Formule 1 2016 : tour d’horizon d’une saison de transition
Sortant de sa léthargie hivernale, la Formule 1 reprend ses droits ce dimanche 20 mars sous le soleil de Melbourne. Un premier Grand Prix pour une saison 2016 pleine d’inconnues, entre changements de règlements, recherche de spectacle et nouvelles têtes. Rappel des faits avant les trois coups australiens.
Après plusieurs mois d’une intersaison hivernale menée au rythme du développement de leurs monoplaces, les écuries du championnat du monde de F1 ont pris la route de l’Australie où se déroulera ce weekend le premier Grand Prix de la saison 2016.
Comme le veut la tradition, le circuit semi-urbain de l’Albert Park ouvre le bal de ce qui s’annonce comme la plus longue saison de l’histoire de la compétition. Avec un total de 21 Grand Prix, disséminés aux quatre coins du monde de mars à novembre, le « Formula One Circus » s’apprête à vivre une année bien remplie avec, comme toujours, son lot d’incertitudes et de pronostics.
A l’aube de la première séance d’essais libres du Grand Prix d’Australie, prévue dans la nuit de jeudi à vendredi (décalage oblige), passage en revue de ce qui change pour cette saison 2016.
Règlement technique : objectif spectacle
Au rayon de la technique, 2016 sera sans conteste une saison de transition. En raison de la grogne que suscite l’introduction des nouveaux V6 turbo hybrides en 2014, la Fédération internationale de l’automobile (FIA) a décidé, en accord avec les parties concernées (écuries, FOM pour Formula One Management), de revoir en partie sa copie pour 2017. Le but sera de rendre les monoplaces de F1 plus rapides (on évoque un gain de temps entre 3 et 5 secondes par tour) et plus bruyantes, l’un des points de friction liés à la configuration spécifique des moteurs turbo.
25% de bruit en plus
Depuis la saison passée, diverses solutions sont à l’étude pour redonner aux F1 leur sonorité d’antan. Quelle ne fut pas la surprise des fans et des puristes en entendant, début 2014, le bruit plus feutré des moteurs turbo hybrides, à tel point qu’encore aujourd’hui les traditionnelles boules Quies ne sont plus indispensables.
Pour 2016, chaque voiture est désormais équipée d’une double sortie d’échappements au niveau des roues arrières, contre une seule depuis deux ans. Si le moteur principal est toujours doté d’une tubule principale, un canal supplémentaire a été autorisé sur la soupape de décharge, chargée de réguler l’énorme pression des gaz passant par la turbine (voir photo ci-contre). On parle de 25% de décibels en plus, de quoi rendre le son des voitures plus strident.
Pirelli met la gomme
L’un des changements les plus significatifs concerne les pneus. Pirelli a introduit, lors des récents essais de Barcelone, un nouveau mélange appelé « ultra-tendre » reconnaissable à sa couleur violette. Plus rapide mais aussi plus fragile, il sera davantage utilisé en dernière partie de qualification ou pour les courses sur circuit urbain comme Monaco, Singapour, Bakou, etc. Ce nouveau pneu porte donc à cinq la gamme des « slicks » (pour piste sèche) disponibles avec dans l’ordre ultra-tendre (violet), super-tendre (rouge), tendre (jaune), médium (blanc) et dur (gris), sans oublier les enveloppes intermédiaires (vert) et extrêmes (bleu), utilisables en cas de pluie.
Sur chaque course, Pirelli apportera trois types de pneus (au lieu de deux les années précédentes). Chaque pilote doit choisir, plusieurs semaines avant le Grand Prix (8 en Europe, 14 hors d’Europe), l’une des deux gommes imposées pour la durée de l’épreuve. Petite nouveauté, il ne sera non plus obligé de chausser deux types (par exemple, le tendre et le super-tendre) pour rallier l’arrivée, mais peut décider de n’en utiliser qu’un seul. La gomme la plus tendre du lot, et donc la plus performante, devra quant à elle être utilisée uniquement en dernière partie de qualification (Q3), le samedi après-midi.
