Zakaria Bakkali : la descente aux enfers du dribbleur qui devait incarner l’avenir des Diables rouges
Sept ans après son départ, Zakaria Bakkali est de retour aux Pays-Bas, là où il avait donné le coup d’envoi de sa carrière professionnelle. L’ancien grand talent du PSV a signé mercredi dernier un contrat de deux saisons au RKC Waalwijk. Le club du Brabant-Septentrional lui offre la possibilité de se relancer en Eredivisie. Mais comment ce prodige du dribble a-t-il pu tomber si bas ? Retour sur quelques moments clés d’une carrière qui n’aura pas atteint les sommets attendus après des débuts tonitruants sous les couleurs du PSV.
Par Bjorn Goorden (Voetbal International)
Des débuts tonitruants : PSV-Zulte Waregem (2-0, 30/7/2013)
Tout commence par une soirée d’été où celui qui, devant sa télévision, s’attaque aux restes de viande du barbecue avec un cure-dent a spontanément des papillons dans l’estomac. Deux minutes seulement après le coup d’envoi d’un match du tour préliminaire de la Ligue des champions, le jeu en vaut déjà la chandelle.
Un garçon de dix-sept ans, haut comme trois pommes, se tient entre des hommes comme Memphis Depay, Tim Matavz, Georginio Wijnaldum, Adam Maher et Stijn Schaars lors de la présentation des deux formations. L’adversaire du jour pour le PSV se nomme Zulte Waregem et ce dernier se souviendra du petit Zakaria Bakkali. Dès la deuxième minute, Zak’ se joue de Bryan Verboom une première fois et envoie le ballon sur le poteau. Stupéfaites, des milliers de bouches s’ouvrent simultanément dans le stade.
Bakkali ne semble pas connaître le trac et il continue de terroriser Verboom avec ses dribbles. Un coup à droite, un coup à gauche, un coup à travers les jambes, ou simplement une feinte suivie d’une accélération ; le petit belge en fait voir de toutes les couleurs à son compatriote. Toutes celles d’un arc-en-ciel qui n’est pas sans rappeler le nom du stade de Zulte Waregem. Cette nuit de 2018 à Eindhoven a longtemps hanté les nuits d’un Bryan Verboom dont la carrière a commencé à décliner par la suite. Après 45 minutes, l’entraîneur Francky Dury met fin à son calvaire en le laissant au vestiaire pour le second acte. De son côté, le héros de la soirée s’adresse à la presse de son pays avec le sourire aux lèvres et une pointe d’accent qui ne peut traduire ses origines liégeoises. « Je pense que la Belgique me connaît depuis aujourd’hui », lance-t-il. « Il y a deux mois, je n’osais même pas en rêver. Une place de titulaire dans un tour de qualification de la Ligue des Champions… Je suis très heureux », ajoutait encore l’adolescent.
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L’enfant prodige (trop) gâté: Sankt Pölten-PSV (2-3, 7/8/2014)
Un an exactement après cette joyeuse entrée fracassante dans le milieu du football professionnel, le PSV a déjà complètement coupé les vivres à Zakaria Bakkali. Soudainement, il ne veut plus prolonger son contrat, qui expire à l’été 2015, alors qu’il l’avait promis à plusieurs reprises à ses dirigeants. Le club l’envoie alors en réserve. Pour Marcel Brands, le directeur sportif et cie, le choix est clair: soit il resigne, soit il s’en va.
Les matches de qualification pour l’Europa League contre les Autrichiens de Sankt Pölten ne seront pas joués par Bakkali, comme le seront tous ceux de l’équipe première du PSV au cours de cette deuxième saison. Un mois plus tard, Brands retire définitivement la proposition de contrat qui avait déjà été faite en janvier. L’ailier ne portera plus pour le PSV. Comment Bakkali a pu passer du paradis à l’enfer en aussi peu de temps ? Un numéro du magazine néerlandais Voetbal International, dans lequel les dirigeants du PSV ont accepté de répondre, permet d’établir une chronologie des événements. Elle raconte l’histoire d’un garçon instable, avec une famille qui l’est tout autant. Il a trop peu de repères autour de lui. Avec toutes les conséquences néfastes qui en découlent.
L’histoire de Voetbal International se déroule d’un agent à l’autre, d’un club intéressé à l’autre et d’une parole non-tenue à une autre. Bakkali est un talent qui a reçu beaucoup plus que les autres, à savoir un salaire et des primes supplémentaires, un iPad, une Mercedes, etc. Il a commencé à se sentir plus important que les autres. Il a connu des flirts constants avec d’autres clubs, comme Manchester City, l’Atlético de Madrid et l’Eintracht Francfort. Il y a eu des blessures et un comportement immature. « Il n’a pas respecté les rendez-vous », raconte Brands dans ce numéro de VI , en illustrant son propos par un exemple. « Il devait se présenter pour un traitement de blessure un dimanche, mais n’est pas venu. Quand je l’ai interpellé à ce sujet, il m’a dit qu’il avait oublié et qu’il avait un rendez-vous chez le dentiste. Un dimanche… Et bien, tu l’as dit », continue Brands en ironisant.
Le plus gros problème du PSV est sans doute que Zakaria Bakkali éprouve des difficultés à gérer ses déceptions. « S’il n’était pas dans la sélection des dix-huit, il s’entraînait beaucoup moins », explique encore Marcel Brands. Rini de Groot , scout du club d’Eindhoven ajoute ceci : « Il y a eu des périodes où Bakkali n’a pas joué aussi bien qu’il le voulait. Il ne pouvait pas faire face à cela. Puis, soudainement, il n’y avait plus rien. Sa famille et lui étaient extrêmement sensibles aux influences extérieures. Et ce qui est difficile à gérer avec des gens comme ça, c’est qu’ils ne le montrent pas lorsque tu discutes avec eux. Ils suivent juste leur propre chemin« , affirme de Groot.
La cassure : Rayo Vallecano-Valence (0-0, 22/8/2015)
Après un an et demi sans match de haut niveau, Valence l’engage. De gros doutes sont émis sur sa condition physique et mentale. Peut-il se reprendre dans une Primera División où le niveau est beaucoup plus élevé qu’aux Pays-Bas ? Malgré cela, le Wallon reçoit du temps de jeu lors du premier match de championnat de la saison. Contre le Rayo Vallecano, il monte à la place de Pablo Piatti à la 61e minute. Bakkali n’a cependant pas beaucoup d’influence sur l’issue de la rencontre. Le score restera de 0-0 sur le marquoir du Campo de Fútbol de Vallecas.
Le premier jour du mois suivant, Bakkali se prend une nouvelle gifle dans le visage. L’entraîneur de Valence, Nuno Espírito Santo, ne l’inclut pas dans sa sélection pour la Ligue des champions. Au cours de la première moitié de la saison, le Belge a marqué un but et délivré trois passes décisives, et par moments, on a cru retrouver le prodige des débuts au PSV. En deuxième partie de saison, il avait l’occasion de prendre sa revanche sur cette absence en Champions League, d’autant plus qu’il est largement épargné par les pépins physiques. Mais ce ne sera absolument pas le cas. Zak’ n’est titularisé qu’une seule fois en Liga… Il ne marque qu’une fois et ne donne qu’un assist. Son bilan en deux saisons au Mestalla est de… 833 minutes de jeu, sur un total possible de 6 840. Il n’a donc disputé que 12% du temps de jeu possible à Valence en Primera División.
C’est donc tout logiquement que Bakkali est loué lors de l’exercice suivant. C’est le Deportivo La Coruña qui tente le coup malgré toutes ces performances décevantes. En Galice, il vivra une saison désastreuse, tout comme celle de son club d’ailleurs. Quoi que le Depor’ fasse, qu’il se renforce ou qu’il confie les rênes de l’équipe à Pepe Mel, Cristóbal Parralo ou Clarence Seedorf, la spirale de la défaite semble inarrêtable. Les champions de l’an 2000 s’enlisent dans les profondeurs du classement et malgré ce contexte, Bakkali tire parfois son épingle du jeu. Mais il montre aussi son mauvais visage. Le bilan chiffré sera sans appel avec 0 but et 0 passe décisive à la fin de ce prêt. Difficile pour leDepor’ d’éviter la relégation s’il doit s’appuyer sur les performances d’un ailier aussi peu décisif.
Valence comprend dès lors qu’il a intérêt à se débarrasser au plus vite de Zakaria Bakkali. Même sous le soleil d’Espagne, il n’y a aucun moyen qu’il puisse s’épanouir.
