Roberto Martinez a fait taire une bonne partie des critiques au Portugal. © IMAGO/Maciej Rogowski

Sans-faute, cours de langue et Ronaldo: comment Roberto Martinez a séduit le Portugal

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Critiqué à son arrivée, Roberto Martinez est parvenu à apaiser les critiques portugaises. Il sera toutefois attendu au tournant à l’Euro.

Les premiers regards se font avec les sourcils froncés. Quotidien sportif le plus influent du pays, A Bola sonde ses lecteurs pour connaître leur avis, et le résultat est massivement négatif. Le 9 janvier 2023, alors que la fédération vient d’annoncer que Roberto Martinez succèdera à Fernando Santos à la tête de la Seleção, 75% des sondés le jugent comme un mauvais choix. L’ancien homme fort des Diables rouges, éliminé dès la phase de poules du Mondial qatari un peu plus d’un mois plus tôt, est alors loin de débarquer en terrain conquis. C’est pourtant dans la peau de l’un des trois grands favoris de la compétition, aux côtés de la France et de l’Angleterre, que le Portugal posera les crampons en Allemagne.

Comment le Catalan a-t-il inversé la situation et rendu le sourire aux Portugais à l’approche de l’été allemand?

Il a battu tous les records

C’est une bonne habitude pour Roberto Martinez, toujours invaincu en quatre campagnes qualificatives pour des grands tournois et à la tête d’un bilan de 35 victoires et trois matches nuls dans l’exercice. Sur la route de l’Euro, le sélectionneur fait encore mieux, puisque ses dix victoires en dix matches avec la Belgique ont été imitées avec le Portugal. Le tout avec 36 buts inscrits et neuf duels conclus sans encaisser le moindre but.

Certes, les adversaires les plus redoutables étaient seulement la Slovaquie et le Luxembourg, mais les chiffres restent de nature à mettre tout le monde d’accord. Jamais le Portugal n’avait connu une campagne qualificative aussi aboutie, et Martinez a donc fait honneur à sa réputation de « champion du monde des qualifications » dont parlait abondamment la presse portugaise au fil des victoires. Gagner reste le meilleur moyen de se faire adopter.

Il a (vraiment) appris le portugais

Rarement confiée à un étranger (seuls deux Brésiliens avaient eu cet honneur avant Roberto Martinez), la Seleção n’avait jamais été dirigée par un entraineur non-lusophone. Le scepticisme était donc de mise quand l’équipe a été mise entre les mains d’un espagnol. Un pays avec lequel le Portugais moyen entretient une relation semblable à celle qui lie les Wallons au grand voisin français. Sur les côtes atlantiques, on évoque souvent les Espagnols avec mépris, critiquant leur condescendance qui les amène à parler castillan lors de leurs séjours au Portugal, sachant qu’ils seront tout de même compris par les locaux.

Très vite, Roberto Martinez s’est exprimé en portugais, ou plutôt en ce que les Portugais appellent « le portuñol », une langue parsemée de trop nombreux mots venus du castillan. Avec des excuses, et la promesse de prendre des cours. Filmés par la fédération dans la campagne de séduction, ils ont porté leurs fruits puisque tout le pays salue désormais la langue impeccable dans laquelle s’exprime le sélectionneur.

Martinez et Ronaldo

Sur le terrain, le cas qui retenait l’attention des Portugais était celui de Cristiano Ronaldo, mis sur le banc au coup d’envoi du quart de finale contre le Maroc lors de la Coupe du monde. L’arrivée d’un nouveau patron à la tête de la sélection, de surcroît étranger et donc a priori épargné du culte national autour du numéro 7, allait-elle pousser l’attaquant parti finir sa carrière dans le Golfe vers la porte de sortie?

Dès le mois de mars, la première liste de 26 noms épelée par Roberto Martinez donne une réponse ferme: les vétérans Pepe et Ronaldo sont de la partie malgré leur approche de la quarantaine. « Je ne regarde pas l’âge », justifie d’emblée le Catalan, qui valorise publiquement les performances statistiques exceptionnelles de son attaquant vedette sans trop les remettre en perspective avec le niveau du championnat qu’il dispute. Si chez les suiveurs, certaines voix s’élèvent pour déplorer le maintien des anciens alors qu’une génération très prometteuse pointe le bout de son nez, la prise de position est appréciée dans le vestiaire où le poids symbolique de Cristiano Ronaldo est encore très important.

Très vite, Roberto Martinez a confié d’importantes responsabilités à Cristiano Ronaldo. © IMAGO/Sports Press Photo

En fin politicien dans sa gestion de groupe, Martinez l’a rapidement compris, et met le papy-buteur au centre de son projet pour lui permettre de franchir la barre des 200 sélections sous le maillot portugais. Comme à son habitude, CR7 remercie avec des buts: dix, marqués en autant de rencontres disputées sous les ordres de Martinez et avec le brassard de capitaine au bras. Au Portugal, on raconte désormais que le vestiaire est lui aussi conquis.

Enfin conclure, le grand défi de Martinez

Les proches du sélectionneur le disent serein face à ce défi de l’Euro, lui qui peut désormais compter sur l’expérience de trois grands tournois internationaux dans le rétroviseur. Roberto Martinez se sait toutefois attendu, l’histoire ayant plus volontiers retenu ses éliminations en phase finale contre la France ou l’Italie que ses succès face au Brésil et au Portugal lors des duels précédents. Personne, dans sa nouvelle patrie d’adoption, ne doutait de l’efficacité du champion du monde des qualifications sur la route vers l’Allemagne, mais tous l’attendent au tournant dès les premiers mètres sur les pelouses allemandes pour se faire un avis définitif sur les bienfaits de son règne.

Là encore, c’est le cas de Cristiano Ronaldo qui risque de servir de symbole. Buteur régulier face aux modestes adversaires de la campagne qualificative, l’attaquant d’Al-Nassr est fustigé au pays pour son incapacité à briller dans les grands rendez-vous qui se dressent sur la route du Portugal ces dernières années. Ses détracteurs aiment ainsi rappeler que son but en demi-finale de l’Euro 2016, quand il avait mis la Seleção sur orbite contre les Gallois de Gareth Bale, est le seul qu’il a inscrit dans un match à élimination directe lors d’un grand tournoi depuis douze ans. Roberto Martinez parviendra-t-il à mettre Ronaldo dans les conditions idéales pour que cette longue série prenne fin, lui qui est réputé pour mettre son buteur-clé dans les conditions les plus propices possibles grâce à son système de jeu? Ou pourra-t-il quitter son costume de politicien pour mettre son capitaine sur le banc dans les matches qui ne conviennent plus à ses qualités? S’il répond positivement à ces deux questions, tout le monde au Portugal aura sans doute complètement oublié que le sélectionneur est un espagnol.

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