Plus de 300 millions dépensés en janvier et la recrue la plus chère de la Premier League: y a-t-il une vision derrière la fièvre acheteuse de Chelsea ?
Avec l’arrivée à neuf chiffres d’Enzo Fernandez, qui a battu on the buzzer, le record détenu par Romelu Lukaku de recrue la plus chère de l’histoire de Chelsea, le club londonien, désormais aux mains de Todd Boehly, a dépensé 329 millions d’euros rien que cet hiver. Mais cette fièvre acheteuse pourra-t-elle permettre aux Blues d’améliorer leur situation sportive ?
Très honnêtement, aviez-vous entendu parler de Mykhailo Mudryk avant ces trois dernières semaines ? Certes, il figurait depuis un moment sur la liste des jeunes joueurs à surveiller pour les prochaines années. Mais à l’exception des vrais suiveurs, peu de personnes issues du grand public le connaissait. Après une bataille londonienne de haut lutte à coup de dizaine de millions entre Arsenal et Chelsea, le jeune Ukrainien a finalement préféré l’offre de Stamford Bridge. Les Blues ont payé 70 millions d’euros au Shakhtar Donetsk et pourraient encore verser environ 30 millions de divers bonus.
Ce mardi soir, les Blues se sont lancées dans une dernière grosse offensive pour mettre le grappin sur le meilleur jeune du dernier Mondial. Alors qu’il évoluait encore à River Plate au début du mois de juillet, Enzo Fernandez est passé de Benfica à Chelsea en quelques mois. Acheté 44 millions par les Lisboètes, ces derniers ont pratiquement reçu 80 de plus pour le laisser à Londres. Un prix évidemment gonflé par son éclosion dans le plus grand tournoi du monde.
Chelsea, dixième seulement de Premier League, doit se relancer s’il ne veut pas passer à côté de la Coupe d’Europe la saison prochaine. Dès qu’un jeune joueur est un peu hype sur le marché, les Londoniens décident de se positionner. Depuis l’arrivée de Todd Boehly à la tête de Chelsea, c’est désormais le nouveau coeur de cible de Chelsea qui dépense comme jamais dans ce segment du marché afin de ne pas louper ceux qui écriront le football de demain. Sur le dernier mois, le propriétaire américain a signé des chèques pour 330 millions d’euros. Jamais un club dans l’histoire n’avait dépensé autant au cours d’un mercato. Et l’ensemble des dépenses monte à 611 si l’on prend en compte la période des transferts estivale.
Mais existe-t-il vraiment des joueurs de classe mondiale parmi ces joueurs recrutés au prix fort ? Pas dans l’immédiat. L’exemple le plus frappant est le Français Wesley Fofana, transaction la plus coûteuse de l’été pour les Blues. Le jeune joueur formé à Saint-Etienne était réputé pour être un immense talent à Leicester City. Mais de là à payer 80 millions d’euros pour lui aussi rapidement… Le même constat peut être appliqué à Marc Cucurella, que Chelsea voulait acquérir au nez et à la barbe de Manchester City. Pep Guardiola avait des vues sur son compatriote, qui évolue comme latéral gauche, depuis un petit temps, mais il estimait qu’il ne méritait pas que son club dépense 60 millions d’euros pour s’attacher ses services. Pas de quoi effrayer Chelsea qui a monté les enchères jusqu’à 65 millions. Et tout cela alors que les Londoniens comptaient déjà dans leurs rangs un excellent arrière gauche en la personne de Ben Chilwell et qu’ils ne cherchaient pas spécialement à renforcer cette position.
Plus d’un demi-milliard dépensé
Et ainsi de suite. L’histoire semble à chaque fois se répéter. Quand Todd Boehly voit dans les médias qu’un jeune joueur est très demandé, il semble paniquer à l’idée de passer à côté de l’occasion et met tous les éventuels concurrents au tapis en proposant une offre surréaliste. Il en a été de même pour Mudryk, qui semblait bien parti pour rejoindre le voisin d’Arsenal. Chelsea est alors arrivé comme un rouleau compresseur avec une offre de 100 millions d’euros. Selon les sources du site anglo-américain The Athletic, le club du joueur ukrainien, le Shakhtar Donetsk, n’en croyait pas ses yeux que les Blues soient prêts à mettre autant d’argent sur la table, car « Mudryk n’avait même pas fait ses preuves au plus haut niveau ».
Le jeune attaquant n’est pas le seul transfert de l’hiver à Chelsea. Avant lui, les Londoniens avaient également acquis les services de Benoît Badiashile, de l’AS Monaco, pour 38 millions d’euros. Ils avaient aussi signé un chèque de 12,5 millions d’euros pour Andrey Santos (le « Jude Bellingham brésilien ») et dépensé pratiquement le même montant (12 millions) pour David Fofana. Sans compter la location pour 11 millions d’euros de João Félix. Et cela ne s’est pas arrêté là puisque Chelsea a officalisé dans les dix derniers jours de janvier les venues de l’ailier du PSV Noni Madueke pour 35 millions d’euros et de Fernandez pour 121. Sans oublier le défenseur français Malo Gusto débauché pour 30 millions à l’OL, même s’il y finira d’abord la saison avant de découvrir la compétition la plus relevée de la planète.
