Thomas Tuchel, l’entraîneur belliqueux
Lors du derby londonien entre Chelsea et Tottenham, Thomas Tuchel et Antonio Conte n’ont pas montré leur meilleur visage. Les deux hommes en sont venus aux mains après le coup de sifflet final de la rencontre. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que la personnalité compétitive de l’entraîneur allemand le fait entrer en conflit avec d’autres. Portrait d’un technicien qui est presque parti de partout au terme d’un conflit. Même si ce mercredi, c’est un résultat sportif décevant qui aura mis fin à son contrat avec Chelsea. Mais celui-ci cachait sans doute un problème plus profond.
Un homme exigeant
Lorsque Chelsea a fait appel à Thomas Tuchel il y a deux ans, après une demi-saison de résultats décevants sous la direction de Frank Lampard, les Londoniens savaient qu’ils engagaient un technicien qui traînait une fameuse réputation derrière lui. Un homme aussi perfectionniste qu’explosif et qui n’a pas toujours quitté ses précédents clubs en bons termes.
Tuchel a commencé sa carrière sur les bancs au sein de l’équipe U15 de Stuttgart, où il a été lancé par Ralf Rangnick, au début du XXIe siècle. Il y a notamment entraîné le joueur d’Eupen Andreas Beck, qui se souvient de Tuchel comme d’un homme exigeant, extrêmement compétitif et souvent furieux sur le banc de touche et dans le vestiaire lorsque les choses n’allaient pas dans son sens. Selon The Guardian, Tuchel a été licencié des équipes de jeunes du Vfb après quatre ans en raison de sa personnalité conflictuelle. Car sur le plan sportif, les résultats étaient plutôt très bons grâce à des méthodes de travail rigoureuses. Il était cependant devenu difficile de travailler avec une personnalité aussi difficile à gérer.
Le jeune technicien a cependant reçu une nouvelle chance avec l’équipe réserve d’Augsbourg. Il y a validé son diplôme d’entraîneur et a impressionné ses camarades de classe par sa discipline et sa connaissance du jeu. Cependant, les sautes d’humeur de Tuchel ont aussi laissé des traces chez les Fuggerstädter. Il était en colère contre les arbitres et recevait constamment des amendes. De plus, selon le directeur sportif Andreas Rettig, Tuchel était également frustré par le faible niveau d’Augsbourg. Lorsqu’il prend ensuite la relève d’un certain Jürgen Klopp à Mayence quelques années plus tard, ses idées tactiques prennent réellement forme sur le terrain. Son caractère strict se traduit par de belles performances pour le promu en Bundesliga.
Problèmes en dehors du terrain
Considéré comme un Klopp en devenir, Tuchel rejoint ensuite le Borussia Dortmund, où il doit à nouveau succéder à l’actuel entraîneur de Liverpool. Dans la ville industrielle de la Ruhr, il impressionne aussi les observateurs avec ses capacités tactiques et son professionnalisme à l’extrême. Les problèmes commenceront lorsque sa nature tenace et son incapacité à trouver des compromis entraîneront différents conflits au sein des Schwarz-Gelben. Il était par exemple constamment en désaccord sur la politique de transfert avec le PDG des Borussen, Hans-Joachim Watzke. Le club a vendu des joueurs qu’il voulait conserver et ne s’est pas débarrassé de ceux pour lesquels il ne voyait aucun avenir au Signal Iduna Park.
En coulisses, Tuchel est devenu un homme de plus en plus virulent qui laissait ses frustrations ressortir, et parfois même devant les médias. L’entraîneur allemand est aussi entré en conflit avec des cadres du BVB comme Roman Weidenfeller et Neven Subotic. Mais aussi une partie du staff, ce qui poussera le Borussia Dortmund à demander à Tuchel d’aller voir ailleurs au lendemain de la victoire en Coupe d’Allemagne, le premier trophée majeur de la carrière du coach. Watzke le décrira plus tard comme « une personnalité difficile à gérer. »
C’est l’histoire de Tuchel, qui se répètera encore au PSG. Il se brouillera avec le directeur technique Leonardo et des tensions apparaîtront avec Kylian Mbappé. Toujours à Paris, Tuchel était frustré par la politique de transferts et le peu de respect dont bénéficiait son équipe pour ses performances dans les compétitions nationales. Il a beau avoir mené le PSG à sa première finale de la Ligue des champions, ses querelles constantes avec la direction rendront de plus en plus difficile son travail sur le banc.
Ce n’est donc pas un hasard s’il a été licencié après avoir déclaré dans une interview controversée qu’il devait trop souvent faire face à des problèmes périphériques et à des compromis au PSG. « J’aime le football, mais au club, il n’y a pas que le football qui entre en ligne de compte. Il y a beaucoup d’influences à prendre en compte », a-t-il affirmé. Le directeur sportif du PSG, Leonardo, a quant à lui estimé que Thomas Tuchel « devait montrer plus de respect pour la hiérarchie au sein du club ».
Victime de sa trop forte personnalité ?
Lors de ses passages à Dortmund et à Paris, Tuchel s’est également forgé une mauvaise réputation en critiquant régulièrement lles arbitres. Une « ligne de conduite » qu’il a poursuivie à Chelsea, malgré de bons résultats à la tête des Blues. Ce fut encore le cas le week-end dernier, après son conflit avec Antonio Conte. Le coach de Chelsea a critiqué sans ménagement la prestation de l’arbitre Anthony Taylor devant la presse. Ces commentaires acerbes, combinés au carton rouge qu’il a reçu pour sa « poignée de main » avec Conte, devraient lui valoir une lourde sanction de la part des instances dirigeantes de la Premier League. Chelsea se serait bien passé de cette polémique après avoir vécu des semaines agitées lors de la reprise du club par un nouveau propriétaire. La presse anglaise parlait aussi beaucoup du caractère virulent de Tuchel depuis le match contre Tottenham. Son comportement semble à nouveau éclipser ses performances. Est-ce que de nouveaux remous sont à attendre du côté de Stamford Bridge ?
Finalement l’occasion aura fait le larron ce 6 septembre. Pour son entrée en campagne de Ligue des Champions, Chelsea se déplace au stade Maksimir de Zagreb pour y affronter le Dinamo local. Une rencontre a priori facile qui se transformera en véritable piège pour des Blues, incapables de se remettre du but de Mislav Orsic peu avant le quart d’heure.
Le lendemain, Chelsea annonçait le renvoi de l’entraîneur allemand. Une Ligue des champions, une Supercoupe d’Europe, un Mondial des Clubs remportés en l’espace de 20 mois n’auront donc pas suffi. La mémoire peut être bien sélective quand les relations humaines ne sont pas au beau fixe. Thomas Tuchel vient encore d’en faire la douloureuse expérience.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici