Timmy Simons, meilleur milieu de terrain de Jupiler Pro League 2000-2020
Lors de notre sondage de fin d’année, vous avez désigné Timmy Simons comme étant le milieu de terrain ayant eu le plus d’impact sur la Jupiler Pro League entre 2000 et 2020. Qu’est-ce qui le rend si bon ? C’est ce que nous avons demandé à un panel d’interlocuteurs.
Curieusement, Timmy Simons, qui a été 94 fois international A, n’a pas été formé par un club de l’élite, n’a jamais été capé chez les jeunes et avait déjà 21 ans et demi lorsqu’il a débarqué en D1. Il travaillait même comme menuisier lorsque Lommel est allé le chercher en 1998 au FC Diest, qui évoluait à l’époque en troisième division.
» Timmy n’a débarqué qu’assez tard en D1 parce qu’il n’était pas prêt plus tôt « , affirme son père, Paul Simons. » C’est ce qui le caractérise c’est qu’il est capable de sentir s’il est mûr pour franchir le pas ou non. Lorsqu’on est encore trop court, il faut pouvoir s’en apercevoir. Nous avons toujours cherché la meilleure voie. Mais Timmy s’est donné tous les atouts pour réussir. Je ne pense pas qu’il soit sorti cinq fois durant sa jeunesse. Il se soignait parfaitement et travaillait très dur. J’ai vu beaucoup de bons joueurs qui n’ont jamais percé parce qu’ils manquaient de caractère. Timmy m’a aidé dans mes affaires depuis très jeune et il donnait parfois un coup de main au restaurant de Danny Fabry à Scherpenheuvel, également. Il a commencé des études de kiné, mais lorsque c’est devenu trop lourd, avec tous ces allers-retours en train vers Hasselt, en plus des entraînements à Diest le soir, il m’a dit que ça serait compliqué de continuer de cette manière . Même lorsqu’il était déjà professionnel à Lommel, il fabriquait encore des châssis qu’il allait placer le mercredi, lorsqu’il avait congé. Il a refusé la Mercedes que lui proposait le club. Il allait s’entraîner avec une vieille camionnette Citroën Portes & Fenêtres Simons. Lorsqu’il jouait pour le Club Bruges et qu’il a été sélectionné pour les Diables Rouges, on n’a pas pu le contacter, car il n’avait pas de gsm. Je l’ai aidé avec un vieux Motorola. ( il rit). Il est ainsi, Timmy. Il a toujours été un grand travailleur. Boucher les trous, aider les partenaires qui se retrouvent en galère. Il savait qui il était, se concentrait sur sa tâche et ne disait jamais du mal des autres. Je pense que c’est pour cette raison qu’il est autant respecté. »
Lorsqu’il jouait à Bruges et qu’il avait été sélectionné chez les Diables Rouges, on n’avait pas pu le joindre, car il n’avait pas de gsm. » – Paul Simons, son père
LE PROLONGEMENT DE SOLLIED
Après avoir lutté contre la relégation avec Lommel, Timmy Simons part au Club en 2000. Il a alors 23 ans et demi déjà. Il débute sa saison en passant les tests physiques et médicaux. » À cette époque, ils s’effectuaient encore dans les locaux du club « , se souvient Olivier De Cock. » Je venais de les passer lorsqu’il est arrivé. Il m’a dit bonjour, mais je ne savais pas qui il était. Son visage ne m’était pas encore familier. »
Mais Simons s’impose rapidement, poursuit De Cock, qui était alors l’arrière droit du Club Bruges. » À l’entraînement, il était continuellement en mouvement, et on s’est directement aperçu qu’il avait une très bonne condition physique. Comme Gaëtan Englebert, il courait beaucoup, de manière naturelle. Il donnait l’impression de ne jamais s’arrêter. Il était très présent dans les exercices de possession du ballon et dans les petits matches, également. »
C’était la première saison du coach norvégien Trond Sollied. » Notre préparation n’avait pas été bonne, cette saison-là. Mais, lors du dernier match amical, on a battu le PSV 4-0 et le train était sur les rails « , raconte De Cock. » On a ensuite remporté quatorze matches d’affilée en championnat et en avril, Timmy était déjà international ! Il fallait le faire. Mais c’était logique, car il est rapidement devenu très important pour le Club, sous Sollied. Il était le prolongement de l’entraîneur sur le terrain, il comprenait toujours directement comment il fallait jouer, quelles étaient les lignes de course et à quel endroit il fallait exercer un pressing. Timmy n’était pas un grand parleur, mais il s’imposait comme un leader naturel. En donnant le bon exemple et en trouvant les mots justes, . Et grâce à sa position centrale en milieu de terrain, où il chassait le ballon. Lors de sa deuxième saison, il a déjà remporté le Soulier d’Or ! »
Il a continué à progresser au sein d’un bon Club de Bruges, poursuit De Cock. » Avec son mètre 86, il était relativement grand, mais il n’était ni le plus large, ni le plus costaud. Mais dans les duels, il ne se laissait pas marcher sur les pieds. Il était rapide et affichait sa présence dans toutes les parties du terrain. C’était une période magnifique, avec de nombreux matches de Ligue des Champions. À un moment donné, on a dû prendre deux voitures pour se rendre au rendez-vous de l’équipe nationale, tellement il y avait de joueurs brugeois sélectionnés « .
