques se déroulaient déjà dans la Ville lumière. Une affaire de survivants du Titanic, de missionnaires chinois, de Finlandais volants et même d’un nageur qui a failli perdre la vie lors de la révolution cubaine, quelques années plus tard.

Une médaille olympique était la dernière chose à laquelle pouvait penser Richard Norris Williams, cette nuit du 14 avril 1912, alors qu’il se cramponnait à la vie, sur l’un des ponts du Titanic. L’étudiant américain, âgé de 21 ans, vient de voir son père mourir sous une cheminée du navire lorsqu’il choisit de plonger dans l’eau glacé. Après avoir nagé trente mètres, il parvient à s’accrocher à un canot de sauvetage gonflable, à moitié inondé, en compagnie d’une vingtaine de personnes. Six heures plus tard, ils sont recueillis par le Carpathia, un navire qui a répondu aux signaux de détresse du Titanic. À peine onze occupants du voilier sont encore en vie à ce moment précis. C’est là, aussi, que Richard Norris Williams refuse que ses jambes gelées soient amputées.


Grand bien lui en a pris: un an après le célèbre naufrage, l’étudiant, également talentueux joueur de tennis, rejoint l’équipe américaine de Coupe Davis. Avant de remporter l’US Open, en 1914, et, en 1924, d’atteindre la finale du double mixte aux Jeux olympiques de Paris. Sur les courts français, l’homme de 33 printemps se blesse à la cheville, souhaite abandonner, mais sa partenaire Hazel Wightmann l’envoie au filet. «Elle a renvoyé toutes les balles et, à elle seule, a remporté l’or pour nous deux», avait déclaré Williams, véritable définition vivante du mot «miraculé».

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C’est l’une des belles histoires des huitièmes JO modernes, qui se sont ouverts le 5 juillet 1924 au stade olympique de Colombes, près de Paris, devant plus de 40.000 spectateurs enthousiastes. C’est aussi la dernière édition sous l’égide du fondateur des Jeux modernes, le baron Pierre de Coubertin, a vécu en tant que président du Comité olympique (CIO), passant le flambeau l’année suivante au Belge Henri de Baillet-Latour. Pierre De Coubertin avait souhaité que cette nouvelle version des Jeux voit le jour dans sa ville natale, en 1900, mais l’enthousiasme autour de son projet avait été tel qu’une première édition avait été organisée dès 1896, à Athènes, dans le berceau des Jeux antiques.

Les 19 pionnières

Quatre ans plus tard, Paris accueille donc la deuxième édition des Jeux de l’ère moderne, mais c’est échec. Elle coïncide, comme en 1904 et 1908, avec une exposition universelle qui attire tous les regards. Ainsi, entre le 14 mai et le 28 octobre 1900, les 997 athlètes venus de 24 pays – dont 72% uniquement de France – effectuent leurs épreuves dans l’ombre, sans ferveur populaire significative. Mais Paris 1900 offre malgré tout une légère ouverture: pour la première fois, les femmes sont autorisées à participer, bien que cela soit seulement dans cinq disciplines (tennis, voile, équitation, golf et croquet). Pour Pierre de Coubertin, les quelques 19 athlètes pionnières qui répondent à l’appel sont déjà trop nombreuses…


Lorsque les Jeux retrouvent Paris en 1924, la place des femmes a quelque peu évolué: elles ne sont certes que 135 sur 3089 athlètes au total, mais elles sont déjà deux fois plus nombreuses que l’édition précédente. En 1928, le nombre de femmes double encore grâce à l’ouverture aux deux genres des épreuves d’athlétisme, encore exclusivement masculines à Paris.


