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Zakaria Bakkali, le cascadeur d’Anderlecht

Zakaria Bakkali a inscrit son premier but sous le maillot des Mauves contre Zulte Waregem et a délivré son premier assist, dimanche passé, face au Cercle. On attend que le sauveur d’Anderlecht déploie toutes ses ailes.

Un transfert dépend parfois d’une dose de chance et d’un bon timing. En 2012, l’Europe est aux pieds de Zakaria Bakkali. Il fait partie des meilleurs U16 belges et le PSV le considère comme un immense talent. Le manager de Bakkali développe une stratégie. Pendant ses premières négociations avec le PSV, il discute également avec d’autres clubs. Anderlecht tente sa chance et reçoit Bakkali à Neerpede, pour un entretien avec Jean Kindermans, le directeur de la formation des jeunes. On promet une place en espoirs à l’adolescent mais Anderlecht sent immédiatement que Bakkali ne leur rend qu’une visite de courtoisie. Elle n’est destinée qu’à accroître sa valeur marchande. Le 1er mai 2012, le jour de la fête du Travail, il signe son premier contrat professionnel à Eindhoven, pour une durée de trois ans.

Des années plus tard, les Mauves parviennent à l’enrôler grâce à l’agent Peter Verplancke ( voir encadré). Quelques semaines avant la transaction, Luc Devroe qualifie un éventuel transfert de Bakkali de rumeur.  » Nous pouvons passer toute la liste en revue : Bakkali, Lestienne, Engels… Cet intérêt n’est fondé que quand il y a négociation.  »

Pendant ce temps, Verplancke travaille sereinement au transfert, mais sans forcer car Bakkali a l’embarras du choix.  » J’ai appris qu’il y avait une différence entre de l’intérêt et un intérêt concret « , raconte Verplancke.  » Quelques questions permettent de savoir rapidement si la piste est sérieuse. À quelle vitesse le club intéressé progresse-t-il ? Que fait l’entraîneur pour convaincre le joueur ? Le Sporting a été plus rapide que les autres sur tous les plans. Zakaria est Liégeois et ne reniera pas ses racines mais il convient mieux à l’ADN d’Anderlecht. Marc Coucke et Hein Vanhaezebrouck ont tous deux discuté avec lui et lui ont dit qu’ils le voulaient vraiment. Mais voulait-il vraiment revenir en Belgique ? Je trouve courageux de sa part de lancer ou de relancer sa carrière dans un pays qu’il a quitté très jeune. Il a dû mettre son ego de côté. Il fallait être prêt à franchir ce pas, le vouloir et l’oser.  »

LE COACHING DE COUCKE

Des soucis physiques ont gâché la saison du Liégeois au Deportivo La Corogne. Il n’a pas bénéficié de la pleine confiance de l’entraîneur, Clarence Seedorf, et comme Valence l’y louait pour une seule saison, le Depor n’avait aucune raison de le mettre en vitrine. Durant le second volet de la saison, il n’a disputé que 403 minutes en Primera Division.

Les premières semaines de Bakkali à Anderlecht sont difficiles. Il rate les trois premières semaines de la préparation. Il traîne une légère blessure encourue au Deportivo et a quelques kilos en trop alors qu’à son arrivée à Neerpede, début juillet, ses coéquipiers se sont déjà débarrassés des kilos des vacances. À la mi-juillet, Bakkali pèse 70,2 kilos. Son indice de masse corporelle est de 24,87. Seuls Mohammed Dauda (24,97), Ivan Santini (24,92) et Kenny Saief (24,89) présentent un taux supérieur. Les chiffres de Bakkali ne désolent pas trop le staff : il n’y a léger excès de poids qu’au-delà de 25.  » Zakaria est solide. Il est large d’épaules et a une cage thoracique développée. Il est une version miniature d’ Obbi Oulare « , avance Verplancke.  » Même quand il est affûté, il a l’air d’avoir trois kilos de trois à cause de sa morphologie. Il n’aura jamais l’air aussi maigre que Musona.  »

Certains, à Neerpede, ont l’impression que Bakkali coupe les angles à l’entraînement mais en août, il semble avoir opéré le déclic. Il commence à réaliser que Hein Vanhaezebrouck ne lui accordera plus de chances que s’il exécute les trajectoires de course convenues, coupe celles de l’adversaire et harcèle les défenseurs en jouant très haut. Le 21 août, il opère un revirement définitif pendant un match amical à guichets fermés, contre OHL, au centre national de Tubize. Marc Coucke arrive en seconde période et s’installe ostentatoirement le long de la ligne. La suite stupéfie les personnes présentes. Pendant vingt minutes, Coucke coache Bakkali de la voix et l’encourage à aller dans le rouge. Cinq jours plus tard, le Belge d’origine marocanaise est repris dans le noyau qui va affronter le Club Bruges. Il effectue son entrée à dix minutes du terme. Son entourage refuse de confirmer que Bakkali a dû tourner la page.  » Il savait qu’il ne recevrait pas le moindre cadeau « , dit Verplancke.  » Dans le football contemporain, on attaque et on défend à dix. Pour jouer, il faut travailler au profit de l’équipe, sans se ménager, qu’on soit à Anderlecht ou à Valence. Zakaria l’a compris…  »

À l’issue du match contre le Dinamo Zagreb, le joueur explique lui-même pourquoi il lui a fallu autant de temps pour jouer.  » Je ne connaissais pas le système de l’entraîneur et je n’étais physiquement pas encore en état d’arpenter tout mon flanc.  »

LIBERTÉ DE MOUVEMENT

Bien qu’il ne puisse prétendre que depuis peu à une place de titulaire, le public l’a déjà adopté. Même lors de la déplorable défaite 0-2 face au Dinamo Zagreb, des applaudissements nourris ont fusé des tribunes quand il a été remplacé à la 89e, et les Ultras de la Mauve Army on scandé son nom. Ils considèrent Bakkali comme le sauveur de l’institut. Ils savent qu’il est toujours apte à amorcer une action dès qu’il a le ballon, d’une accélération ou d’un mouvement fluide. Suite à quelques choix éloquents de Luc Devroe -le manager a transféré deux avants, Dimata et Santini, qui ne se distinguent pas par leur finesse et il refuse d’enrôler un meneur de jeu- le Sporting n’a qu’un joueur créatif, Bakkali. À la veille du premier déplacement européen à Trnava, Devroe défend sa politique.  » On n’a peut-être pas le même style avec Bakkali, Musona et un Morioka en forme qu’avec Carcela ou Pozuelo mais je trouve exagéré de dire que l’équipe manque de créativité.  »

Quelque part, Bakkali rappelle un peu Mbark Boussoufa, même si l’Amstellodamois, arrivé au stade Vanden Stock depuis La Gantoise de Georges Leekens, était plus rude, plus brutal.  » Ça va de mieux en mieux mais je ne suis pas encore à 100% « , précise Bakkali.  » Je sais que je dois apporter de la créativité et j’essaie de le faire mais Trebel peut aussi délivrer la dernière passe. Comme Makarenko. Je n’ai pas encore été souvent décisif ? L’essentiel est de gagner. Si on y arrive, je suis très heureux.  »

