Qui est Sari Kees, la révélation des Red Flames ?
Révélation des Red Flames à l’EURO, Sari Kees (21 ans) confirme le potentiel aperçu en elle depuis des années. Le tout en mêlant un calme de vieille briscarde à l’audace de la jeunesse. Portrait de l’avenir défensif de la sélection.
À quoi peut bien tenir une carrière… Une torgnole déposée sur la joue d’un humoriste sur la scène des Oscars, comme Will Smith? Un transfert au Real Madrid alors qu’on est un dieu à l’AC Milan, comme Kaká? À la blessure d’une titulaire en défense centrale, comme Sari Kees? Ici, l’arrière en question prend les traits d’Amber Tysiak, qu’on annonçait logiquement comme LA Red Flame susceptible d’exploser sur les prés anglais durant l’EURO 2022. Las, une blessure longue durée aux adducteurs et une préparation chamboulée plus tard, c’est bien Kees, d’un an la cadette de Tysiak, qui ramassera les honneurs à l’issue d’un tournoi historique pour le football féminin belge.
Mais décréter que la numéro 19 ne doit sa présence qu’au seul bobo de sa partenaire à OHL serait réducteur. «Ces événements n’ont fait qu’accélérer les choses, car on connaissait l’étendue du potentiel athlétique et footballistique de Sari depuis longtemps», confirme Xavier Donnay, sélectionneur de la Brabançonne en catégories de jeunes.
C’est en U19 qu’elle vit un premier tournant dans sa carrière, en étant replacée dans l’axe de la défense, elle qui a d’abord évolué comme ailière puis latérale droite (et même… gardienne à ses débuts!). Un rôle central que cette fan de Kevin De Bruyne ne met que quelques mois à apprivoiser, grâce notamment à une technique de balle et une qualité de passe au-dessus de la moyenne. «Et elle sait jouer des deux pieds, ce qui lui permet d’être alignée avec une droitière alors qu’elle-même joue du pied droit», précise Donnay.
« Elle a une certaine sobriété, une force tranquille dans son jeu qui lui permet de ne prendre que des risques calculés. »
Xavier Donnay, entraîneur des Red Flames U19
Ce sera le cas contre l’Italie à l’EURO, où elle fait équipe avec Julie Biesmans suite à la blessure de la gauchère Laura De Neve. Résultat? Un titre de Joueuse du Match accordé par l’UEFA et une qualif’ historique pour les quarts de finale… «Même si j’étais un peu sceptique au début, je préfère être positionnée dans l’axe», explique la principale intéressée. «Je suis quelqu’un d’assez tranquille, qui aime avoir le jeu devant elle, afin de pouvoir relancer calmement et s’infiltrer. C’est clairement une de mes forces.»
Sari grande
Le flegme et la maturité: telles sont les autres marques de fabrique de cette défenseuse «polyvalente et moderne», qui a même hérité du brassard de capitaine à OHL suite à la retraite de la taulière Lenie Onzia. Voilà donc cette jeune femme de 21 ans qui porte une équipe qui ne cache pas sa volonté de mettre fin à l’hégémonie anderlechtoise sur la Super League! Un mauvais service à lui rendre? Pas vraiment, à en croire la Louvaniste Zenia Mertens, devenue au fil des années l’une des meilleures potes de Kees: «Elle a ça en elle, c’est une leadeuse née, même si elle ne va jamais gueuler pour se faire comprendre», affirme la milieu de terrain, née dix jours à peine après Sari. «C’est une bonne chose à la fois pour les nouvelles, mais aussi pour moi qui suis là depuis près de dix ans à Louvain, comme elle. Je me sens vraiment en confiance quand elle est derrière moi, car je sais qu’elle posera les bons choix.» Le sens des responsabilités, toujours, pour ce pur produit d’OHL (excepté une pige à Genk lors de la «saison Covid»), qui n’hésite jamais à demander le cuir pour servir de base de lancement aux offensives de son équipe.
«Elle a une certaine sobriété dans son jeu qui lui permet de ne prendre que des risques calculés», surenchérit son ancien coach Xavier Donnay. «Elle a en elle cette force tranquille qui lui permet de relativiser et de se concentrer sur son jeu. Même dans les temps faibles à l’EURO, elle a su garder la tête hors de l’eau et sécuriser l’arrière. Elle joue, mais sans surjouer.» Une maturité sur le pré et en dehors qui n’empêche pas Kees de faire ressortir son côté enfantin au moment de charrier l’attaquante louvaniste Hannah Eurlings, en lui rappelant que cette dernière n’a pas beaucoup plus marqué qu’elle la saison dernière (six buts pour la défenseuse, neuf pour l’avant)…
L’appel du large
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Grande par l’esprit, cette étudiante en physiothérapie l’est aussi par la taille (1,74m). Un gabarit longiligne compatible avec un vrai répondant dans les duels («Parfois, elle me fait même peur à l’entraînement», se marre Mertens à ce propos) et une mobilité suffisante pour contrer les attaques adverses. «Elle se retourne très vite, ce qui lui permet d’avoir une mise en action très rapide», indique Donnay, avant d’ajouter que la joueuse doit peut-être encore s’étoffer un peu au niveau athlétique. Un prochain défi qui devra lui permettre de gratter ce fameux statut de joueuse pro et sans doute de quitter le Royaume. «Mais pas pour directement évoluer dans une grande compétition», tempère la joueuse, consciente qu’un tel mouvement aurait plus tendance à la cramer qu’à lui permettre de se développer.
Prudence, donc, même si la confiance habite Sari Kees, surtout après la quinzaine de juillet un peu folle vécue par les Red Flames. Et par un pays tout entier, où l’élan populaire s’est révélé particulièrement fort à mesure que les Belges avançaient dans la compétition. Pas de quoi faire vriller l’invitée surprise d’Ives Serneels, néanmoins. «Mes parents me disaient que je recevais beaucoup de commentaires positifs dans les médias, mais je ne savais pas exactement ce qui se disait sur moi, donc…» Du Kees dans le texte, le genre de joueuse dotée d’une zenitude de Bouddha au moment d’être interviewée par l’UEFA dans la foulée de son titre de Joueuse du Match contre la Nazionale, alors qu’elle n’affiche que dix caps en sélection à ce moment-là!
Consciente de l’intérêt qu’elle suscite à l’étranger mais dénuée d’arrogance, prudente sans être fuyante, jeune mais déjà adulte, Sari Kees va devoir prendre encore un peu de bouteille en termes de leadership et espérer que son genou la laisse en paix, après lui avoir causé quelques soucis la saison dernière. En attendant, la Red Flame cultive l’art de l’équilibre comme peu de joueuses belges savent le faire. Plutôt étonnant pour quelqu’un qui avoue avoir détesté les leçons de danse suivies étant petite…
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