À cause de problèmes financiers, Paris 1924 doit d’abord transférer l’organisation de ses Jeux à Lyon. C’est finalement le Racing Club de France, club omnisports parisien, qui vient à la rescousse des organisateurs. En échange d’une rénovation complète de son stade Colombes, petite ville de 40.000 habitants située à dix kilomètres au nord-ouest de la capitale, ainsi que de la moitié des recettes de billetterie, le Comité olympique est autorisé à disposer de l’ensemble des infrastructures du RCF. Le stade sera ensuite agrandi en vue de la Coupe du monde de 1938, organisée en France, mais à la suite de la construction du Parc des Princes, l’enceinte du PSG, et le déménagement du Racing Club de France en 2017, Colombes perd de son importance, avant de redevenir un site olympique l’été prochain, notamment pour les hockeyeurs sur gazon. Pour la première fois de l’histoire des Jeux, le site héberge aussi un village olympique, celui-ci étant composé de 60 chalets en bois, même si la plupart des délégations préfèrent alors encore résider dans des hôtels.


Le grand absent de 1924 reste l’Allemagne qui, en tant que perdant de la Première guerre mondiale, n’a pas été convié à la fête. Les Allemands pourront de nouveau participer aux Jeux, quatre ans plus tard, à Amsterdam. Les quatre autres pays perdants de la «der des ders», à savoir l’Autriche, la Hongrie, la Bulgarie et la Turquie, sont quant à eux réadmis à Paris. L’Union soviétique, déjà absente en 1920 en raison de la guerre civile, choisit de ne pas participer à ce qu’elle décrit comme un événement bourgeois où les prolétaires n’ont pas leur place. Les Soviétiques ne reviendront aux JO qu’en 1952 à Helsinki, exactement 40 ans après leur dernières apparition à Stockholm, alors sous la simple bannière de la Russie.

Une histoire de missionnaire

En 1981, Chariots of Fire remporte quatre Oscars. Ce film, réalisé par Hugh Hudson, bercé par la musique envoûtante de Vangelis, met en scène les principaux athlètes britanniques de 1924. Bien que certains faits aient été romancés afin de rendre l’histoire plus forte, ce long métrage met notamment en avant le parcours d’Eric Liddell. L’homme, né en Chine de missionnaires chrétiens, devenu international de rugby écossais lorsqu’il étudiait à Édimbourg, a finalement choisi l’athlétisme.

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À Paris, ce sprinter doué refuse pourtant de participer au 100 mètres, son épreuve fétiche. C’est qu’il avait été bien élevé : la course est alors fixée un dimanche, soit le jour du Seigneur. C’est donc un autre protagoniste des Chariots de feu, l’athlète juif Harold Abrahams, fils d’un Lituanien, qui rafle le titre dans l’épreuve reine. Ce dernier s’est progressivement perfectionné pour devenir l’un des tous premiers athlètes de haut niveau, l’un des premiers à engager un entraîneur personnel.


Eric Liddell, qui ne concourt pas non plus dans le relais du 100 mètres, la course se déroulant également un dimanche, se rabat sur le 400 mètres, qu’il remporte avec brio. Un an plus tard, il décide de réemprunter les voies du Seigneur, sur le chemin de ses parents, en tant que missionnaire en Chine, où il finira par mourir pendant la Seconde guerre mondiale, dans un camp de prisonniers japonais.

À Paris, ce sprinter doué refuse pourtant de participer au 100 mètres, son épreuve fétiche. C’est qu’il avait été bien élevé : la course est alors fixée un dimanche, soit le jour du Seigneur


L’Histoire s’écrit aussi dans le sable du saut en longueur: l’Américain William DeHart-Hubbard devient le premier athlète noir à remporter l’or olympique en individuel, après que l’un de ses compatriotes, John Taylor, se soit imposé en tant que membre de l’équipe de relais en 1908.


