Vainqueur de la Supercoupe pour valider son doublé, l'Antwerp sera encore l'un des favoris cette saison. © Gettyimages

Un suspense à tous les étages: les objectifs d’un championnat belge à trois vitesses

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

De retour à seize équipes, le championnat belge démarre en promettant un suspense à tous les étages. Analyse et perspectives.

Comme si l’histoire avait voulu récompenser son opiniâtreté, Paul Gheysens a vu son Antwerp s’asseoir au sommet du championnat belge grâce à un Diable rouge. Il y avait eu Steven Defour, Kevin Mirallas, Jordan Lukaku ou Radja Nainggolan. C’est finalement Toby Alderweireld, auteur d’un but du titre que le Bosuil n’oubliera jamais, qui a remis le Great Old au sommet. Un doublé dans la poche et une course à la Ligue des Champions dans le viseur, le matricule 1 fait évidemment partie des favoris à sa propre succession, en tête d’un peloton où trois rivaux semblent en mesure d’oser le tutoyer.

Il y a évidemment le grand patron brugeois, mastodonte de l’époque avec cinq des huit derniers titres dans son armoire à trophées. À la relance sous les ordres d’un Ronny Deila qui avait réveillé Sclessin, le Club de Bruges a certes perdu Noa Lang, Clinton Mata et Abakar Sylla, mais a déjà claqué plus de vingt millions d’euros sur le grand marché d’été pour attirer en Venise du Nord le colossal Igor Thiago, le virevoltant Michal Skoras ou le wonderboy scandinave Hugo Vetlesen. Des dépenses qui donnent à la campagne brugeoise des airs de reconquête, et au championnat l’allure d’un duel potentiel entre les deux meilleurs ennemis de Flandre. Seuls clubs à s’être qualifiés pour les trois éditions des play-offs à quatre, l’Antwerp et Bruges ont des ambitions majuscules et les moyens de les assouvir.

Nouveau numéro 10 de Bruges, Hugo Vetlesen est attendu au tournant (Photo by KURT DESPLENTER/BELGA MAG/AFP via Getty Images)

Au premier rang des challengers, les « G » du nord avancent leurs arguments. Dans le Limbourg, Genk veut faire mentir l’adage qui veut qu’il ne réussit qu’une saison sur deux. Alieu Fadera, Joris Kayembe et le très prometteur Christopher Bonsu Baah ont rejoint un Racing dont la réussite de la chasse au trésor semble pendue à deux questions : les pertes de l’été ne seront-elles pas trop importantes, et Tolu Arokodare peut-il être ce buteur qui vous fait passer d’équipe attrayante à champion potentiel ?

Hein Vanhaezebrouck n’aime pas les incertitudes. Si sa cellule de scouting lui a offert un Gift Orban déjà très convoité, le coach de La Gantoise a déjà pris les rênes du mercato et s’est arrêté à l’étal des produits locaux : Ismaël Kandouss et Tsuyoshi Watanabe en défense, Pieter Gerkens au milieu, et peut-être d’autres encore, dans un club aux ambitions gonflées comme la fortune du nouveau patron Sam Baro. Après deux années consécutives à voir la porte du sprint final leur claquer au nez, les Gantois ne peuvent pas manquer le grand rendez-vous du championnat belge, élargi à six prétendants.

Ils veulent finir dans le top 6 du championnat belge

La frontière des aspirations est parfois floue. Celles de l’Union le sont toujours. Comme de coutume depuis son retour au sein de l’élite, le club saint-gillois n’a pas voulu préciser sa cible. L’année de l’arrivée de l’ambitieux Alexander Blessin sera-t-elle celle d’un retour à la norme ? La seule certitude, c’est que l’Union va changer, en ayant perdu les chefs de file d’antan qui transmettaient le storytelling très porteur des « galériens ». La logique voudrait que le Parc Duden accueille déjà avec le sourire une prolongation du bail en play-offs 1. Paradoxalement, les maniaques des datas de Starlizard ont pourtant pris l’habitude d’utiliser des chiffres pour contredire la logique. L’Union pourrait être le dernier des favoris ou le premier des outsiders.

