Pour le nouveau coach, «il faut arrêter de parler de cette génération de 2012-2022 qui n’est plus». © BELGA PHOTO ERIC LALMAND

Rudi Garcia: ces 6 phrases qui donnent de gros indices sur l’avenir des Diables

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Rudi Garcia a annoncé son premier groupe de 26 Diables Rouges pour la double confrontation contre l’Ukraine. L’occasion de lire dans ses mots des indices sur la Belgique du futur.

La communication est loin d’être une question d’improvisation pour Rudi Garcia. Le Français est réputé pour sa gouaille, et la conférence de presse entourant sa première sélection n’a fait que le confirmer. Lorsqu’il prend la parole, le nouveau sélectionneur détaille les raisons de la présence de 26 joueurs dont quatre gardiens dans la liste qu’il va dévoiler, puis précise en souriant qu’il fait tous les efforts possibles pour prononcer les noms néerlandophones de la meilleure des manières. L’opération séduction a lieu en français, y compris quand il faut retisser le lien avec les supporters en rencontrant l’un des symboles des tribunes, le célèbre «Obelgix», en marge de cette rencontre avec les médias.

Des 26 noms cités par Rudi Garcia au discours servi en justification, les mots semblent avoir trouvé leur cible dans l’auditorium du centre national de Tubize. Même l’éventuelle problématique du retour de Thibaut Courtois a été balayée dans un mélange de clarté et de fermeté. Au cœur de mots si minutieusement choisis, il est forcément plus simple de déceler des indices qui esquissent les Diables Rouges du futur. En six phrases, le nouveau sélectionneur de la Belgique a glissé les fils conducteurs de son début de mandat.

1. «Je n’ai pas du tout regardé ce qui s’était fait avant»

Au moment de justifier les noms placés sur sa liste, Rudi Garcia a systématiquement rejeté les regards dans le rétroviseur. Pas d’allusion aux noms de retour dans la sélection après avoir été laissés de côté par Domenico Tedesco, et une ferme affirmation autour de la génération dorée: «Il faut arrêter de parler de cette génération de 2012-2022 qui n’est plus», glisse ainsi le Français pour se tourner vers le futur. Dans sa liste de 26 noms, il est ainsi parvenu à placer six joueurs qui n’avaient pas reçu la moindre minute de jeu sous les ordres de son prédécesseur. Presque une prouesse, quand on sait que l’Italo-Allemand avait utilisé 45 joueurs, dont certains avec une très grande parcimonie puisque seize d’entre eux avaient joué moins de 90 minutes.

En plus des retours de Brandon Mechele et Hans Vanaken (ce dernier ayant été repris, mais pas utilisé par Tedesco), Garcia a ouvert les portes de la sélection à Nicolas Raskin, Senne Lammens, Bryan Heynen et surtout au jeune Jorthy Mokio. Entre retraite, blessures et choix du coach, on note ainsi que dix des 25 joueurs sélectionnés par Domenico Tedesco pour l’Euro allemand de l’été dernier ne font pas partie de la première liste de son successeur. Quasi une nouvelle révolution, deux ans à peine après celle posée à la suite du départ de Roberto Martínez.

2. «On veut des joueurs investis à 100% pour la Belgique et pour le maillot»

Pas de Konstantinos Karétsas sur la liste de Rudi Garcia. Le sélectionneur a pourtant admis, à demi-mot, qu’il aurait fait partie de son groupe s’il avait choisi de représenter la Belgique plutôt que la Grèce. Sa tentative de botter en touche sur le débat des binationaux, d’actualité après les décisions du joueur de Genk mais aussi de l’ailier brugeois Chemsdine Talbi (qui a choisi le Maroc), lui a finalement offert l’opportunité de placer l’un des fils rouges de son travail à la tête des Diables: recréer l’amour du maillot et la passion de la sélection qui semblaient disparus depuis de longs mois. Comme Romelu Lukaku, qui l’avait déclaré dans un podcast, beaucoup paraissaient avoir «perdu la flamme» de la tunique diabolique.

Vouloir porter le maillot des Diables est l’un des critères majeurs énoncés par Rudi Garcia pour faire partie de l’aventure. «J’attache beaucoup d’importance à la fibre patriotique. Vous devez venir en courant ou à pied. Peut-être pas de MLS (NDLR: la ligue américaine) parce que ça fait un peu loin, mais c’est une fierté de pouvoir jouer pour son pays», a-t-il ainsi affirmé. Dans les couloirs de la Fédération, on dit qu’il a ouvert de grands yeux quand il a constaté l’équipe avec laquelle la Belgique s’était rendue en Israël pour le dernier match de Ligue des Nations. Ce sera le point de départ de son approche, pour réconcilier le public avec les Diables trop robotiques de la deuxième année de la courte ère Tedesco. Ce n’est pas un hasard si c’est cette déclaration qui a été abondamment relayée sur les réseaux sociaux de la Fédération et des Diables Rouges dans la foulée de la conférence de presse: la réconciliation avec le public passe par là.

3. «Le capitaine doit être un des premiers à parler à la presse quand il s’agit d’assumer ses devoirs médiatiques»

A l’origine du départ de Thibaut Courtois de la sélection au mois de juin 2023, la question du brassard de capitaine est évidemment arrivée face au micro de Rudi Garcia. Réservant la nouvelle à ses joueurs, n’excluant pas d’instaurer une «tournante» lors des premiers rassemblements avant de poser son choix définitif, le sélectionneur a toutefois contesté gentiment ce que certains pensaient acquis, à savoir le brassard destiné à un Romelu Lukaku qui est souvent considéré comme le guide le plus naturel d’une nouvelle génération en grande partie issue de Neerpede.

«Je sais que la tradition, dans certains pays, est de considérer le joueur le plus capé. Je le ferai si ça m’arrange, mais pas si ça ne m’arrange pas», argumente le coach, précisant par la suite qu’à l’occasion de ce premier rassemblement sous ses ordres, ce sont les 120 présences de Romelu Lukaku sous le maillot belge qui font office de référence. «Il fait partie des candidats les plus crédibles à ce brassard», concède le sélectionneur, tout en ajoutant que l’un des rôles majeurs du capitaine est de se présenter spontanément aux médias, surtout dans les moments difficiles. Quand on sait que Romelu Lukaku a fait du mutisme médiatique –surtout à l’égard de la presse belge– l’une de ses habitudes ces dernières années, sa nomination comme capitaine serait probablement contestable dans l’atmosphère de tentative de reconnexion entre les Diables et leur public que veut instaurer Garcia.

4. «Le football belge a besoin d’une locomotive comme Bruges en Ligue des champions»

Parce que l’ancrage local, c’est aussi la présence de joueurs que les supporters belges peuvent voir à l’œuvre en chair et en os toutes les semaines, les hommes marquants du championnat local ont fait leur retour en force parmi la première liste de Garcia. Des 26 noms choisis par le nouveau sélectionneur, cinq portent le maillot d’un club de l’élite nationale, ce qui fait de la Pro League belge le championnat le mieux représenté du noyau derrière la Premier League anglaise (sept joueurs).

L’entraîneur français a déclaré qu’il avait «hâte de voir les play-offs», balayé toute possibilité de polémique derrière cette phrase en ces temps de changement de format, puis vanté les mérites d’une Pro League qu’il découvre encore. Particulièrement ceux du Club Bruges, entité la plus présente dans sa liste avec trois joueurs (De Cuyper, Mechele et Vanaken) et qui aurait sans doute envoyé une plus grande délégation encore si le jeune Joaquin Seys n’était pas blessé. Rudi Garcia a applaudi le parcours des Brugeois en Ligue des Champions, les présentant comme une précieuse locomotive plutôt que comme un rival écrasant la concurrence. Les nombreuses discussions avec Vincent Mannaert, nouveau responsable sportif des Diables Rouges depuis le début de l’année et architecte majeur de cette domination brugeoise sur le football national, ne sont probablement pas étrangères à cette si franche acclamation.