Il ne pourra régaler les supporters que s’il bénéficie d’une certaine liberté de mouvement. Ses coéquipiers devront s’habituer à sa frivolité. Ils ignorent généralement quels sont ses plans. Écarte-il le jeu pour tirer ou va-t-il foncer par l’axe ? Bakkali doit encore trouver le bon équilibre entre un jeu simple et des actions. Mais il est tellement imprévisible qu’au fil du temps, les équipes adverses vont devoir opérer une double couverture pour le neutraliser. Des joueurs comme Landry Dimata pourraient alors exploiter les espaces ainsi concédés. L’avant affirme bien sentir ce que Bakkali veut faire parce qu’ils ont évolué de concert en espoirs nationaux.  » Il ne faut pas confiner Zakaria au dix. Ce n’est vraiment pas son truc. Il préfère partir du flanc « , explique Dimata.  » Nous le savons aussi capable d’adresser un centre parfait entre les lignes, de se jouer d’un adversaire et d’effectuer un bon tir. Mais il ne faut pas croire qu’il va tout réussir d’un coup alors qu’il n’a pas beaucoup joué la saison précédente. À combien de matches en est-il cette saison ? Combien de fois a-t-il été titulaire ? Il faut lui laisser le temps de retrouver son niveau. S’il est en confiance et dispose d’assez de temps de jeu, on reverra bientôt le véritable Bakkali.  »

Les attentes ont crû après le but qu’il a marqué contre Zulte Waregem. Verplancke affirme qu’il ne souffre aucunement de l’espoir énorme de la presse et du public.  » Il ne craquera pas. Zakaria est un garçon calme et stable. Il ne fait pas de bruit. Après cinq bons matches, il ne va pas non plus téléphoner pour savoir ce qu’on va faire en janvier ou en juin. Ce n’est pas son genre. Il sait qu’il doit confirmer match après match. Après son super match contre Zulte Waregem, d’aucuns le vendaient à Valence. N’oubliez pas une chose : il n’a encore que 22 ans. C’est un des transferts les moins chers d’Anderlecht ces dernières années mais ça peut devenir une belle histoire.  »

Bakkali lui-même reste indifférent aux critiques qu’Anderlecht essuie. Il est déjà bien content d’être sur le terrain chaque semaine et de ne plus devoir prendre l’avion pour voir sa famille à Liège.  » Franchement, la situation actuelle ne me tracasse pas. La saison passée, j’ai lutté contre la relégation avec le Deportivo alors que maintenant, je suis troisième. Ce n’est quand même pas dramatique. Du moins, c’est comme ça que je vois les choses. Tout va s’arranger.  »

Les coulisses du transfert de Bakkali à Anderlecht

Peter Verplancke a joué un rôle crucial dans le transfert de Bakkali. L’homme, qui a fondé Eleven Management avec le manager belge Jacques Lichtenstein, s’est adressé à ses contacts dans l’entourage du très influent agent Jorge Mendes, qui défend les intérêts de Bakkali. Mendes et Verplancke ont un ami commun, l’ancien international nigérian Michael Emenalo. Celui-ci a été directeur sportif de Chelsea pendant six ans, avant de rejoindre Monaco en 2017.

Son amitié avec Verplancke remonte à la fin des années ’80, quand ils jouaient et étudiaient à la Boston University. Emmenalo, qui a joué au RWDM, a fait des affaires avec Mendes quand il était en poste à Stamford Bridge.  » Je connais également le bras droit de Jorge Mendes mais nous ne nous téléphonons pas toutes les semaines « , explique Verplancke.  » Pendant la période des transferts, nous étudions comment nous pouvons nous entraider dans certains dossiers. C’est ainsi que tout s’est enclenché pour Bakkali.  »

Mendes a délégué de bonne grâce les démarches concernant Bakkali car il ne connaît pas bien le marché belge et au début de l’été, il était accaparé par le transfert de Cristiano Ronaldo à la Juventus. En début de mercato, l’essentiel pour Verplancke et son entourage était de convaincre le joueur et sa famille du bien-fondé de sonder le marché belge.

Malgré l’intérêt du Standard et de quelques clubs espagnols, Anderlecht a obtenu la priorité absolue. Les Bruxellois n’ont finalement déboursé qu’un million et demi pour le Diable Rouge (deux caps). Une somme dérisoire pour un Belge de 22 ans au potentiel illimité.

Zakaria Bakkali, le cascadeur d'Anderlecht
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