L’HOMME DES BONS CHOIX
» Ce qui a rendu Timmy tellement bon, c’est sa simplicité, son jeu de position, sa facilité de course, sa récupération du ballon, et le fait qu’en reconversion, il adressait toujours une passe vers l’avant, en éliminant d’un coup trois ou quatre adversaires « , continue De Cock. » C’était sa grande force. Il était capable d’exercer un pressing très haut, et surtout au bon moment et au bon endroit. Cela le rendait unique. Il n’avait peut-être pas la longue passe précise de Franky Van der Elst, mais il réagissait toujours très rapidement, était quasiment imbattable en un-contre-un. Aussi, il colmatait aussi les brèches sur les flancs. Sollied l’utilisait parfois comme défenseur central parce qu’avec lui, il osait jouer homme contre homme. Timmy était rapide sur l’homme, savait à quel moment il devait rester derrière et à quel moment il devait anticiper. Il effectuait toujours les bons choix. Mais dans l’entrejeu, il était encore plus important, car il était toujours disponible pour ses partenaires. Grâce à son intelligence, son jeu de position et ses courses, il parvenait toujours à se libérer. »
De Cock a joué cinq ans avec Simons et le fréquentait souvent en dehors des terrains. » Lorsqu’on remporte autant de succès avec le même coach, on devient davantage que des collègues. Nos femmes s’entendaient bien également, se donnaient rendez-vous avant le match et nous accompagnaient régulièrement en déplacement européen. On formait une chouette bande. Kathy, sa compagne, est très sociable et organisait souvent des activités. Lorsque mon père est décédé, Timmy et Gaëtan sont venus à la maison pour me soutenir. Ce n’est pas courant dans le monde du football. Je n’oublierai jamais ce qu’ils ont fait pour moi, dans ces moments pénibles. »
» Simons savait très bien ce qu’il était capable de faire et ce qu’il ne pouvait réaliser « , conclut De Cock. » Que ce soit sur ou en dehors du terrain, il faisait toujours dans la simplicité. Il était aussi très économe, il ne portait jamais de vêtements de marque et ne roulait pas dans une voiture de luxe. Timmy était quelqu’un d’origine modeste, qui donnait tout ce qu’il avait dans le ventre, sur et en dehors du pré. Sa femme gérait certaines de ses affaires. Plus tard, je l’ai encore croisé dans le secteur immobilier. Il suivait des cours alors qu’il était encore footballeur, à un âge où l’on a normalement besoin de plus de repos. Je me demandais parfois comment il parvenait à faire tout cela. Sa morphologie a bien sûr constitué un atout. Il n’a quasiment jamais été blessé, a joué jusqu’à 41 ans et, même à cet âge, il récupérait encore très vite. C’est presque incroyable. Chapeau ! Grand respect pour sa carrière. Je ne pense pas qu’il s’attendait à une telle carrière, lorsqu’il a débarqué au Club à 23 ans. »
UNE PARFAITE CONNAISSANCE DE SOI
Après cinq ans au Club Bruges, Timmy Simons part à l’étranger. Il devient titulaire au PSV Eindhoven et c’est lui qui tire les penalties. Il porte également le brassard de capitaine et remporte trois titres, ainsi qu’une Coupe, en cinq saisons aux Pays-Bas. Ensuite, il joue encore trois ans en Bundesliga, sous le maillot de Nuremberg. Pendant toutes ces années, il reste fidèle à son homme de confiance : Guy Bonny de l’agence Sportplus.
» C’est à Lommel que j’ai vu pour la première fois Timmy à l’oeuvre « , se souvient Bonny. » Daniel Nassen, qui était l’un de mes joueurs dans ce club, m’a averti : selon lui, j’avais intérêt à aller jeter un coup d’oeil sur l’un de ses coéquipiers, un certain Simons. Dans ce match à domicile, il a évolué comme stoppeur et ne s’est pas mal tiré d’affaire. Lors du match suivant, un déplacement au Standard, Yves Baré, un ancien international qui travaillait pour la même agence, m’a accompagné pour se forger également une opinion. Lommel a été battu sans appel et Timmy a beaucoup couru derrière le ballon, mais Yves était malgré tout convaincu par son potentiel et l’a mis sous contrat !
Techniquement, il n’était pas le plus doué, et il n’est pas davantage l’homme des grands discours, mais il a quand même revêtu à 94 reprises le maillot des Diables Rouges, surpassant largement des garçons bien plus talentueux. Timmy avait du caractère. Ce caractère, c’est à la maison qu’il se l’est forgé. La discipline, il connaît : prendre soin de son corps, se lever tôt, ne pas rester inactif. »
Il connaît parfaitement son corps, ce qui constitue aussi un atout, selon Bonny. » Sa grande qualité, c’est que comme demi défensif, il avait conscience de ses qualités et de ses limites. Il ne dribblait quasiment jamais. Il essayait de bien se positionner, d’être toujours disponible et de jouer en un temps. Il respectait une certaine hygiène de vie. Timmy n’est pas un ascète, loin de là, mais il ne touchait pas à une goutte d’alcool la veille d’un match. Il mangeait toujours équilibré et après l’entraînement, il faisait toujours une petite sieste d’une heure. Ça lui faisait du bien, disait-il. Timmy est inébranlable, et je suis persuadé que sa femme Kathy, qu’il connaît depuis sa période à Diest, a joué un rôle important dans sa carrière. À la maison, elle était aux petits soins pour lui. »
S’entraîner, rentrer à la maison, se reposer… Il a suivi la même routine pendant des années. » – Philippe Clement
TOUJOURS CAPITAINE
Au PSV et à Nuremberg, Simons a aussi laissé une forte impression, affirme Bonny. » À l’entraînement, il n’était jamais en queue de peloton. En Allemagne, où les footballeurs ont intérêt à avoir une bonne condition physique, ils étaient étonnés par la sienne. Il a joué 102 matches officiels d’affilée, sans blessure ni suspension. Cela reste un record en Bundesliga ! Timmy a été capitaine partout où il est passé. Il ne s’imposait pas par la parole, mais il avait quand même beaucoup d’impact dans le vestiaire. Il aimait que l’ordre règne, et lorsque c’était nécessaire, il veillait à le rétablir, mais sans fâcher personne. Trond Sollied disait toujours : Timmy peut jouer partout, même dans les plus grands clubs d’Europe. On voyait déjà à l’époque que Timmy ferait aussi un bon homme d’affaires. On menait les négociations ensemble, il connaissait très bien les enjeux et savait ce qu’il voulait. Il posait des exigences assez élevées, il trouvait ça normal avec les prestations qu’il livrait. Je n’ai pas été surpris lorsqu’il a profité d’une opportunité dans le secteur immobilier pour investir à Nuremberg. Depuis, il gère tout ça avec sa femme Kathy, qui continue à donner cours à Roulers alors que lui est consultant TV pour les matches européens et entraîneur des U16 du Club Bruges. Leur vie est bien remplie. Timmy a d’ailleurs l’ambition de devenir coach en D1, un jour. »
ET TOUJOURS CONCENTRÉ
Après cinq ans au PSV et trois à Nuremberg, Timmy Simons revient en 2013 au Club Bruges. Il a alors 37 ans. Philippe Clement, son ancien équipier dans la Venise du Nord et en sélection, faisait déjà partie du staff en tant qu’assistant de Michel Preud’homme. Trois ans plus tard, le Club redevient champion pour la première fois depuis que Simons l’a quitté en 2005. En 2018, ce dernier met un terme à sa carrière et rejoint le staff technique d’Ivan Leko, à 41 ans. Cette saison, il entraîne les U16 du Club et Clement est désormais le coach principal.
» Timmy était capable de jouer en fonction des autres joueurs, et ça ne lui posait aucun problème. Ce n’est pas donné à tout le monde « , affirme Clement. » La nature l’a doté d’un très bon corps et il en a toujours pris soin. C’est la raison pour laquelle il a rarement été blessé. Mais il était aussi capable de souffrir. À la fin de sa carrière surtout, il a longtemps joué avec une certaine douleur. Tous les jours, il a donné le meilleur de lui-même, sans jamais lever le pied. C’est exceptionnel. »
Simons aime la routine, poursuit Clement. » Il aime refaire tous les jours les mêmes gestes, aux mêmes heures. S’entraîner, rentrer à la maison, se reposer… Il a fait ça pendant des années. Il est aussi resté longtemps dans tous les clubs où il est passé. Timmy aime la stabilité. Après sa carrière, il a accepté une fonction ouverte au sein du staff, afin de pouvoir un peu toucher à tout. Mais avec Vincent Mannaert et Bart Verhaeghe, j’ai pu le convaincre qu’il avait peut-être intérêt à se laisser guider par sa propre inspiration, plutôt que de rejoindre un staff existant. S’il a l’ambition de devenir entraîneur, il doit découvrir les choses par lui-même et être obligé de prendre des décisions tout seul. Au début, il était un peu perdu, mais aujourd’hui il est très heureux d’avoir fait le pas. »
Simons a toujours été au top sur le plan mental et physique, reconnaît Clement. » De nombreuses personnes considèrent que le talent, c’est avoir de la technique et de la souplesse, mais avoir du talent, c’est aussi savoir se concentrer, et dans ce domaine, Timmy a toujours excellé. Rester en éveil, mieux prester sous la pression et travailler dur tous les jours : c’est ça aussi, le talent. Sur tous ces plans-là, Timmy fait partie des meilleurs. S’il a tenu le coup pendant vingt ans, c’est parce qu’il a toujours adoré jouer au football et qu’il avait le sentiment d’être entré dans une certaine routine. Il est arrivé au Club comme défenseur, mais il s’est blessé pendant la préparation et a dû rester sur la touche pendant quatre mois. Il est alors revenu comme milieu de terrain. Et comme il a directement brillé dans ce secteur, il y est resté. Même si il a parfois reculé pour jouer en défense. Il est très bon aux deux positions. Il aurait pu réaliser une carrière tout aussi longue comme défenseur. »
» Ce n’était pas un grand bavard « , se souvient Clement. » Mais, lorsque c’était nécessaire, il disait ce qu’il avait à dire. Il apprécie la vie de groupe, mais il prend aussi ses distances, car il a parfois besoin d’être seul. Il ne se livrera jamais tout à fait, même pas auprès des personnes qui lui sont proches. Il préfère écouter que parler. Il a besoin d’être occupé depuis tôt le matin jusque tard le soir. Kathy est aussi comme ça.
Timmy n’a jamais été un joueur à faire lever les foules, mais il était toujours l’un des premiers noms que l’entraîneur couchait sur la feuille de match, car il apportait de l’équilibre au sein de l’équipe. Il n’a jamais joué un non-match. Il savait à quel moment il était utile dans l’entrejeu et à quel moment il devait jouer derrière. Car il était capable de bien évaluer l’adversaire. Il perdait rarement le ballon. Tous les entraîneurs aiment avoir un joueur comme lui dans leur équipe. Finalement, on l’a repris malgré ses 37 ans, car on s’est rendu compte les saisons précédentes, à quel point il était difficile de trouver un joueur comme lui. Avec encore davantage d’expérience que lorsqu’il est parti, il était encore plus capable de s’évaluer lui-même et d’évaluer ses partenaires, et donc aussi de gérer encore mieux le vestiaire. Le plus étonnant, c’était de constater à quel point il avait conservé sa vitesse et son endurance, malgré l’âge. Je n’avais jamais vu ça de la part d’un autre joueur. C’est ce qui le rend unique. »
Vous avez élu Silvio Proto comme gardien de but ayant eu le plus d’impact sur la Jupiler Pro League entre 2000 et 2020. La semaine prochaine, un article lui sera consacré dans Sport/Foot Magazine.
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