Sven Mary – Vincent Mannaert : Amitié, footgate et rivalité

Deux amis de plus de vingt ans. L’un est avocat, l’autre dirigeant. L’un est mauve, l’autre blauw en zwart. « Hormis des couleurs qui nous divisent, il a un une alchimie entre nous deux. Le foot, le même genre d’humour, et un même drive qui nous guide. » Rencontre.

Sven Mary avance timidement sur la pelouse du Club pour les besoins de la séance photo. Le célèbre avocat pénaliste, dont le nom s’est exporté à l’international suite à la défense de Salah Abdeslam, est en terrain ennemi. Si on le retrouve habituellement en tribune d’honneur désormais, son adolescence, il l’a passée dans le kop anderlechtois, après avoir été joueur du RSCA jusqu’en Juniors UEFA et avoir tâté la balle en D1 au futsal. Vincent Mannaert est aussi passé par l’école des jeunes d’Anderlecht. Le directeur général du Club, né en 1974, est de la génération des Herpoel, Peiremans, Jbari, alors que Sven Mary (né en 1972) a côtoyé les Crasson, Zetterberg, Walem, etc. Deux gauchers, plutôt techniques, qui se sont rencontrés plus tard sur les bancs de la fac, Mary ayant quelque peu traîné en route.

Lors d’une précédente interview, vous aviez déclaré que vous rêveriez de vivre pendant un an la vie de Vincent Mannaert. Vous n’avez pas changé d’avis ?

SVEN MARY : Non. Si je pouvais changer de carrière, j’aimerais avoir celle de Vincent. Je suis un peu jaloux même. Il fait tout ce que j’aime. Et je trouve fantastique ce qu’il a réalisé : l’université, avocat, l’encadrement de joueur, Zulte Waregem. Sauf qu’il n’a pas choisi le bon club après…. Quand tu viens de l’autoroute de Courtrai, tu peux prendre à droite ou à gauche. Il a choisi d’aller à gauche. Dommage. Mais dans mon entourage c’est la personne qui, à mes yeux, a fait la plus belle carrière.

En quoi le trouvez-vous brillant ?

MARY : Ça n’a rien à voir avec notre amitié. C’est son évolution qui est impressionnante. Aujourd’hui, il est dans un des plus gros clubs du pays, qui n’avait plus été champion depuis longtemps et qui a remporté deux titres sur les quatre dernières années. Avec ce qui rentre comme argent, ils ont assez pour recréer quelque chose. Au contraire de mon équipe où ils sont 38 (sic) qui doivent partir, et pour qui la demande n’est pas élevée. À Bruges, il faut voir les joueurs qui sont venus : Bacca, Danjuma, Izquierdo, Denswil, Vanaken, etc. Respect pour la carrière de Vincent. J’avais l’impression, quand on était à l’unif ensemble, qu’on ne savait pas trop quelle route on allait emprunter. Toi, tu le savais ?

VINCENT MANNAERT : Ce n’était pas clair. Quand je jouais encore à Alost, des coéquipiers comme De Bilde ou Vanderhaeghe venaient me voir pour que je vérifie leur contrat. Là, j’ai compris qu’il y avait quelque chose à faire. On parle d’une période où il n’y avait pas de spécialisation du droit du sport. On se trouvait dans un no man’s land. Mais ce qui se passait à l’étranger, me rendait optimiste. Et quand je suis arrivé comme directeur général à Zulte Waregem, fin 2006, je n’étais seulement que le huitième temps plein en Belgique à mon poste. La plupart des clubs étaient dirigés par des non-professionnels.

Comment percevez-vous la trajectoire de Sven Mary ?

MANNAERT : J’ai toujours eu le sentiment que Sven allait réussir parce qu’il va jusqu’au bout des choses. Il a ce côté against all odds (envers et contre tout). C’est un peu mon cas aussi. Beaucoup me disaient : fais les choses normalement et va travailler dans un bureau d’avocat ou dans le big five (grands cabinets de conseil, ndlr ), mais pas dans le foot. À Waregem, j’entendais souvent : tu bosses le week-end, mais tu fais quoi en semaine ? Sven a dû aussi se faire une place dans un monde très dur. Dans le foot, il y a un rapport aux couleurs. Chez Sven, il y a un contexte social, bien plus intense.

MARY : Un mois après les attentats de Bruxelles ( Sven Mary défend alors Salah Abdeslam, ndlr), je suis invité par Vincent à un match du Club. Je lui ai dit : Vincent,je ne vais pas venir. Le supporter ordinaire de Bruges sait que je suis supporter d’Anderlecht. J’ai toujours fait mon outing. Et les gens étaient en colère à cette période. Mais Vincent m’a dit : tu viens, je t’ai réservé une place. Je trouve ça incroyable. J’étais en tribune officielle alors que pour les 25.000 Brugeois, j’étais l’ennemi public numéro un. Mais Vincent m’a dit qu’il ferait en sorte que je puisse regarder le match tranquillement et repartir à mon aise. C’est ce qu’il s’est passé.

MANNAERT : On se connaît depuis l’unif, il est venu me voir à l’hôpital quand j’étais blessé. J’étais là comme ami pas comme avocat. Aurais-je fait le même choix que lui comme avocat ? Non. Tout le monde a tracé son propre chemin. Mais je me suis aussi dit : Allez copain, tu fais quoi ?

Par Thomas Bricmont

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