5. «On aura un système de jeu un peu hybride, un quand on aura le ballon et un autre quand on ne l’aura pas»

La question que tous les suiveurs des Diables Rouges se posent, c’est évidemment celle du plan tactique que la Belgique déroulera sur le terrain, et des joueurs qui l’animeront. C’est en parlant de Charles De Ketelaere, profil prolifique dans son club de l’Atalanta mais encore trop peu important en équipe nationale, que le sélectionneur a fini par glisser une tendance sur la façon dont il imaginait voir jouer sa Belgique.

Tout comme son prédécesseur, c’est vers un système de jeu hybride que Rudi Garcia semble se diriger. Une équipe qui défend à quatre hommes et n’en laisse que trois pour attaquer, sans doute; ses mots sur la possibilité pour Arthur Theate de «dépanner à gauche» ou de «jouer dans un trio défensif» permettant d’entrevoir une équipe où le défenseur de Francfort fermerait le couloir gauche pour laisser Maxim De Cuyper, l’un des profils préférés de Garcia selon les indiscrétions de Tubize, dévorer le flanc en phase offensive.

Le reste sera un puzzle à assembler, semblable à celui que Roberto Martínez avait construit voici bientôt une décennie pour tirer le meilleur de Hazard, Lukaku, De Bruyne et Carrasco dans le même onze. Il faudra probablement une place pour les dribbles de Jérémy Doku, une autre pour le pied gauche de Charles De Ketelaere, mais aussi un rôle pour un Kevin De Bruyne peut-être trop vieillissant pour porter Manchester City mais encore trop fort pour ne pas être un pion majeur d’une Belgique en transition. Les nombreux profils offensifs donnent l’eau à la bouche, mais les deux années sous les ordres de Domenico Tedesco n’ont pas permis de trouver le subtil dosage qui les transformerait en savoureuse recette.

6. «Il faut qu’on arrive à trouver la future charnière de l’équipe de Belgique»

Le principal problème rencontré par Domenico Tedesco, une fois tournée la page de la génération dorée, était celui de l’équilibre défensif que devait garder chacune de ses idées offensives. Incontestable dans le onze du sélectionneur italo-allemand, Wout Faes a perdu du crédit lors de ses dernières apparitions en sélection, mais également en club et ne devrait plus être le patron d’une défense diabolique désormais orpheline de Jan Vertonghen. A qui le tour?

«Si on joue à deux défenseurs centraux, on aura besoin d’une association de deux joueurs complémentaires et qui s’entendent bien», détaille Rudi Garcia. Autre chouchou de Domenico Tedesco malgré un statut parfois irrégulier en club, Ameen Al-Dakhil ne sera pas de la première expérimentation, pas plus qu’un Matte Smets brillant à Genk et plébiscité par la grande majorité des consultants du nord du pays. Par rapport aux listes rendues deux années durant par le sélectionneur précédent, la nouveauté introduite par Garcia est donc la confiance qui semble rendue à Koni De Winter (lancé à une seule reprise par Tedesco), mais aussi la sélection de Brandon Mechele. Souvent sous-estimé en Belgique, impérial lors de la plupart de ses sorties contre des attaquants de gros calibre en Ligue des champions, le Brugeois pourrait être la dose d’expérience nécessaire à une transition réussie, comme l’a été Jan Vertonghen avant lui.

Surtout, depuis qu’il avait été relancé à Bruges par Ivan Leko, le défenseur des Blauw en Zwart n’a jamais eu peur d’un marquage direct et sans filet sur l’attaquant adverse, pas plus que d’une ligne défensive positionnée très haut sur le terrain. Au stade Jan Breydel, son association avec des profils jeunes et pleins d’exubérance physique fait des merveilles, d’Odilon Kossounou à Joël Ordóñez en passant par Abakar Sylla, et pourrait donner des idées à Rudi Garcia.

Ce serait un beau paradoxe: construire la défense de la nouvelle Belgique autour d’un trentenaire qui n’a jamais su être populaire afin de séduire les tribunes. On ne serait toutefois pas à un grand écart près, pour la première d’un sélectionneur français qui se «sent 100% belge».

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