Faisons donc le bilan des dépenses des sept mois de règne de Todd Boehly à Chelsea. Sur cette courte période, le propriétaire américain a déjà investi 611 millions d’euros pour des joueurs. Sans compter les 20 millions pour débaucher l’entraîneur Graham Potter à Brighton, après le limogeage de Thomas Tuchel en octobre. L’addition totale s’élève donc à 510 millions d’euros, soit plus d’un demi-milliard ! Ceux qui s’inquiétaient de voir Chelsea moins actif dans le recrutement après la cession du club par Roman Abramovitch en sont pour leurs frais.
Evoquons aussi l’avenir, car Chelsea a déjà placé ses pions et ses millions en vue de la prochaine saison. Les Blues aimeraient recruter Christopher Nkunku du RB Leipzig pour 70 millions. Autant le dire. La fièvre acheteuse de Chelsea n’est pas prête de tomber.
Y-a-t-il une vision derrière ces achats ?
La question est surtout de savoir ce que Boehly ambitionne pour Chelsea avec tous ces achats à prix d’or. L’objectif principal, bien sûr, est de remporter de nombreux titres, aussi bien sur la scène nationale que continentale. Le public de Chelsea a déjà été très gâté en la matière avec son précédent propriétaire et Boehly veut faire aussi bien et même mieux. L’Américain veut aussi gagner en popularité auprès de ses nouveaux supporters. Son prédécesseur aussi, très apprécié par les fans locaux, aimait aussi provoquer une certaine controverse en réalisant d’énormes transferts. C’est une manière de fonctionner qui semblepropre à la maison bleue. La vision de Boehly se veut aussi à long terme car en rajeunissant le noyau, il espère que toutes ces nouvelles recrues évolueront ensemble pendant plusieurs années et qu’il pourra installer une véritable « dynastie », à l’image de ce que l’on peut voir dans les sports américains.
Mais pourquoi acheter autant de joueurs alors ? Il n’est en effet guère question d’achats ciblés du côté de Stamford Bridge. Seul Pierre-Emerick Aubameyang a été acheté à la demande de Tuchel, mais le technicien allemand a été renvoyé peu de temps après la venue du Gabonais. Depuis la prise de pouvoir de Graham Potter, l’ancien buteur d’Arsenal ne quitte même plus le banc. Peut-on alors parler d’argent bien investi ?
Si le propriétaire ne se montre pas radin en coulisses, Chelsea ne se montre pas à la hauteur sur le terrain. Les Blues n’occupent que la dixième place en Premier League et accusent déjà dix points de retard sur la dernière place attribuant un billet pour la prochaine Ligue des champions et vingt et un sur le leader Arsenal. Les Londoniens n’ont aussi remporté que deux de leurs dix derniers duels : le week-end dernier contre Crystal Palace (1-0) et le 27 décembre contre Bournemouth (2-0). Dans les sept autres matches, Chelsea a encaissé huit buts et n’en a marqué que deux. Ce ne sont pas des chiffres qui font autant rêver que ceux des millions d’euros investis dans le mercato. « Nous voulons retrouver notre Chelsea », ont très clairement indiqué les supporters locaux après la défaite de la semaine dernière, contre le voisin de Fulham.
Pendant le règne d’Abramovitch, Potter aurait déjà été menacé avec de tels résultats décevants. L’ancien directeur technique Petr Cech a bien décrit le « Mid season shock » (choc de la mi-saison), lorsque le milliardaire russe renvoyait un entraîneur en plein milieu de la saison pour créer un choc psychologique. Boehly ne veut pas reproduire ce genre de scénarios à Stamford Bridge. La direction du club a d’ailleurs réitéré sa confiance à Graham Potter, qui avait paraphé un contrat de cinq ans en octobre dernier.
Qui est le véritable patron sportif ?
Todd Boelhy se rend compte que l’infirmerie des Blues est pleine puisque dix joueurs sont actuellement sur le flanc. Mais surtout il a construit tout son staff technique et son département sportif autour de la personne de Potter. Paul Winstanley et Kyle Macauley sont venus de Brighton dans les bagages du technicien anglais. Le renvoyer aujourd’hui impliquerait de changer tout le département. Ce qui ne serait pas une bonne chose pour la stabilité que le propriétaire américain de Chelsea essaie d’instaurer.
Pour son département sportif, Boehly a pour ambition d’importer à Londres ce qui est mis en place par Red Bull. Il a engagé Laurence Stewart et Christopher Vivell, deux recruteurs qui ont été formés par l’école de la marque de boissons énergétiques. Vivell est le directeur technique de Chelsea et Stewart occupe la même fonction en se centrant sur l’international. Winstanley est pour sa part le « directeur du talent global et des transferts ». Difficile de faire la différence entre ces trois fonctions.
Ce trio est censé travailler ensemble, mais comme leurs tâches sont assez similaires, ils se marchent sur les pieds et se disputent l’attention du propriétaire qui a le dernier mot pour valider ou non un transfer. Il n’est donc pas question de coopération. De plus, les agents les évitent car ils savent que le pouvoir de décision finale appartient à Todd Boelhy. C’est pourquoi, ils s’adressent directement à ce dernier. Pourquoi avoir donc recruté ces trois directeurs techniques ? Difficile à comprendre. Cela montre surtout qu’il n’y a pas de véritable vision sur le chemin à emprunter du côté de Stamford Bridge.
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