Tedesco et les Diables Rouges, c’est fini: cette équation insoluble qui a condamné l’entraîneur (analyse)
Domenico Tedesco était arrivé plein d’idées novatrices. Avec un plan plus important que les joueurs. Il s’est perdu dans les compromis, plombé par une défense jamais prête à supporter ses idées.
C’était le temps des certitudes. Avant ses premiers rendez-vous de l’année 2024, la Belgique de Domenico Tedesco n’a presque que des victoires sur le CV. Le successeur de Roberto Martínez s’est même offert le luxe de bomber le torse face au plus gros palmarès du pays, Thibaut Courtois, et a imposé la nouvelle norme de sélection en comité restreint plutôt que de se faire des amis en distribuant les bons points. Chez les suiveurs, tous louent alors sa cohérence. La ligne est claire comme celles d’Hergé, dont le musée est d’ailleurs choisi à propos pour annoncer, en mars dernier, la prolongation de son contrat jusqu’au terme de la Coupe du monde 2026. Le début des ennuis n’est pourtant pas bien loin.
Lire aussi | Et si on essayait de comprendre Thibaut Courtois?
Un match nul et vierge en Irlande, puis une victoire envolée dans les arrêts de jeu dans le majestueux cadre londonien de Wembley. Dans les deux cas, bien trop d’occasions concédées. Surtout face à l’Angleterre, où l’égalisation des locaux est encore plus méritée que tardive. «Bien sûr, c’est une des meilleures équipes d’Europe, mais on doit faire mieux que ça», souligne d’ailleurs un sélectionneur visiblement encore agacé par la performance plus de deux mois plus tard, lors de l’annonce de sa liste pour l’Euro. Pas de Koni De Winter, décevant en Irlande, mais un retour surprenant d’Axel Witsel, jamais présent dans les listes de Tedesco.
L’ancien chouchou des tribunes de Sclessin s’était d’ailleurs mis rapidement à la retraite internationale, évitant le déshonneur de non-sélections supplémentaires dans un milieu de terrain où son profil ne correspondait pas au plan. Là, c’est en défense que le sélectionneur semble vouloir compter sur lui. Parce que pour attaquer comme il le voudrait, Tedesco doit se trouver une défense plus solide. Dans l’autoproclamé «pays du compromis», l’Italo-Allemand semble désormais se plier aux coutumes locales.
Tedesco et les Diables Rouges, retour sur l’Euro des ego
La ligne claire est raturée. Brillant dans une défense à cinq dans son club, Witsel doit se glisser dans une base arrière à quatre, n’éclipse pas les doutes en amical contre le Monténégro puis se blesse. Tedesco ne rappelle personne, resserre les rangs, même quand Thomas Meunier déclare forfait à son tour alors que Jan Vertonghen est incertain. Rare satisfaction des matchs de préparation, Maxim De Cuyper semble s’imposer à l’arrière gauche, mais est mis sur le banc contre la Slovaquie pour faire place à Yannick Carrasco. Un ailier placé en défense et sur son mauvais pied, comme pour éviter de devoir faire un difficile choix d’ego entre l’intéressé et Jérémy Doku. Un peu plus d’un an après avoir écarté des noms ronflants pour faire place à son plan, Domenico Tedesco le jette à la poubelle pour emboîter maladroitement des noms comme on le ferait en dessinant une grille de mots croisés.
L’Euro est une succession d’erreurs tactiques et de pâles copies, conclu par un 4-4-2 sans saveur contre la France, où le plan semble seulement être de se recroqueviller sur son but pour éviter de concéder des occasions contre des Bleus qui ne parviennent pourtant pas à marquer depuis le début de l’été. La frappe déviée qui scelle le sort belge est une conséquence logique plutôt qu’un malheureux coup du sort. Là, tous pointent déjà Domenico Tedesco du doigt. Pourtant finaliste de Coupe d’Allemagne avec son précédent employeur, le coach semble s’être effondré sous la pression de l’événement. Etonnant? Roberto Martínez, bien plus chevronné, avait coutume de dire que le poste de sélectionneur avait un effet sous-estimé: «En équipe nationale, quand tu perds, tu as tout le pays sur le pas de ta porte.»
Tedesco et les Diables Rouges: l’équation insoluble
Un mea culpa plus tard, l’opportunité de reprendre les choses en main se présente au rendez-vous de la Ligue des Nations. Tedesco le promet: la Belgique de demain ressemblera à celle qu’il a en tête. Les caprices de Romelu Lukaku et de Kevin De Bruyne aident à mettre de l’ordre dans la hiérarchie, de même que la retraite internationale de Jan Vertonghen et les mises à l’écart tacites de Yannick Carrasco et Axel Witsel. L’heure est à la nouvelle génération et à la reconstruction.
Très vite, l’équation refait cependant surface. Si la Belgique décide de protéger une défense trop faible pour être exposée, elle subit son absence de penseur collectif et doit compter sur des exploits de son dribbleur Jérémy Doku pour entrer dans le camp adverse. Si elle décide, en revanche, d’associer ses meilleurs talents offensifs et de rendre ses matchs plus ouverts, la plaie défensive s’ouvre de façon spectaculaire et un capitaine furieux se lamente à juste titre face à la France, en constatant que personne n’est capable d’arrêter l’hémorragie.
Quand la Belgique ne marque plus
A l’image d’un Lukaku muet tout au long de l’Euro, la Belgique ne marque plus. Pire, elle multiplie les occasions concédées dès qu’elle tente d’être un peu plus entreprenante pour augmenter ses chances de faire trembler les filets. Le bref retour de Lukaku, brassard de capitaine au biceps quelques semaines après avoir publiquement raconté son spleen de l’équipe nationale, n’y change rien. Il oblige seulement Tedesco à faire un nouveau compromis, un mois après une courte défaite contre la France qui était l’une des sorties les plus cohérentes collectivement des deux dernières années diaboliques.
Contre Israël, pour ce qui sera la dernière sortie de l’ère Tedesco, tout a disparu. Les individualités de renom comme les plans collectifs. C’est sans Courtois, Witsel, Carrasco, Onana, Doku, De Bruyne et Lukaku que les Diables Rouges s’effondrent à Budapest. L’équation ne s’est jamais résolue. En deux ans, elle a peut-être même augmenté son nombre d’inconnues.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici