Un expert en hooliganisme de la police après les incidents du Clasico : « Des sanctions plus sévères n’ont aucun sens sans contrôle »

Bart Aerts

Après les incidents survenus à Sclessin et dans ses environs dimanche dernier, la zone de police de Bruxelles-Midi se prépare pour le prochain match à domicile d’Anderlecht, contre les Roumains du FCSB roumain. « Nous savions que quelque chose allait se passer », déclare Philippe Boucar, commissaire de la zone de police de Bruxelles-Midi. « Mais la critique de l’approche de la police et des stewards n’est pas justifiée ».  

Le noyau dur des supporters des Mauve et Blanc avait annoncé qu’il n’accepterait pas une autre défaite ou une autre contre-performance de son équipe. La police le savait aussi. « Ils n’en étaient pas à leur coup d’essai non plus », affirme Philippe Boucar. « En 2019, les ultras, le noyau dur des supporters d’Anderlecht ont presque fait la même chose : à l’époque aussi, ils ont jeté des fumigènes et des pétard sur le terrain en signe de protestation. »

Il y a trois ans, l’indignation était aussi grande qu’aujourd’hui. A cette époque aussi, des mesures avaient été annoncées en fanfare. Le nombre de stewards est passé d’un pour 300 supporters à un pour 250 supporters. Ils ont reçu une formation supplémentaire en matière de contrôle d’accès, avec un accent particulier sur la détection des « produits pyrotechniques » tels que les fumigènes.

« Ce contrôle continue de se produire de manière approfondie aujourd’hui », prétend M. Boucar. « Les deux bus transportant des membres du noyau dur d’Anderlecht ont été contrôlés. Un pétard a été trouvé. Il n’est pas vrai de dire que la fouille ne serait pas assez approfondie. Elle a été effectuée dans le cadre légal. Apparemment, il y a des supporters qui démontent des fusées éclairantes et les cachent dans des endroits intimes. Vous ne pouvez pas commencer à les déshabiller totalement pour les fouiller, n’est-ce pas ? », pense notre expert.

L’interdiction de stade sera également appliquée

Quiconque a lancé des fumigènes ou autre projectile ce dimanche doit s’attendre à de sévères sanctions. Lorin Parys, le directeur général de la Pro League, n’a laissé aucun doute à ce sujet. Les fauteurs de trouble risquent une interdiction de stade pouvant aller jusqu’à 10 ans. S’ils ont déjà été condamnés auparavant, la peine peut même aller jusqu’à 25 ans.

« Vous pouvez toujours prononcer une interdiction de stade jusqu’à 40 ans, si vous ne l’appliquez pas, cela ne changera pas grand-chose », pense cependant Philippe Boucar. « Que les sanctions deviennent plus sévères est une bonne chose, mais il faut aussi investir dans le contrôle. La sécurité coûte cher. Et c’est souvent un problème de budget lorsque la sécurité et le contrôle sont mis en cause. Les clubs de football et la Pro League doivent également vouloir investir dans de meilleures infrastructures. Après le match de dimanche entre le Standard et Anderlecht, les deux clans de supporters ont été séparés à l’extérieur du stade par une simple barrière. Pourtant, la police a pu éviter une confrontation directe », détaille l’expert en hooliganisme de la police bruxelloise.

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« Vous ne pouvez pas commencer à déshabiller les supporters totalement pour les fouiller, n’est-ce pas ? », explique Philippe Boucar © belga

« Une interdiction de stade est également facile à contourner à l’heure actuelle. Supposons que la personne X n’a pas d’interdiction de stade et qu’elle achète un billet pour un match », explique M. Boucar. « X achète ce billet en s’identifiant avec sa carte d’identité. Le jour du match suit la phase d’authentification. Et on l’oublie souvent. La personne X peut simplement donner son billet à la personne Y qui a une interdiction de stade. Parce que votre identité n’est pas contrôlée à l’entrée du stade », précise l’expert de la police.

Les policiers infiltrés qui suivent et connaissent les groupes de supporters, les « spotters », ne peuvent-ils pas reconnaître ces délinquants et leur interdire l’accès au stade ? Philippe Boucar nuance cela : « Dans un stade rempli de 20 000 personnes, il y a suffisamment de moyens pour passer inaperçu. Vous ne serez pas dans le noyau dur avec une interdiction de stade. Donc oui, cela peut être contourné », pense l’expert en hooliganisme.

« Pendant la crise sanitaire, il n’y a donc pas si longtemps que cela, il était obligatoire de s’authentifier à l’entrée d’un stade de football. Vous deviez montrer votre billet, le code QR qui indiquait que vous disposiez du covidsafe ticket ainsi que votre carte d’identité. Pourquoi était-ce possible à l’époque et pas aujourd’hui ? », s’interroge M. Boucar. « C’est bien la preuve qu’il existe un système pour contrôler les interdictions de stade ».

Ne pas accepter la violence

Boucar sait de quoi il parle. Il a vécu les années où les noyaux durs des clubs belges s’entendaient pour se bagarrer après une rencontre. Les années 80 et 90 étaient celles où le hooliganisme régnait en maître. M. Boucar est l’un des pionniers qui a contribué à endiguer le phénomène en déployant, entre autres, des caméras, des stewards et des spotters. Aujourd’hui, la violence dans les stades de football semble renaître de ses cendres.

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« La violence est un cycle », affirme Philippe Boucar. « Elle n’a jamais complètement disparu. Aujourd’hui, des projectiles sont jetés sur les pompiers. Il y a de l’agressivité sur les routes. Il ne faut pas s’étonner du retour de la violence dans les stades. Le football est simplement le reflet de la société. Ce qui est frappant, cependant, c’est que les auteurs d’aujourd’hui, des jeunes d’une vingtaine d’années, n’étaient pas encore nés lorsque les hooligans se battaient entre eux dans les années 1980 et 1990. Ils veulent s’affirmer, ils veulent arrêter le match. C’est une forme de violence différente de la confrontation directe entre groupes des noyaux durs. Mais en jetant des projectiles ou des fumigènes, l’on peut aussi causer des dommages encore plus importants aux autres. En ce sens, la violence s’est aggravée », estime l’expert de la police.

« En jetant des projectiles ou des fumigènes, l’on peut aussi causer des dommages encore plus importants aux autres. En ce sens, la violence s’est aggravée »(Photo by BRUNO FAHY/BELGA MAG/AFP via Getty Images)

Comment les forces de police comptent-elles gérer les prochains matchs à domicile ? Philippe Boucar n’a pas à réfléchir longtemps pour évoquer les possibles solutions. « Quelque part, je comprends la frustration des supporters d’Anderlecht. Mais en réalité, ce ne sont pas des supporters. Ils font en sorte que leur club préféré doive payer 50 000 euros d’amende, alors qu’il est déjà en difficulté financière. Cela n’aide sûrement pas Anderlecht d’avoir un match arrêté ? Et qu’en est-il des joueurs ? Comment peuvent-ils encore se produire avec cette crainte permanente de réactions agressives de la part de leurs supporters ? Nous ne pouvons et ne devons pas accepter la violence. Et donc nous ferons tout ce que nous pouvons pour l’arrêter, avec les moyens que nous avons », conclut l’expert en hooliganisme de la police de Bruxelles-Midi.

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