Au sein du subtop du championnat, le retour à la formule des play-offs 1 à six ravive quelques sourires. Celui de Mehdi Bayat est sans doute le plus franc, le sprint final à quatre rendant l’exploit quasiment hors de portée d’un modèle carolo toujours limité par ses moyens financiers et humains. Revenu en arrière dans sa course à la modernisation, le patron de Charleroi n’a pas pour autant perdu l’ambition de rejoindre le bon wagon, confiant sa locomotive à un Felice Mazzù qui sait comment rouler vite en carburant au charbon et son secteur offensif au prometteur Oday Dabbagh.

Oday Dabbagh doit faire marquer les Zèbres (Photo by Isosport/MB Media/Getty Images)

Sans beaucoup plus de moyens, mais avec un réseau bien plus international, Fergal Harkin relance son Standard après le coup de frein provoqué par le départ de Ronny Deila. Au tour de Carl Hoefkens, épaulé par un Yaya Touré qui témoigne du carnet d’adresses du directeur sportif rouche, d’embraser le chaudron liégeois. Avec des allumettes qui pourraient tout aussi bien craquer que mettre le feu au championnat belge, à l’image du flamboyant Romaine Mundle. En quête de certitudes, Sclessin se raccroche déjà à son icône Zinho Vanheusden, de retour au bercail. Parce qu’avec un bon Zinho, on voit souvent un bon Standard.

Quelles sont les valeurs refuge d’un bon Anderlecht ? Privé des buts d’Islam Slimani et des arrêts (sans parler de la relance) de Bart Verbruggen, le Sporting a perdu les rares repères de tout aussi rares moments de réussite la saison dernière. Le chantier est conséquent, les moyens aussi. La barre des dix millions est déjà allégrement franchie pour attirer l’expérience de Dupé, les poumons de Patris ou les buts d’un Kasper Dolberg à ressusciter. Jesper Fredberg pioche tous azimuts pour fournir à son compatriote Brian Riemer une équipe capable de jouer les premiers rôles, avec un talent que Neerpede ne semble plus en mesure de fournir en suffisance. Les montants investis rendent en tout cas le top 6 obligatoire.

Kasper Dolberg peut-il ramener Anderlecht dans le top 6 ? (Photo by Patrick Goosen/BSR Agency/Getty Images)

Moins incontournable, le ticket pour les play-offs 1 est tout aussi convoité chez les deux belles surprises de la saison écoulée. C’est sans doute à Westerlo qu’on semble le mieux armé, même si l’équipe essentiellement constituée de prêts a été démantelée. Un nouveau départ, mais un démarrage en trombe, avec plus de cinq millions livrés en Croatie pour s’offrir le jeune Matija Frigan, dix buts et trois assists en 18 apparitions en 2023. Si les rêves d’Europe d’Hasan Cetinkaya étaient restés confidentiels la saison dernière, le Kuipje confirme par la dépense qu’il pourrait rapidement devenir trop petit pour ses nouvelles ambitions.

Machine à laver du championnat belge, avec son pressing qui essore la plupart de ses adversaires, le Cercle devra probablement passer par la case départs avant de se reconstruire tout en attendant l’arrivée des prêts venus de Monaco. L’équipe a l’habitude de démarrer après le signal du starter, mais il sera difficile de remplacer le départ annoncé d’Ayase Ueda, dont la tête est mise à prix pour dix millions depuis que ses pieds se sont avérés parmi les plus redoutables du championnat belge.

La treizième place portera malheur

C’est peut-être le moins menacé des candidats au maintien, à tel point qu’il aurait pu être le premier des aspirants au top 6. Résident du ventre mou, le STVV aspire surtout à faire un peu plus rêver, après les saisons solides mais insipides sous les ordres d’un Bernd Hollerbach réputé pour son organisation défensive maniaque. Frère de passeport mais pas d’idées, Thorsten Fink a promis plus de jeu, autour d’une délégation nippone plus abondante que jamais et emmenée par un Ryotaro Ito qui devrait rapidement justifier son surnom de « Magicien ».