Roland Vroomans, qui a été l’entraîneur des jeunes du PSV, croit pourtant toujours à l’éclosion du jeune Belge. « Il a toujours cherché à devenir meilleur, mais il voulait aller trop vite », estimait-il dans Algemeen Dagblad. « Tout ce qui représente trop n’est pas bon. Zakaria n’avait pas assez de patience. Il voulait atteindre le sommet le plus rapidement possible. Autour de lui, des gens lui ont promis des montagnes d’or. Mais je ne doute pas que, malgré tout, il s’imposera au top niveau. Son talent est trop grand que pour ne pas prendre le dessus », espérait (naïvement) Vroomans.
La chute libre : Anderlecht-Charleroi (1-1, 9/12/2018)
Hein Vanhaezebrouck est un entraîneur dans le besoin du côté de Saint-Guidon. Son équipe a été éliminée dès la phase de groupe de l’Europa League et accuse déjà un retard important sur le leader Genk en championnat. Et surtout, rien à faire, elle ne veut pas tourner. Cette situation n’est au final pas vraiment étonnante car Anderlecht a subi un lifting en profondeur depuis l’arrivée à sa tête d’un nouveau propriétaire. Pour un match à domicile contre Charleroi, Vanhaezebrouck fait appel à des adolescents. Il sont quatre dans son équipe de départ : Sebastiaan Bornauw, Albert Sambi Lokonga, Alexis Saelemaekers et Francis Amuzu. Aux côtés de l’entraîneur mauve sur le banc, on retrouve deux autres gamins: Yari Verschaeren (17 ans) et Jérémy Doku (16 ans). En revanche, aucune trace de Zakaria Bakkali, 22 ans, le transfert phare de l’été du club 34 fois champion de Belgique.
Marc Coucke a dû se gratter la tête en voyant la feuille de match. Anderlecht avait dépensé 1,2 million d’euros quelques mois auparavant pour que Bakkali devienne l’une de ses figures de proue. Le nouveau propriétaire avait sorti le chéquier pour que le compte en banque du Liégeois soit bien garni mois après mois pendant son bail de quatre ans. C’est ce qu’il fallait pour que Bakkali choisisse Anderlecht au détriment du Standard, le club de son enfance où il évoluait avant de rejoindre le PSV. Zak’ a finalement opté pour un salaire confortable dans la capitale belge plutôt que de se relancer là où tout avait commencé.
Vanhaezebrouck ne semble pas préoccupé par les sentiments de son patron en tribunes, les deux hommes ne s’apprécient de toute façon gère. Il s’est montré très critique envers Zakaria Bakkali depuis son arrivée. Lorsqu’il le fait monter à la 79e minute du match contre le FC Bruges, l’attaquant ne montre pas grand chose et le technicien s’emporte devant la presse au coup de sifflet. « Il a joué vingt minutes (15 ndlr). Pendant cette période, vous devez montrer quelque chose, je pense. Mais il n’a pas été dangereux une seule fois. Vous pouvez me rétorquer que je devrais lui donner quarante minutes de jeu, mais alors, le risque existe que pendant ces quarante minutes, il ne soit pas plus dangereux », tranchait dans le vif HvH.
Vanhaezebrouck avait totalement raison selon d’autres analystes en Belgique. Ces derniers s’interrogeaient également au sujet de l’ailier belge. « Lors de ses débuts européens contre Zulte Waregem, il a été fantastique », rappelait Marc Degryse. « Intrinsèquement fantastique, super rapide, mais oui…. C’est resté dans la tête. Il a cru trop vite qu’il était un grand joueur. Vous devez alors prester plus souvent et ne pas seulement montrer un échantillon de votre talent qu’une fois de temps en temps », rajoutait l’ancien joueur d’Anderlecht et du PSV.
Au Parc Astrid aussi, Bakkali a donc fini aussi par se rasseoir sur le banc. Pourtant, en octobre 2018, il a connu une belle période en disputant quelques beaux matches. Il a même été élu joueur du mois à Anderlecht, même si ce choix est parfois motivé par des raisons politiques afin de relancer mentalement des garçons qui en ont besoin. Mais ça n’a pas fonctionné dans le cas de Bakkali qui n’a pas continué sur sa lancée. Contre Charleroi, il ne figure même pas dans le noyau. Les journaux belges en parlent à nouveau. Le responsable du football d’ Het Nieuwsblad Ludo Vandewalle ne voit déjà plus qu’une seule solution. Dans son édito, il conseille à Bakkali de se faire aider. Mais lui a-t-on déjà expliqué que cela avait déjà été le cas au PSV…
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