Équipiers à Gand, Orban et Fofana se sont retrouvés à Lyon © BELGA

« Une formation exceptionnelle », la priorité des scouts: la France craque pour le foot belge

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Gift Orban est la dernière occurrence d’un phénomène qui prend de l’ampleur : la France s’enflamme pour la Pro League et ses talents. Explications.

Tout l’été, le nom du Nigérian avait rimé avec certains des clubs les plus luisants du continent. Certains voyaient Gift Orban à Tottenham. D’autres le citaient à Arsenal. Au bout du mercato, le dernier mot avait été pour Sam Baro, nouvel homme fort des Buffalos qui avait montré les muscles en conservant à Gand un talent convoité par une bonne partie de l’Europe. Un peu plus de quatre mois plus tard, c’est vers Lyon et par une porte moins riche et brillante que prévu que l’attaquant quitte les Gantois. Orban prend le sillage de Malick Fofana, lui-même entrainé dans celui d’un Clinton Mata qui semble avoir ouvert une ligne directe entre la Belgique et les Gones. En vérité, c’est toute la France qui paraît regarder vers le nord avec les yeux doux.

Trois ans après un été qui avait vu débarquer sur le sol français le buteur Jonathan David (de Gand vers Lille), le colosse Terem Moffi (de Courtrai à Lorient) ou la bombe Jérémy Doku (d’Anderlecht à Rennes), la migration a encore été bien plus conséquente. Depuis le 1er juillet dernier, ce sont quatorze joueurs qui sont passés de la Jupiler Pro League à la Ligue 1, rejoignant non seulement Lyon (Mata, Fofana et Orban) mais aussi Reims (Teuma et Okumu), Toulouse (Donnum et Gboho), Montpellier (Al-Tamari), Strasbourg (Sylla) ou Marseille (Murillo). Seule l’Angleterre, prêteuse en masse de jeunes talents pouvant encore se développer en France, a envoyé plus de joueurs que la Belgique vers l’Hexagone depuis l’été dernier.

Une nouvelle réalité qui n’étonne pas ce scout, en place dans un club historique de l’élite française : « Pour moi, la Pro League est le championnat qui doit devenir le plus important dans le scouting des clubs en France, avec la Ligue 2. »

Du monopole de Mogi à l’ère des scouts

Le signe que l’époque où seuls les réseaux de Mogi Bayat, bien introduit dans les bureaux de Toulouse et surtout de Nantes, permettaient de passer de la Belgique à la France appartient au passé. Aujourd’hui, aucun club de Ligue 1 ne peut se permettre de snober le foot belge, comme c’était encore le cas dans un passé récent. « Le niveau de la Jupiler Pro League a fortement progressé », explique Romain Decool, coordinateur sportif de l’USL Dunkerque (D2 française) et chargé du recrutement chez les Maritimes après un passage dans la cellule scouting de Clermont (Ligue 1). « L’avantage, c’est que les joueurs qui viennent de Belgique n’ont pas besoin de six mois d’adaptation pour se faire à l’intensité ou au niveau requis par la Ligue 1. Ça donne des garanties dans le recrutement. »

À l’heure où la principale mission des cellules de scouting est devenue la réduction de la marge d’erreur dans l’adaptation potentielle d’un talent décelé à un club et un championnat précis, la Belgique est effectivement devenue une valeur sûre pour l’élite française. En plus de la proximité culturelle qui facilite l’acclimatation extra-sportive, les hommes forts du mercato en France pointent d’autres avantages de la Pro League sur ses concurrents du subtop européen : le championnat belge est plus homogène que le portugais, où le décalage est immense entre les quatre grosses écuries et le reste du peloton, et plus musclé que le néerlandais où les duels sont bien plus rares qu’en France et où il est donc difficile de juger la véritable résistance athlétique d’un joueur.

La France aime les incroyables talents

Si certains championnats fournissent souvent le même type de joueurs, presque stéréotypés, la terre noire-jaune-rouge a aussi l’avantage de la diversité. « On n’est pas seulement sur un poste fort identifié, parce qu’il y a vraiment une grande diversité de profils qui sortent aujourd’hui. La formation belge est exceptionnelle à ce niveau », reprend Romain Decool, qui parle d’une Belgique qui a pris « dix ans d’avance » en termes de post-formation en ouvrant les portes des divisions inférieures les plus importantes aux meilleures équipes de jeunes du Royaume. Choyés dans ces équipes U23 avant de prendre leur envol, Malick Fofana (vers Lyon) ou Ibrahim Salah (vers Rennes) sont de premiers symptômes des fruits de cette nouvelle politique qui a aussi conquis l’Allemagne (Arne Engels à Augsbourg ou Julien Duranville à Dortmund), alors que le jeune défenseur central brugeois Jorne Spileers ne laisse pas les clubs du nord de la France indifférents.

La filière ne semble pas proche de l’épuisement. D’autant plus que, d’après un recruteur de Ligue 1 : « Là où il est très difficile d’aller chercher des joueurs en Espagne parce que les clubs sont rarement vendeurs, les Belges cherchent à faire des deals. D’abord parce qu’ils ont souvent besoin d’argent pour équilibrer leurs comptes, mais aussi parce qu’ils ont une grande confiance en leur cellule de scouting sur la capacité à remplacer un talent parti vers l’étranger. »

« Sur des régions comme la Scandinavie ou des pays comme le Japon, le scouting belge a été précurseur », embraie Romain Decool. Aux yeux de la France, les talents venus de ces ligues plus « exotiques » sont validés quand ils passent au révélateur du championnat belge. La Jupiler Pro League, ses plans tactiques variés, ses ambiances parfois chaudes et ses duels européens permettent d’affiner au maximum les profils des joueurs en les voyant affronter des systèmes et des contextes bien différents. De quoi rendre la marge d’erreur aussi fine que la frontière.

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