Les projecteurs sont cependant braqués sur un homme surnommé le «Finlandais volant» quatre ans plus tôt, parce qu’il avait été capable de ramener quatre médailles d’or des pistes d’athlétisme d’Anvers. Paavo Nurmi, âgé de 27 ans à Paris, s’inscrit parmi les premiers athlètes à comprendre l’importance de s’alimenter correctement et de s’accorder suffisamment de repos, lui qui vient d’un pays où le sauna constitue une tradition séculaire et qui ne quitte jamais son chronomètre pendant les courses. À Paris, il est consacré comme le premier sportif à remporter l’or cinq fois au cours des mêmes Jeux et ce, à un rythme impensable aujourd’hui: le 10 juillet, il gagne d’abord le 1.500 mètres, avant de remporter le 5.000 mètres une heure plus tard, établissant à chaque fois un nouveau record du monde.

Paavo Nurmi avait remporté le 1.500 mètres et, une heure plus tard, le 5.000 mètres, établissant à chaque fois un nouveau record du monde.


Sa victoire deux jours plus tard dans l’épreuve individuelle de cross-country, une course de fond à travers un paysage accidenté, s’est avérée tout autant héroïque. Assommés par les 40 degrés infligés par le soleil français, seuls quinze des 38 participants parviennent à franchir la ligne d’arrivée. La Croix-Rouge doit même s’employer afin de partir à la recherche d’athlètes laissés inconscients, quelque part dans les buissons. Le lendemain, la course par équipes de cross-country, où trois athlètes par pays devaient franchir la ligne d’arrivée, fait des ravages encore plus importants. Paavo Nurmi et son puissant compatriote Vile Ritola terminent facilement, mais le troisième Finlandais s’écroule, épuisé, à trente mètres de la ligne d’arrivée. Ce n’est que lorsque les spectateurs l’encouragent qu’il se relève, tant bien que mal, et parcourt la distance restante en plus de trois minutes… Après deux jours de souffrance, Paavo Nurmi enchaîne sur un troisième et glane une cinquième médaille d’or dans le 3 000 mètres. Le Finlandais aurait même pu en gagner une sixième, mais à sa grande déception, son comité olympique national ne l’a pas inscrit dans sa discipline de prédilection, le 10.000 mètres, alors qu’il était pourtant le tenant du titre.


Quatre ans plus tard, le «Finlandais volant» – dont les cinq médailles parisiennes l’avaient privé d’eau courante et d’électricité chez lui, à Turku – monte deux fois de plus sur la plus haute marche du podium, terminant ainsi sa carrière olympique avec neuf médailles d’or et trois d’argent. A ce jour, seul le nageur américain Michael Phelps en a remporté davantage.

Paavo Nurmi © Bettmann Archive

Le cri de Tarzan

Le deuxième grand héros des Jeux de 1924 est un nageur de haut niveau âgé de 19 ans, né Johann Peter Weissmüller à Freidorf, dans le Banat, aujourd’hui un territoire du comté de Timisoara, en Roumanie. En 1905, soit un an après la naissance du rejeton, la famille Weissmüller quitte l’empire austro-hongrois pour les États-Unis, où le père est d’abord mineur, puis ouvre un café après s’être installé à Chicago. «Johnny» n’a que neuf ans quand un médecin lui diagnostique des problèmes pulmonaires et lui conseille de se mettre à la natation. Il n’a qu’un an de plus lorsque son père décède et qu’il se résout à travailler comme groom dans le hall et l’ascenseur du prestigieux Chicago Plaza Hotel. Bill Bachsrasch, entraîneur de natation, repère le talent du gamin dès ses quinze printemps: «Oublie tout ce que tu as appris, jure de ne pas poser de questions et de faire tout ce que je te demande, sans jamais chercher d’excuses. Tu me détesteras, mais tu finiras par battre tous les records que tu voudras», lui aurait-il dit. Des paroles prophétiques.


En août 1921, le désormais athlète d’1,91 mètre bat son premier record du monde. En 1922, il est le premier à rester sous la minute au 100 mètres nage libre, sa spécialité. En 1923, il remporte quatre titres américains auxquels il n’a en théorie pas le droit, en raison de sa nationalité de naissance. En effet, à la suite de l’effondrement de l’Empire austro-hongrois, dans la foulée de la Première guerre mondiale, la famille Weissmüller est apatride. Seul le fils cadet, Peter Jr, né outre-Atlantique, avait reçu la nationalité américaine. Pour participer à ces championnats, Johann Peter avait donc emprunté l’identité de son frère.


Les Jeux de Paris permettent ainsi au monde entier de faire la connaissance de Johnny. Entre le 18 et le 20 juillet, il remporte trois médailles d’or à la nage et une médaille de bronze avec l’équipe américaine de water-polo. En guise de remerciement, le pouvoir étasunien décide alors de lui octroyer la nationalité. Il remportera deux médailles supplémentaires, quatre ans plus tard, à Amsterdam. Quand Hollywood toque à sa porte, en 1932, charmé par son apparence et son élégance dans les bassins, Johnny abandonne sa carrière d’athlète. Son palmarès fait alors état de pas moins de 28 records du monde et 52 titres. Mieux: il n’a jamais perdu une seule compétition.

Johnny Weismüller © Getty Images


Mué en acteur, Johnny obtient le rôle principal de Tarzan, l’homme-singe, le premier film parlé retraçant les aventures fictionnelles de cet enfant sauvage. L’entente avec sa covedette Maureen O’Sullivan – «Me Tarzan, you Jane» – est excellente et l’ex-nageur réalise lui-même la plupart de ses cascades, jusqu’à ce que Lex Barker lui succède en 1948, après douze films en tant que Tarzan.


Sa vie privée n’a pas été aussi facile, cinq mariages ayant échoué. En 1958, il se rend à Cuba pour un tournoi de golf auquel participent des célébrités. La jeep transportant les stars américaines est alors prise au piège par des combattants communistes luttant contre Fidel Castro et le régime de Fulgencio Batista, soutenu par les États-Unis. Les rebelles désarment les gardes du corps et pointent leurs armes sur les riches américains… Jusqu’à ce que Weissmüller se lève, se tape les mains sur la poitrine et pousse son célèbre cri de Tarzan.


Soudain, l’atmosphère change. Et les rebelles crient leur surprise : «Benvenido Tarzan, benvenido a Cuba!» Au lieu d’enlever leurs otages, ils mettent leurs armes de côté, demandent un autographe et escortent la jeep jusqu’au tournoi de golf de La Havane.

Les chiffres de 1924

3092


Nombre d’athlètes, venus de 44 pays, qui ont participé. Depuis ceux d’Atlanta, disputés en 1996, le nombre d’athlètes est de 10 500. Cet été, en excluant la Russie, la Biélorussie et le Guatemala, 203 pays seront présents.


4


Pourcentage d’athlètes féminines recensées. La plupart des femmes avait participé à la natation (75), au tennis (25) et à l’escrime. Une femme avait fait de la voile. L’été prochain, la moitié des 10.500 athlètes seront des femmes.


171


Athlètes belges actifs (166 hommes et cinq femmes). C’est le troisième plus grand nombre jamais atteint après les Jeux d’Anvers en 1920 (330 Belges) et les Jeux d’Amsterdam en 1928 (172 Belges).


13


Médailles remportées par les Belges, dont 3 médailles d’or. La délégation n’a fait mieux qu’à deux reprises: à Anvers en 1920 avec 36 médailles et à Paris en 1900 avec 15.


5


Médailles d’or remportées par le coureur de fond Paavo Nurmi, alias le «Finlandais volant». Au total, il compte à son actif 9 médailles d’or lors de trois Jeux consécutifs. Seul le nageur américain Michael Phelps a fait mieux avec 23 médailles d’or (28 médailles en tout).


99


Médailles obtenues par les États-Unis. Le deuxième pays, la Finlande, a remporté 39 médailles, et le troisième, la France, en a glané 38.

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