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Standard : 10 year challenge

 » L’ambition est de redevenir le meilleur centre de formation de Belgique « . Voici pourquoi l’Académie n’avait plus le vent en poupe et comment le club veut redevenir un modèle du genre.

3 mai 2007, inauguration de l’académie Robert Louis-Dreyfus. Autour du traditionnel ruban rouge, qui s’apprête à être rompu, des politiques et sportifs s’agglutinent. On y retrouve Michel Daerden, Sergio Conceição, Robert Louis-Dreyfus, Alain Courtois, Lucien D’Onofrio et un gamin qui vient tout juste de fêter son sixième anniversaire, Nicolas Raskin, plus jeune joueur d’un centre de formation qui doit faire figure de référence en Belgique.

Tout est manifestement nickel à l'Académie.
Tout est manifestement nickel à l’Académie.© BELGAIMAGE

Deux ans plus tard, 24 mai 2009 à Sclessin, soir de test-matches, le Standard enchaîne son deuxième titre de rang face à des Anderlechtois qui digèrent assez mal cette apparente suprématie liégeoise. Au lendemain du sacre, Le Soir titre même :  » Le Standard a dix ans d’avance sur tout le football belge « . Prédiction n’est pas raison car depuis ce 24 mai 2009, le Standard attend toujours son onzième titre de champion.

Pourquoi cette longue attente ?

Comment en est-on arrivé là alors que l’Académie Robert Louis-Dreyfus, modèle de formation tant au niveau de son infrastructure que de son matériel humain, ringardisait la concurrence ? Le label jeune et rouche devait logiquement pérenniser le Standard au sommet de notre football.

Après les années houleuses sous Roland Duchâtelet, un début de règne orageux pour Bruno Venanzi, c’est tout un club qui a retrouvé le sourire depuis la remontada héroïque en play-offs alors que l’arrivée de Michel Preud’homme doit stabiliser le club à tous les étages. Mais le travail est encore long avant de retrouver la gloire d’il y a dix ans. Surtout à l’Académie.

Le 17 septembre dernier, devant un parterre important d’observateurs dont faisait partie le duo Michel Preud’homme- Emilio Ferrera, les U21 du Standard reçoivent une véritable leçon de leurs homologues Anderlechtois. Les jeunes mauves, emmenés par un Yari Verschaeren étincelant, s’amusent avec des jeunes Rouches pourtant renforcés par quelques joueurs de l’équipe première. Résultat final : 0-4.

La claque est d’envergure et symbolise la différence de niveau entre les deux formations. Quelques mois plus tôt, même constat. Sous un froid glacial, les U21 mauve et blanc, coachés alors par Emilio Ferrera, balayent le rival liégeois sous le regard du nouveau propriétaire, Marc Coucke.

Des consignes d’en haut

L’Académie est-elle devenue désuète et peu productive ces dernières années ? En tout cas, l’écrin du Sart-Tilman ne jouit plus du même éclat. Le centre de formation du Standard a souffert ces dernières années d’un problème d’image et structurel. Le licenciement de Christophe Dessy, directeur du centre de formation entre 2004 et 2007, puis entre 2012 et 2016, allait être le marqueur du manque de liant entre la formation, le groupe pro et la direction.

Quelque semaines avant son renvoi, Dessy nous avait accordé une interview sous forme de ras-le-bol. L’ex-directeur du centre de formation se disait abandonné par ses supérieurs, lui que l’on rendait responsable de la fuite de la fameuse génération 99′, dont le club espérait qu’elle rapporte gros sportivement et financièrement.

C’est aussi l’époque de Daniel Van Buyten et de sa figure tutélaire, l’agent Christophe Henrotay, qui avait mis la main sur quelques belles pièces de l’Académie et dont l’entregent rappelle celui de l’agent, Dudu Dahan, époque Duchâtelet- Guy Luzon. Pour rappel, les frères Ryan et Samy Mmaee s’étaient tous deux retrouvés dans le noyau pro après avoir signé avec l’agent israélien.

Les jeunes Rouches dans les vestiaires.
Les jeunes Rouches dans les vestiaires.© BELGAIMAGE

Au rayon traitement de faveur, il y a le cas Jérôme Deom (milieu de terrain de seulement 17 ans et dont l’agent est Christophe Henrotay) qui, le 7 mai 2016, face à Waasland-Beveren en PO2, reçoit ses premières minutes en pros. La consigne vient alors d’en haut : Jérôme doit passer au moins quinze minutes sur la pelouse.  » Comme par hasard, ce soir-là, plusieurs parents de joueurs sont invités en tribune d’honneur « , se rappelle Axel Lawarée.  » C’était un fameux signal envoyé…  »

Deux mondes éloignés

Play-offs 2, tribunes vides, Académie sans ligne de conduite, le club principautaire ressemble à un bateau ivre. Un peu moins de deux ans après avoir été intronisé président du Standard, Bruno Venanzi reconnaît dans nos colonnes :  » À l’Académie, chacun décidait dans son coin. Et ça donnait lieu à des situations complètement loufoques. Mais on se structure petit à petit.  »

Aujourd’hui, le Standard de MPH sent bon l’Académie, puisqu’ils sont nombreux au sein du noyau pro à être un jour passés par le centre de formation du Sart-Tilman. Mais aucun élément – hormis Moussa Djenepo, qui est resté moins d’un an chez les jeunes, William Balikwisha (moins de 15 minutes en championnat) et dans une moindre mesure, les anciens Réginal Goreux, Mehdi Carcela, voire Jean-François Gillet – n’est passé de l’Académie au noyau A, sans prendre d’autres chemins.

Un bijou dans un écrin de verdure.
Un bijou dans un écrin de verdure.© BELGAIMAGE

 » Fin de l’année 2017, à la demande de Bruno Venanzi, j’ai effectué un audit interne de l’Académie au niveau financier et de son fonctionnement. Et, suite à cela, le président m’a demandé de superviser le fonctionnement de l’Académie « , explique Pierre Locht ( voir parcours en cadre) directeur de la formation rouche depuis janvier 2018.

 » L’idée n’était pas de remplacer les gens en place mais de permettre une communication plus directe et efficace entre l’Académie et les membres de la direction « , poursuit Locht, également membre du Comité exécutif du club principautaire.

 » Je reconnais qu’il était difficile de remonter les informations de l’Académie jusqu’à la direction. Suite à la reprise, Bruno Venanzi s’était surtout concentré sur la situation de la Première. Il y avait une forme d’état d’urgence. Et cette situation rendait les prises de décision au niveau des jeunes difficiles. La formation est un milieu où il y a beaucoup de rumeurs, de ouï-dire, alimentés par des agents qui nous disaient qu’à l’Académie c’était le bordel, sans que cela ne soit toujours fondé.  »

Le péril jeune

 » Une des raisons, c’est l’instabilité qui y régnait au niveau des décideurs « , reconnaît Pierre Locht.  » Et je suis convaincu qu’à l’Académie bien plus qu’ailleurs, la stabilité est un gage de résultats.  »

Les départs conjugués, au printemps 2015, des Zino Vanheusden (Inter Milan), Adrien Bongiovanni (Monaco), Thibaud Verlinden (Stoke City), Ilias Moutha-Sebtaoui (Manchester United), tous issus de la fameuse génération 99′, vont être vécus difficilement par tout un club.

 » Ils étaient très sollicités. Et on n’a pas réussi à les convaincre du projet, on n’a pas pris assez conscience du changement qui s’opérait au niveau national. La Belgique était devenue bankable et un exemple en matière de formation grâce aux succès des Diables « , analyse Pierre Locht après coup.

Âgé de seulement 15 ans, Zinho Vanheusden s’entraîne pourtant avec la Première, dispute même un match amical avec les pros, suit des entraînements spécifiques sous la conduite du préparateur physique, Carlos Rodriguez, mais l’appétit du joueur et de son entourage semblent trop important.

Pierre Locht :  » Le père m’a dit qu’on avait réagi un peu trop tard. Aujourd’hui, il faut montrer des signaux très tôt et c’est un équilibre difficile à trouver.  »

Politique-panique

Suite à la fuite des talents de la génération ’99, le Standard veut mettre fin à l’exode et semble prêt à tout. En mars 2017, le jeune Anaxis Dinsifwa reçoit dès l’âge de 16 ans un contrat pro, deux mois après être parti en stage avec l’équipe-fanion.

Les rumeurs et les pressions de son agent, qui mettait dans la balance l’intérêt prononcé de Manchester City pour le jeune milieu de terrain, associés à la crainte de perdre un énième talent, font perdre les pédales à la direction qui allonge les billets pour un gamin qui aujourd’hui n’a pas encore fait son trou en U21.

Même cas de figure pour les frères Patoulidis, qui débarquent en droite ligne d’Anderlecht et symbolisent une forme de revanche de l’Académie sur Neerpede. Sauf que là aussi, le club principautaire perd quelque peu les pédales et offre un contrat sous forme de porte-fort xxl à la fratrie.

