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Standard : chronique d’un échec

Si le Standard peut encore espérer sauter l’Antwerp et sauver les apparences, la campagne 2018-2019 n’aura été qu’une succession de désillusions. Avec comme conséquences de nouveaux chamboulements à tous les étages. Explications.

10 mai 2018. Après une première mi-temps délicate et brouillonne, le Standard s’impose sur la pelouse du Stade Constant Vanden Stock (1-3). Junior Edmilson (auteur de deux buts et un assist) et Mehdi Carcela sont les grands hommes de l’après-midi. Le Standard, lui, continue sa marche en avant et croit même au titre avant d’être stoppé, une semaine plus tard, dans son élan par le Club Bruges, sacré champion à Sclessin.

Ce 10 mai 2018, les scènes de joie liégeoises sont partout : sur le terrain, dans le parcage visiteur et dans la tribune d’honneur où le quatuor Locht-Grosjean-Venanzi-Renard sautille de concert. Un gimmick répété après chaque succès en play-offs. Et le Standard les enchaîne. Le club principautaire est l’équipe de cette fin de saison, après des mois tumultueux sous la gouverne du non moins tumultueux, Ricardo Sa Pinto.

Le Standard il y a tout juste un an : un hymne à la joie !
Le Standard il y a tout juste un an : un hymne à la joie !© belgaimage

Ce 10 mai 2018, avant de rejoindre les vestiaires, les joueurs et le staff prennent la pause devant des supporters qui fêtent ce succès en terre bruxelloise. Une scène rééditée dix jours plus tard à Charleroi devant des fans rouches bien en voix, venus saluer la très belle deuxième place de leurs favoris.

Ce 10 mai 2018, c’était il y a un an. Une éternité. Dimanche dernier, sur le coup de 16h30, la joie est bruxelloise. Ce Clasico du pauvre accouche d’un succès mauve glané au forceps. Devant des visiteurs sans âme, ni volonté. Tout a changé par rapport à il y a douze mois : les tribunes sont clairsemées, l’ambiance inexistante. Anderlecht court après son premier succès alors que le Standard continue de saloper ses play-offs, après avoir été humilié en Coupe de Belgique, et avoir fait illusion sur la scène européenne.

Lors des quinze dernières minutes de ce bien terne Anderlecht-Standard, les Rouches n’affichent aucun esprit de révolte alors que leur hôte joue à dix depuis la 11e minute. Le duo Preud’homme-Ferrera ne peut masquer son désarroi. Et son impuissance. Les joueurs ont lâché leur coach, les signes avant-coureurs ne datent pourtant pas d’hier.

Au micro de la RTBF, MPH se montre désabusé, avec une pincée d’ironie :  » Je crois qu’on ne doit pas trop parler aujourd’hui. Juste constater ce que nous avons montré et qui est insuffisant. On avait tout en main pour faire un bon match mais cela ne s’est pas passé. Je suis le responsable de cette défaite. Je suis même responsable de tout. Je dois mieux travailler pour que les joueurs prestent mieux.  »

Cette fois, Preud’homme n’accable pas ses propres joueurs, ne les rend pas responsables de tous les maux, mais pointe sa propre responsabilité. Tel un aveu de faiblesse devant une saison qui se termine en eau de boudin. Alors comment en est-on arrivé là alors que l’arrivée de MPH était annonciatrice d’ambition et de stabilité ?

Un staff face à son vestiaire

 » On connaît tous le travail qu’il a réalisé partout où il est passé. C’est la personne idéale pour restructurer le Standard comme il l’a fait dans d’autres clubs « , se réjouissait Bruno Venanzi dans les colonnes de Sud Presse, il y a un an.

Michel Preud’homme l’avait pourtant clamé : il va falloir s’armer de patience. Et cette question en filigrane : faut-il prolonger le travail du prédécesseur ou repartir d’une feuille blanche ? Le foot jugé peu orthodoxe de Sa Pinto n’est pas envisageable à long terme. La première option est donc rayée. Le début de saison est compliqué, malgré une belle seconde période face à l’Ajax à domicile lors du match aller sur la scène européenne.

En championnat, le Standard patauge et se fait sortir par Knokke au premier tour de la Coupe de Belgique. En novembre, quelques jours avant le match face à Courtrai, staff et joueurs tentent de rompre la glace. Les entraînements et le système tactique n’ont clairement pas les faveurs du groupe. Emilio Ferrera, sorte de T1 bis, est visé. Son devancier, Ricardo Sa Pinto, s’était aussi heurté au groupe de façon souvent frontale avant de tendre la main en janvier lors du stage hivernal, avec les résultats que l’on sait.

Dès l’été, Michel Preud’homme se rend compte qu’il n’a pas affaire au même vestiaire qu’à Bruges. Des fortes têtes mais pas de véritables pommes pourries comme du temps d’Aleksandar Jankovic. Mais des joueurs à qui l’on peut reprocher d’être trop vite satisfaits d’eux-mêmes.

La discussion pré-Courtrai est salvatrice puisque le Standard enchaîne les bons résultats et fait même tomber Séville en Europa League. MPH et ses multiples casquettes freinent ses voyages vers Bordeaux et est plus souvent visible du côté de l’Académie. Mais, depuis 2019, le ressort est à nouveau cassé.

La personnalité d’Emilio Ferrera fait régulièrement débat alors que ses partisans pointent sa maîtrise tactique. Ce dernier s’en explique dans nos colonnes :  » Je suis payé par le club pour faire des résultats mais aussi pour que la valeur du joueur devienne plus grande. Je ne pense pas qu’en ne faisant que des démarquages, on augmente la valeur d’un joueur. Quand tu veux avoir le ballon avec des joueurs qui ne sont pas habitués à cela, ça ne se fait pas du jour au lendemain. On veut le ballon et on assume les risques. Pour moi, les moyens pour arriver à une victoire sont plus importants que la victoire en elle-même.  »

Son pendant, Michel Preud’homme est plus pragmatique et table davantage sur les faiblesses adverses comme lors du plus beau succès de la saison face à Séville où les Rouches, via Moussa Djenepo, gagnent la bataille tactique en profitant de la relative lenteur des flancs andalous.

Mogi Bayat et les dégâts de janvier

Si le Standard a sauvé sa saison 2017-2018 grâce aux arrivées de Gojko Cimirot et Mehdi Carcela, le dernier mercato hivernal n’est pas du même acabit. Le Standard a besoin d’un attaquant mais aussi de liquidités après le refus de Preud’homme concernant les départs l’été dernier de plusieurs joueurs (dont une offre de huit millions pour Cimirot). Des négociations sont entamées avec Felipe Avenatti auquel le Standard s’intéressait déjà durant l’été mais le deal capote, Courtrai se montrant trop gourmand.

Dans les dernières heures du mercato, Bruno Venanzi attend une offre pour Razvan Marin, qui doit rééquilibrer des finances mal en point. Celle-ci n’arrive jamais. Mis de côté depuis l’été, alors que le club s’était opposé à son départ dans un premier temps, Uche Agbo part en prêt pour le Rayo Vallecano alors que le colosse, Christian Luyindama file au Galatasaray en échange de 3 millions d’euros (plus de cinq millions doivent être versés en cas de levée d’option du prêt).

Olivier Renard ne devrait pas faire de vieux os à Sclessin.
Olivier Renard ne devrait pas faire de vieux os à Sclessin.© belgaimage

Un joli montant supposé auquel il faut soustraire les 30 % à la revente vers l’ancien club de l’international congolais, le TP Mazembe, ainsi qu’un pourcentage vers son agent, Christophe Henrotay.

Au rayon arrivées, le seul Alen Halilovic débarque alors le club espère longtemps rapatrier Junior Edmilson que Preud’homme porte en très haute estime et qu’il aimerait voir revenir cet été. Son départ l’été dernier, pourtant attendu, créé une vive tension au sein de la direction. Le nouveau boss de Sclessin apprend le transfert quand le Belgo-Brésilien vient saluer le groupe.

Pour compenser le non-retour d’Edmilson cet hiver, Halilovic arrive en prêt pour une saison et demi du Milan AC. Un deal dans lequel tente de s’immiscer Herman Van Holsbeeck, avec l’aide d’Emilio Ferrera. Sans résultat. Mogi Bayat n’est pas loin et amène le jeune Nicolas Raskin, en provenance de Gand, et signe plusieurs joueurs à l’Académie. L’agent de joueur controversé tente aussi de transférer Paul-José Mpoku vers la MLS. Il est même aperçu au sein du bloc pro des joueurs, ce qui irrite bon nombre d’entre eux qui ne comprennent pas ce passe-droit et le font savoir auprès de la direction.

L’empreinte Bayat sur le club principautaire est grandissante. Il peut compter sur plusieurs relais, Michel Preud’homme évidemment, mais aussi Benjamin Nicaise, un team manager aux attributions bien plus grandes qui, par exemple, annonce dès janvier aux agents de Mehdi Carcela, que leur poulain peut se chercher un autre club et n’entre plus dans le projet Standard.

Aujourd’hui, Bruno Venanzi et Mogi Bayat marchent main dans la main. Et pourtant, lors du transfert d’Agbo, en juillet 2017, le président du Standard se faisait incendier par Bayat via message pour ne pas l’avoir inclus dans le deal. En guise de représailles, l’agent de joueur détourne Franko Andrijasevic de Sclessin et l’envoie à Gand. Les temps ont bien changé.

Plus rien ne se passe, ou presque, sans l’entremise de Bayat. En février dernier, Sport/Foot Magazine titre en Une :  » les nouveaux influenceurs du Standard  » avec une part belle faite à l’agent de joueur. On était finalement très loin du compte, Bayat est bien plus qu’un simple  » influenceur  » du côté de Sclessin.

Renard vers la sortie

Moussa Djenepo est le dernier gros coup en date. Mais les rumeurs d’une offre mirobolante ne signifient en rien un accord entre le joueur et le club. D’autant que ce dossier n’en est qu’à ses débuts.

Si Djenepo devait être vendu pour la somme annoncée lundi dans la presse (23 millions), c’est plus de 40 millions d’euros qui viendraient gonfler la trésorerie du club après les départs de Marin et de Luyindama (en cas de levée d’option). Un fameux afflux d’argent mais de lourdes pertes sportives.

L’annonce de l’offre de Southampton pour Djenepo intervient un peu plus d’un mois après que la direction du Standard a glissé à Sud Presse les informations concernant le départ de Razvan Marin pour l’Ajax en échange de 12 millions d’euros. Un timing étonnant, d’autant que le club amstellodamois n’est pas mis au courant de l’annonce et que le transfert n’est pas encore acté.

À cette période, le Standard n’est pas en ordre de licence et connaît des problèmes de liquidités. Plusieurs agents voient le versement de leur commission reportée (parfois pour de très petits montants) alors que les joueurs doivent attendre de voir leurs primes versées.

L’ex-directeur sportif rétrogradé au poste de directeur du recrutement, Olivier Renard, qui peut s’enorgueillir d’avoir notamment attiré Marin et Djenepo (avec l’entremise de son ancien bras droit, Christophe Lonnoy, qui a quitté le club en janvier), ne devrait plus faire de vieux os. Son pouvoir au sein du club a totalement disparu.

Après, durant l’été, s’être opposé à la venue de Lior Refaelov que désirait ardemment Michel Preud’homme, Renard a été au fil des mois de plus en plus isolé au sein du club. La venue d’Obbi Oulare dans les dernières heures du mercato est un autre cas d’école : alors que les agents du joueur se heurtaient au refus des plusieurs clubs (qui n’ont pas pour habitude de transférer un joueur blessé), le dossier a été rapidement ficelé quand Michel Preud’homme a invité Mogi Bayat à la table des négociations, les agents du joueur s’étonnant même de la rapidité de l’accord.

Mehdi Carcela se joue à la fois de Sven Kums et Adrien Trebel lors du récent clasico. La saison du maestro liégeois laisse toutefois un goût de trop peu.
Mehdi Carcela se joue à la fois de Sven Kums et Adrien Trebel lors du récent clasico. La saison du maestro liégeois laisse toutefois un goût de trop peu.© belgaimage

Placardisé ces deniers mois et compte tenu de la prise de pouvoir de Mogi Bayat, l’ex-directeur sportif devrait faire partie de la grande lessive de l’été. Exit Renard vraisemblablement mais aussi Carcela (dont la fracture avec le club a débuté dès l’été dernier), Mpoku, Memo Ochoa (qui devrait retourner en Espagne), ou Zinho Vanheusden, qui sera de plus en plus difficile à garder d’autant qu’au vu de la saison du Standard, l’Inter ne semble pas très enclin à prolonger l’aventure de son jeune défenseur au sein de notre championnat. À cela s’ajoute les indésirables de longue date comme Luis Pedro Cavanda.

Un Michel Preud'homme pensif : ce Standard de fin de saison ne recueille manifestement pas son adhésion.
Un Michel Preud’homme pensif : ce Standard de fin de saison ne recueille manifestement pas son adhésion.© belgaimage

 » L’an prochain, ce sera pire  »

Si le club pensait connaître enfin la stabilité depuis la prise de pouvoir de Michel Preud’homme, après des années de soubresaut, il n’en est rien. Bien au contraire. Le chaos qui règne en haut lieu a naturellement des répercussions jusque dans le vestiaire. L’un des rares joueurs à avoir sorti la tête de l’eau cette saison a même téléphoné aux plus belles promesses du club pour les inviter à quitter le navire dès cet été. Avec comme message :  » l’an prochain, ce sera pire « .

Les cadres aussi ont marqué leur ras-le-bol. Les blessés qui s’accumulent (Djenepo, Vanheusden, Collins Fai) dans le vestiaire n’arrangent rien à la morosité de la situation, d’autant que ces joueurs ont été diagnostiqués aptes à s’entraîner, malgré des douleurs qui se sont aggravées par la suite. La grave blessure de Vanheusden accentue encore un peu plus les dégâts entre les joueurs et le doc. Au sein même du staff, des tensions sont apparues. Le préparateur physique, Renaat Philippaerts a modérément apprécié qu’Emilio Ferrera contacte l’un de ses ex-collègues à Anderlecht pour venir renforcer la future structure  » Standard « .

Un Emilio Ferrera qui n’est pas toujours d’accord avec son supérieur et qui tape sur le même clou depuis plusieurs semaines afin que Maxime Lestienne prenne la place, au sein du onze de base, de Mehdi Carcela. Une décision finalement tombée lors du déplacement à l’Antwerp au lendemain d’une conférence de presse où MPH n’a pas hésité à égratigner l’enfant de Sclessin.

Autre problème de taille : la qualité des prestations de plusieurs joueurs (à l’image de Carcela), a fait chuter leur valeur marchande par rapport à il y a un. À Sclessin, le calme n’est que d’apparence. Les plus irréductibles des tribunes ne sont pas dupes. La direction prise par leur club est à l’opposé des valeurs qu’ils aiment véhiculer. La banderole déployée lors du match face à Waasland-Beveren sur laquelle on pouvait notamment lire  » Bayat not welcome  » est une fameuse indication.

Michel Preud’homme ne s’imaginait certainement pas devant un chantier d’une telle ampleur, d’autant qu’à 60 ans l’ex-coach du Club Bruges semble de plus en plus éreinté, ce qu’il reconnaît d’ailleurs publiquement sans fard.

Les joueurs ont, eux, trois journées pour arracher une troisième place qui sauverait les apparences. Devant l’état de délabrement du groupe, ça s’annonce compliqué.

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