Tout aussi anonyme mais plus dépensier, OHL est loin des promesses de haut de tableau faites lors de la prolongation de contrat de Marc Brys, voici déjà bientôt trois ans. Privés de leur buteur Mario Gonzalez et du dribbleur souvent stérile Al-Tamari, les Louvanistes reconstruisent autour de jeunes talents comme Ezechiel Banzuzi ou l’élégant défenseur israélien Raz Shlomo, tout en n’hésitant pas à ouvrir le portefeuille pour le déroutant Ignace Ndri, arrivé au bout de son parcours à Eupen. Trop onéreux pour se contenter du maintien, mais probablement trop léger pour rêver de chasser le top 6.

La relance de Raz Shlomo devrait rapidement enchanter le championnat (Photo by Plumb Images/Getty Images)

Ces deux-là semblent pourtant armés pour éviter le bottom 4, synonyme de play-offs 3 que tous veulent pourtant laisser dans le rétroviseur. Parce que dans ce sprint final à reculons, seule la première place sera synonyme de maintien. Peut-être la deuxième, en venant à bout de l’affamé troisième d’une Challenger Pro League relevée, boostée par la nouvelle formule du championnat belge. Pour les quatre derniers clubs de l’élite, éviter ce wagon aux nombreux sièges éjectables serait déjà synonyme de saison réussie.

À Malines, on n’a pas encore vraiment digéré les départs conjoints de Wouter Vrancken, Hugo Cuypers et Vinicius Souza à l’été 2022. Si Steven Defour a arraché une finale de Coupe au bout d’un parcours clément, l’ancien Diable n’a pas encore entièrement convaincu depuis son passage sur le banc de touche. Au sein des recalés de la profession, nombreux sont d’ailleurs ceux qui pointent le costume de T1 du KaVé comme prochain emploi à pourvoir. L’ex Soulier d’or voudra prouver le contraire, et espère pour ça être mieux armé, tant devant le but adverse que devant la défense, pour passer l’hiver au chaud et la saison à regarder vers le haut.

Autre nom historique en eaux troubles, le RWDM semble avoir perdu tout le flow favorable dont bénéficient généralement les promus. La faute, en grande partie, à un John Textor qui a décidé de faire le grand ménage, remplaçant Julien Gorius par Gauthier Ganaye, écartant Thierry Dailly, puis se séparant du très bien coté Vincent Euvrard à quelques jours de la reprise du championnat pour placer Claudio Caçapa à la tête du promu. Orphelin de son maestro Kylian Hazard, le stade Machtens devra se consoler avec les passes téléguidées de Xavier Mercier, auquel on a probablement mis la douzième place dans le viseur.

À quelques jours de la reprise, le RWDM s’est séparé de Vincent Euvrard (Photo by Isosport/MB Media/Getty Images)

Douzième, c’est aussi la place que visent Eupen et Courtrai. Les Pandas sont certes plus ambitieux dans les discours, mais ont perdu leurs principaux pourvoyeurs de points avec Stef Peeters et Ignace N’Dri, sans véritablement les remplacer. La confiance démesurée en les qualités de leur noyau coûtera-t-elle cher aux dirigeants germanophones ? Venu au Kehrweg pour relancer une jeune carrière qui bat déjà de l’aile, l’ancien prodige des bancs de touche de Bundesliga Florian Kohfeldt devra faire des miracles ou espérer une fin de mercato spectaculaire pour éviter une place dans le convoi indésirable du championnat belge.

Parti d’Eupen, Edward Still se retrouve à la tête d’une mission tout aussi périlleuse au stade des Éperons d’or. Retardé par une revente finalement avortée à des acheteurs-arnaqueurs, Courtrai n’a actuellement enregistré que deux recrues – en prêt – alors que Watanabe et Selemani sont partis. S’il peut toujours compter sur Kadri pour animer un jeu qu’il veut aussi méticuleux et ambitieux que lors de son passage carolo (avec une défense à quatre, cette fois), le coach brabançon s’est installé sur un banc dont personne ne semblait vouloir. Avec ce double sentiment d’avoir à la fois beaucoup à perdre et tout à gagner.

Edward Still attend encore de nombreux renforts à Courtrai (Photo by KURT DESPLENTER/BELGA MAG/AFP via Getty Images)

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