Enfin, chaque pilote continuera de disposer d’un quota de 13 trains de pneus « slicks » pour tout le week-end, dont la répartition doit aussi être décidée à l’avance. Sans compter quatre trains de pneus intermédiaires et trois trains de pneus pluie.
Priorité à la sécurité
La formule 1 est sortie durement meurtrie de l’accident de Jules Bianchi au Grand Prix du Japon 2014. Touché à la tête par un véhicule d’intervention en sortant de la piste détrempée, le pilote français n’a pas survécu à ses blessures après plusieurs mois de coma, relançant le débat sur la sécurité des pilotes.
Les choses devraient évoluer d’un cran en 2017 avec l’introduction d’un cockpit semi-fermé dont la Scuderia Ferrari a pu tester une première ébauche en forme de trépied lors des essais de Barcelone (voir photo ci-contre). En attendant, les cloisons latérales des cockpits ont été rehaussées (de 20 mm) et renforcées contre des chocs de 50 kilo-newtons (contre 15 auparavant). De plus, chaque voiture sera dotée d’une caméra haut-définition pour mieux décortiquer les images en cas d’accident.
Règlement sportif : du piment en qualifs
La plus grosse innovation du code sportif 2016 a comme objectif de relancer le suspense lors des qualifications du samedi après-midi. Contrairement aux dernières années, on n’attendra pas la fin de la Q1 (16 minutes), de la Q2 (15 min) et de la Q3 (14 min) pour savoir qui est éliminé. A partir de la moitié de ces trois portions de séance, les pilotes les plus lents seront éliminés l’un après l’autre, toutes les 90 secondes. A la fin de la Q3, il n’en restera plus que deux, avec les pneus les plus tendres, pour chasser la pole position en mode « duel ». Un système qui ne fait pas encore l’unanimité parmi les pilotes qui le jugent trop complexe à suivre.
Enfin, toujours au chapitre sécurité, signalons le prolongement de la « Voiture de sécurité virtuelle » (VSC), testée en 2015 afin de ralentir les pilotes en cas d’incidents sur la piste tout en les maintenant à un régime moteur spécifique qu’ils ne peuvent dépasser sous peine de pénalité. Une mesure de prévention efficace avant la monté en piste éventuelle de la véritable « safety-car ».
Pilotes : des revenants et des débutants
Vingt-deux pilotes s’élanceront ce dimanche sur la grille de départ du Grand Prix d’Australie. Parmi eux, trois jeunes loups s’apprêtent à faire leurs débuts dans la discipline reine. Jolyon Palmer, fils de l’ancien pilote et homme d’affaires Jonathan Palmer, est un habitué de l’écurie Renault (ex-Lotus) où il évolue depuis un an en tant de pilote d’essai. Promu en F1 pour pallier au départ de Romain Grosjean, ce jeune Anglais de 25 ans s’est notamment illustré en remportant le championnat des GP2 Series en 2014. A ses côtés, on retrouvera le Finlandais Kevin Magnussen, vu en 2014 chez McLaren puis limogé après une saison passée à ronger son frein en bord de piste. Avec Renault, Magnussen trouve là une nouvelle chance d’enfin prouver sa valeur.
Manor Racing, petit poucet de la grille, présente un duo inédit cette saison. Le premier nommé est Pascal Wehrlein, jeune Allemand de 21 ans récemment couronné dans le championnat allemand de tourisme (DTM).
Enrôlé par Mercedes dés ses 19 ans, la natif de Sigmaringen n’a cessé d’impressionner au point d’être aujourd’hui placé en F1 par son employeur, avec qui Manor entretient des liens techniques très étroits.
Dans le deuxième baquet, Rio Haryanto devient à 23 ans le premier pilote indonésien à s’aligner en Grand Prix.