 » À la suite du pillage des 99′, il y a sûrement une réaction de panique de la part de la direction « , reconnaît Pierre Locht.  » Et le manque de structure et de stabilité a été exploité par des personnes extérieures au club. Depuis un an, la donne a changé, nous ne fonctionnons plus sous forme de one shot.  »

Face aux agents qui pullulent autour des terrains de jeunes, le Standard ne compte pas faire la guerre. Un seul est aujourd’hui blacklisté. Les autres sont (jusqu’à preuve du contraire) les bienvenus.

 » Mais je ne veux plus voir de privilèges accordés à certains agents, entendre qu’il faut tel agent pour signer au Standard, comme ça a pu être le cas par le passé. Tant que je serai là, ça n’arrivera pas « , assure Locht.

La guerre du G5

Le Standard est-il largué par la concurrence ou seulement à la traîne par rapport aux meilleurs ?  » Si on fait un bilan comparatif de toutes les séries chez les jeunes, Genk et Anderlecht squattent les deux premières places, nous sommes troisièmes et Bruges nous suit de près.  »

Rien de très alarmant, donc, même si Genk et Anderlecht ont pris une belle avance.  » Quand j’ai pris mes fonctions en janvier 2018, j’ai remarqué qu’il n’y avait plus de cellule de recrutement efficace au niveau des jeunes « , poursuit Locht.  » Cette saison, elle a été mise en place ce qui nous a permis de finaliser l’arrivée de plusieurs recrues qui viendront nous renforcer dès la saison prochaine. Des vraies plus-values issues notamment de clubs du G5.  »

Gentleman’s agreement bonjour ?  » Une réforme avait été prise par la Pro League interdisant qu’on se pique des jeunes en dessous de 17 ans. On était très partisan de ça. Mais on a très vite constaté que la réforme en question n’était pas respectée par les autres clubs. Un de nos jeunes de 13 ans est parti à Genk par exemple. Ça ne sert donc à rien d’être plus catholique que le pape.  »

Porte-fort, bolides offerts aux parents, la surenchère ne date pas d’hier entre les clubs de l’élite pour s’accaparer les meilleurs jeunes. Tout le monde s’y est mis, même si Anderlecht, voire Gand le temps de quelques excès, a longtemps détenu la palme. Avec à la clef de rares réussites.

 » Raisonner les parents sous forme d’un programme de sensibilisation et d’information, c’est ce que je voudrais mettre en place dès la saison prochaine « , dit Locht.  » C’est la clef car ce sont eux qui ont la main. Je voudrais aussi augmenter le budget au niveau de l’encadrement matériel humain et diminuer ce que l’on donne aux joueurs.

De nombreux parents se rendent comptent aujourd’hui du grand nombre d’échecs des jeunes Belges partis très tôt à l’étranger. En mars de l’année dernière, on avait organisé une journée d’information à laquelle Roberto Martinez avait été convié. Le sélectionneur a dit aux parents que si un club anglais était intéressé par leur fils, il fallait exiger de rencontrer l’entraîneur de l’équipe première.

Et que si lors de cette rencontre, vous vous rendez compte que le coach connaît réellement votre fils, ça peut valoir le coup. Si ce n’est pas le cas, ça voudra dire qu’il ne sera qu’un numéro parmi tant d’autres. Quand Martinez le dit, ça a un réel impact auprès des parents. De notre côté, on ne va pas plus se mettre à genoux pour garder un joueur. Face à des attitudes déraisonnables, ça ne sert de toute façon à rien.  »

Pierre Locht :
Pierre Locht :  » Je ne veux plus voir de privilèges accordés à certains agents, entendre qu’il faut tel agent pour signer au Standard, comme ça a pu être le cas par le passé. « © BELGAIMAGE

Pierre Locht, de team manager à directeur

 » J’étais à la bibliothèque, j’avais la flemme d’étudier, et j’ai envoyé mon cv à direction@standard.be « , se remémore Pierre Locht, avocat de formation passé par l’université de Namur puis de Leuven.  » Coup de bol, le team manager en place avait décidé d’arrêter et Pierre François m’a convié. Il était intéressé par mon profil : j’avais les langues et j’étais jeune. Je n’avais pas envie de faire avocat après mes études mais j’étais intéressé par les institutions européennes, je pensais même intégrer le Collège d’Europe. J’ai hésité.

D’un côté, je savais que je pourrais peut-être regretter un jour de ne pas poursuivre la formation ; de l’autre, j’étais sûr qu’un jour j’allais regretter de ne pas rejoindre le club dont j’étais supporter. Lors de mon entrée en fonction, j’avais la tête dans les étoiles, j’avais mon bureau en face du vestiaire des joueurs pros. Mais j’ai vite déchanté car j’avais pas mal de situations rocambolesques à gérer.

Les joueurs de foot ne sont pas toujours des profils faciles mais ça s’est bien passé. Je me rappelle du cas Imoh Ezekiel, dont je me suis beaucoup occupé. Il avait raté son test à Bruges, et c’était très compliqué pour lui à ses débuts au Standard. Après chaque entraînement, il passait par mon bureau et se mettait à pleurer. Il ne comprenait pas pourquoi il recevait tant de coups de Kanu ou de Felipe aux entraînements. Un petit gamin qui court partout, ça les énervait.

Un an plus tard, Pierre François est parti, et Roland Duchâtelet a demandé si quelqu’un pouvait reprendre les tâches juridiques. Je n’ai pas voulu laisser passer ma chance et j’ai combiné le rôle de team manager, celui de press officer, avec quelques dossiers juridiques. Puis est arrivé Bruno Venanzi, qui m’avait dit quelques mois avant l’annonce officielle qu’il allait reprendre le club.

C’était une période où je pensais arrêter mon job au Standard car j’arrivais en bout de cycle. Bruno m’a alors proposé le poste de directeur juridique. Aujourd’hui, je ne m’occupe plus que de l’aspect  » juridique et sportif  » (validation des contrats de joueurs ou transferts, défense devant la commission des litiges, etc.) et de superviser l’Académie et le Standard Femina. C’est vrai qu’à 30 ans, c’est une belle marque de reconnaissance du président « , conclut l’acquitator de Mehdi Carcela, également administrateur et membre du Comité exécutif du Standard.

L’influence d’Emilio Ferrera

Parmi les prérogatives de Michel Preudhomme liées à son retour en Cité Ardente, il y avait celle de rebâtir une passerelle entre le noyau pro et les jeunes, passerelle quasiment inexistante la saison dernière. L’arrivée d’ Emilio Ferrera au Standard allait en ce sens, même si sa principale occupation reste le coaching aux entraînements et la mise en place tactique du groupe pro.

À l’image de ce qu’il aurait aimé faire l’an dernier à Anderlecht, où des tensions sont rapidement apparues avec d’autres membres du club (dirigeants et coaches), Emilio Ferrera s’occupe aujourd’hui de coordonner l’Académie, tout en étant la personne de relais entre les jeunes et les pros. En très peu de temps, le coach belgo-espagnol y a imposé ses vues et ses préceptes.

 » Il nous a apporté une méthodologie de travail et un style de jeu que l’on retrouve dans toutes les équipes de jeunes des U13 aux U21 « , confirme Pierre Locht.  » Les entraîneurs de jeunes sont très positifs par rapport à son apport car il y a maintenant une réelle ligne de conduite. Même si ça n’a pas été facile à mettre en place car on n’avait pas toujours les joueurs pour évoluer dans ce système.  »

Est-ce que Ferrera et ses racines bruxelloises vont dénaturer l’ADN Standard ?  » Sa philosophie de jeu impose un pressing très haut, homme contre homme derrière, ce qui correspond à notre identité. On construit de derrière, et ça met nos défenseurs davantage en difficulté car ça les expose davantage.  »

Le bras droit de MPH, dont le discours et l’attitude ont souvent du mal à passer auprès des pros, va-t-il faire un pas de côté pour diriger l’Académie ? L’intéressé n’est en tout cas certainement pas opposé à imposer davantage sa griffe à moyen terme.

Le préparateur physique des pros, Renaat Philippaerts, va lui aussi développer une méthodologie en terme de préparation physique, qui ira des plus petits aux plus grands.

Pierre Locht :  » Le but de cette nouvelle façon de travailler est que les jeunes possèdent les caractéristiques nécessaires quand ils viendront frapper à la porte du staff pro. Et cette méthodologie doit perdurer pendant plusieurs années, même en cas de bouleversements dans le staff pro. Avec Thierry Verjans (Directeur sportif), Ingrid Vanherle (Directrice opérationnelle), Jean Wuidard (Directeur de l’école de foot des U8 aux U12) et Maxime Filot (Directeur réseau clubs partenaires), nous formons une équipe très motivée pour atteindre cet objectif. En outre, l’Académie regorge d’entraîneurs, de délégués et de membres du personnel passionnés, prêts à mettre leurs compétences au service de ce projet. Cela me rend particulièrement confiant pour l’avenir. « 

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