Steve Van Herpe
« Roberto Martinez ne supporterait-il plus les critiques ? »
Steve Van Herpe, journaliste chez Sport/Foot Magazine, revient sur l’actualité footballistique du week-end. Il évoque la nervosité de Roberto Martínez, le dernier déplacement des Diables rouges en Pologne et l’avenir de la Ligue des Nations.
Roberto Martínez a été critiqué dans les médias pour ses commentaires sur le but du Pays de Galles, qui, selon lui, a été accordé à tort. Que pensez-vous de la réaction du sélectionneur national ?
STEVE VAN HERPE:« Je ne doute pas des qualités de Roberto Martínez, mais de telles réactions émotionnelles ne sont pas dignes d’un homme de son rang. Nous sommes habitués à des analyses rationnelles, quoique parfois floues, de sa part. Mais, nous avons souvent pu observer dans ce milieu qu’il n’est pas rare que des personnes occupant des postes à responsabilités finissent par perdre leur rationalité lorsque le stress augmente. Mais devrions-nous être nerveux à l’idée de perdre contre le Pays de Galles en Ligue des Nations, un tournoi certes officiel, mais disputé comme une série de joutes amicales ? Martínez semble beaucoup plus nerveux depuis quelques temps, alors qu’il nous avait habitué à une attitude stable et calme. Pourquoi réagit-il de la sorte ? Ne supporte-t-il plus les critiques ou est-ce qu’il y a plus que ça ? »
Romelu Lukaku, Kevin De Bruyne, Yannick Carrasco, Dedryck Boyata, Thomas Meunier…. Beaucoup de joueurs ont déjà quitté le rassemblement des Diables rouges. Qu’est-ce que cela signifie ?
VAN HERPE:« Il est logique que des joueurs blessés comme Thibaut Courtois (pubalgie) et Romelu Lukaku (entorse à la cheville) doivent partir. La pubalgie n’est pas une blessure anodine, vous pouvez en souffrir pendant très longtemps si vous ne prenez pas le repos nécessaire pour la guérir. Kevin De Bruyne a joué trois matches en huit jours. Une fois 90 minutes et deux fois environ 75 minutes. Le faire rejouer mardi en Pologne aurait sans doute été de trop. »
Pourquoi Roberto Martinez réagit-il avec plus de nervosité ? Ne supporte-t-il plus les critiques ou est-ce qu’il y a autre chose ?
« En revanche, je ne comprends pas pourquoi des joueurs qui pourraient utiliser ces rencontres pour retrouver du rythme, comme Thomas Meunier, s’en vont plus tôt que prévu. L’entraîneur a expliqué que l’Ardennais venait de jouer deux matchs d’affilée après trois mois d’inactivité et qu’il ne voulait pas forcer les choses. Ce n’est pas une mauvaise explication, mais quand même… L’avantage de tous ces départs est que nous verrons (enfin, diront certains) d’autres (nouveaux) joueurs à l’oeuvre lors du dernier duel contre la Pologne. Comme, par exemple le duo Charles De Ketelaere et Loïs Openda en attaque. Ces deux-là se connaissent depuis la catégorie des moins de 18 ans et leurs profils semblent bien se compléter : l’intelligence et la vista de De Ketelaere combinées à la vitesse d’Openda. Cela pourrait faire des étincelles. »
Après Thibaut Courtois et Kevin De Bruyne, Thomas Meunier a également critiqué la Ligue des Nations, qui selon lui n’est « qu’une question d’argent ».
VAN HERPE:« C’est vrai. L’UEFA et la FIFA semblent n’avoir que cela en tête : générer plus d’argent. Un projet pourrait également ouvrir la Ligue des Nations, à partir de 2024, avec les dix meilleures nations d’Amérique du Sud. Six de ces pays seraient intégrés à la plus haute division de la Ligue des Nations, où se trouve actuellement la Belgique. Vous pourriez donc avoir des affiches comme Belgique-Brésil ou Belgique-Argentine. Pour le plus grand bonheur des caisses de la fédération de football et de l’UEFA, bien sûr ! Mais à quel prix ? L’UEFA souhaite également augmenter le nombre de rencontres de la Ligue des Nations à dix au lieu de six. En contrepartie, il y aurait moins de matches de qualification pour un Euro ou une Coupe du monde. En Ligue des champions, Ligue Europa et Conference League, plus de matches seront joués à partir de 2024. Cette lourdeur accrue du calendrier est préjudiciable à la santé physique et mentale des (meilleurs) joueurs. Vous pouvez toujours rétrorquer qu’ils gagnent suffisamment d’argent, mais quand vous allez voir Belgique-Brésil, vous voulez voir De Bruyne et Neymar en action. Mais à ce rythme, vous risquez d’en voir aucun des deux car ils seront blessés. »
En alourdissant encore le calendrier, on encourage également (de manière insidieuse) l’utilisation de substances interdites. Le dopage dans le football n’est jamais évoqué, mais il existe bel et bien.
« Vous encouragez aussi (de manière insidieuse) l’utilisation de substances interdites. Les joueurs chercheront des moyens de rester performants. Le dopage dans le football n’est jamais évoqué, mais il existe bel et bien. De plus, je ne pense pas que le public profitera de cette augmentation du nombre de matches. Nous sommes déjà proches du point de saturation. Les instances européennes et mondiales veulent avoir plus de matches de haut niveau pour recevoir plus d’argent encore des droits télévisés. Mais trop, c’est trop et « less is more ». Le charme d’un match de haut niveau réside également dans l’attente que suscite celui-ci. Vous pouvez l’attendre avec impatience, le marquer en rouge dans votre agenda. Une offre excédentaire ne profiterait à personne, ni aux joueurs ni aux supporters. Et ces deux groupes de personnes ne sont-ils pas les ingrédients les plus importants du football ? »
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