Bien qu’il n’ait eu aucun mal à négocier son arrivée chez Manor, grâce notamment au soutien d’une des grandes sociétés pétrochimiques de son pays natal, Haryanto a pour lui un titre en Formule BMW Pacific en 2009 et quatre saisons en GP2 récompensés d’une quatrième place en 2015.
Du côté des écuries, la Formule fait peau neuve avec l’arrivée d’une onzième équipe et le retour d’une ancienne. Le Haas F1 Team s’apprête à prendre le départ de sa toute première course.
Créée par l’Américain Gene Haas, businessman et propriétaire d’un team victorieux en Nascar, Haas a plusieurs atouts dans sa manche, comme un partenariat technique avec Ferrari, un budget de développement correct et les services de Romain Grosjean (à droite sur la photo), débarqué de l’ex-écurie Lotus. Le Français sera épaulé par un autre revenant, Esteban Gutierrez, qui revient en F1 après son aventure de deux saisons (2013-14) chez Sauber.
Cliniquement morte durant la majeure partie de 2015, Lotus a préféré jeter l’éponge et laisser la gestion de sa structure à Renault. Le constructeur français fait donc son retour en F1, cinq ans après l’avoir quitté en tant qu’écurie à part entière. Critiqué publiquement par son partenaire Red Bull faute de résultats espérés, et malgré quatre titres mondiaux, Renault a préféré retrouver son indépendance plutôt que de rester plus longtemps dans l’ombre. L’objectif à terme est de grimper dans la hiérarchie le plus vite possible, même si 2016 rimera plus avec renaissance que reconquête.
A quoi peut-on s’attendre ?
Difficile à prédire pour l’instant. Les huit journées d’essais libres en Espagne en février, si elles n’ont pas permis de dégager une véritable hiérarchie, ont toutefois confirmé plusieurs tendances entrevues l’année passée.
De l’avis d’observateurs, le duel à distance entre Mercedes et Ferrari devrait occuper le haut de l’affiche en 2016, à condition que la Scuderia confirme sa bonne forme des essais hivernaux, où Raïkkönen et Vettel ont signé les deux meilleurs chronos absolus. Mercedes, à l’inverse, n’a pas cherché la performance mais avec l’équivalent de vingt Grand Prix complétés en kilomètres, affiche une fiabilité sans équivalent. La question est de savoir quel pilote sera capable d’émerger. Vainqueur autoritaire de son troisième titre en 2015, Lewis Hamilton a montré des signes de relâchement en fin d’année, permettant à Nico Rosberg d’aligner les victoires et de retrouver confiance. Leur duel sera d’autant plus intéressant que la relation entre les deux anciens amis n’est plus au beau fixe depuis quelques escarmouches, en piste comme en coulisses, qui ont laissé des traces.
Derrière, Williams et Red Bull devraient jouer les trouble-fêtes tout en lorgnant sur le statut de troisième force. Une tâche d’autant plus ardue que les habituels pensionnaires du milieu de tableau, Force India et Toro Rosso, pointent de plus en plus le bout de leur aileron.
Un peu en deçà en terme de budget et de monoplace, le Sauber F1 Team visera lui les derniers points du top dix et tentera de contenir les assauts de l’arrière garde, Manor et Haas, dont les performances retiendront l’attention de beaucoup.
Restent les inconnues entourant Renault (ex-Lotus) et surtout McLaren. Si 2016 sera plus une année de transition pour l’écurie française, la patience arrive à ses limites du côté des Gris, qui n’ont plus remporté la moindre course depuis trois ans. Une situation que l’arrivée de Honda il y un an n’a fait qu’aggraver, tant le moteur nippon a présenté des déficits de puissance et de fiabilité par rapport à la concurrence. Si les essais d’avant-saison se sont mieux déroulés qu’en 2015, reste maintenant pour McLaren à confirmer ce regain de forme sur la piste.
Le départ du Grand Prix d’Australie, première des 21 manches du championnat du monde 2016, sera donné à 6h00, heure belge.
Guillaume Alvarez
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