Qui a (encore) réveillé l’Atlético ?
Alors que la fin du cycle Simeone semblait inéluctable, l’Atlético a retrouvé la santé et joue aujourd’hui le meilleur football d’Espagne. Focus sur un grand écart.
Présent sur le banc du côté rouge et blanc de Madrid depuis près de douze ans, Diego Simeone a fait de l’Atlético un géant d’Espagne juste derrière les monstres que sont le voisin du Real et les rivaux du Barça. Alors que la dernière décennie était souvent synonyme de ventre mou, Simeone était arrivé du Racing Club argentin avec des idées sud-américaines, dont la grinta et l’organisation qui permettent aux Colchoneros de faire tout de suite grandir le club Rojo y Blanco et de goûter au gratin du football européen.
Exigeant un football composé d’intensité sur tous les fronts du rectangle vert, le Cholo est régulièrement adulé par ses joueurs, à l’image de Tiago, légende de l’Atleti qui avait déclaré: “S’il nous demande de sauter d’un pont, nous sautons”. Pourtant, le début de saison irrégulier met en péril l’histoire d’amour entre le Cholismo et l’Atlético de Madrid. Malgré plus de douze ans de service, le style de jeu plutôt défensif basé sur des contre-attaques prôné par l’Argentin suscite encore et toujours de vives critiques dans le Royaume ibérique.
Les résultats décevants en début d’excercie, notamment en Ligue des Champions, ont poussé la presse espagnole à mettre la pression sur le tacticien argentin qui, après une élimination dans un groupe de Champions League composé de Leverkusen, Porto et Bruges, paraissait sur la sellette. Certains consultants espagnols réclamaient du changement à la tête des Colchoneros, lassé par le football jugé trop défensif et voulant un nouveau vent de fraicheur au Wanda Metropolitano. “L’entraineur le mieux payé au monde qui ne se qualifie même pas pour les huitièmes de finale de Ligue des Champions”, le genre de phrase choc qui remplit les quotidiens sportifs d’Espagne où football rime souvent avec sensationnalisme.
Dernier de son groupe de Ligue des Champions et à la traine en championnat avec un bilan d’un point sur neuf avant la trêve de Coupe du Monde, les rumeurs vont bon train concernant une potentielle éviction d’El Cholo. Rapidement éliminé de la Coupe d’Espagne par les ennemis du Real à la reprise, l’Atlético s’affaiblit considérablement et se dirige alors tout droit vers la saison la moins aboutie depuis la prise de fonction de Simeone.
Une deuxième partie de saison salvatrice
La théorie du grand changement n’est pas dans les habitudes du Cholismo. Pour Simeone, son football est gage de résultat, ce qui ne va pas se trouve dans la tête des joueurs. Alors que l’histoire de l’option d’achat du prêt d’Antoine Griezmann avait un peu pollué le vestiaire en première partie de saison, les mois de janvier et février relancent totalement la machine Atlético. Les 45 points glanés lors du deuxième tour placent les Colchoneros comme la dynamo la plus énergique de LaLiga.
Un catenaccio cher à Simeone retrouvé, des principes tactiques similaires au bloc bas façonné par le tacticien argentin, et un système s’adapte désormais aux réalités du football moderne avec moins de rigidité. Cette souplesse tactique permet aux Rojiblancos de gagner treize de leurs seize derniers matches de championnat grâce à un mélange de guerriers derrière et d’individualités devant qui permet à certains joueurs de se sublimer à l’image d‘Antoine Griezmann, repositionné comme second attaquant et auteur, pour la première fois de sa carrière, du double 10 goals-assists avec 13 buts et 13 passes décisives.
Plus mûr, le Français est sans doute dans la saison la plus aboutie de sa carrière, lui qui reste désormais plus devant, sans s’auto-parasiter avec du travail défensif en permanence. Le soldat de Simeone se projette plus vers l’avant et contribue grandement à l’efficacité offensive retrouvée, qui fuyait trop de fois les Colchoneros en début de saison. À côté de lui, Alvaro Morata prouve qu’il est toujours un buteur avec 13 réalisations, malgré une Coupe du Monde décevante. Un Mondial qui avait servi de fond aux supporters de l’Atletico qui sifflaient Nahuel Molina et Rodrigo De Paul, accusés de ne pas se donner à fond sous le maillot rouge et blanc.
Sans doute revigorés par leur victoire finale, les deux Argentins sont devenus indéboulonnables à leurs places respectives, comme l’a récemment rappelé Simeone en conférence de presse : “Molina est incroyable sur son flanc. C’est typiquement le joueur que j’avais vu à l’Udinese et ce pourquoi on le voulait”. Alors que les résultats décevants de la première partie de saison s’étaient principalement joués avec une défense à quatre, El Cholo passe désormais à une défense à cinq où José Maria Gimenez et Mario Hermoso sont intraitables autour d’Axel Witsel, important par sa fiabilité aux yeux de l’Argentin, qui dépanne dans le trio défensif en l’absence de Stefan Savic. Yannick Carrasco, l’un des chouchoux de Simeone, est placé en tant que piston gauche, grâce à ses qualités de courses et d’intensités adorées par son coach.
L’Atlético et la Ligue des Champions, puissance onze
L’Argentin parvient à rentrer dans le cerveau de ses poulains pour les convaincre de se donner sans compter sur le terrain. Une intensité physique imprégnée de l’obsession de sortir vainqueur de chaque duel et de chaque rencontre. Le style de jeu de l’Atlético est le reflet de l’homme qu’est le coach argentin, un travailleur acharné à la mentalité de gagnant.
En fait, la base du succès de Simeone se trouve dans la tête du joueur. Fin psychologue, le Cholo arrive à concerner tous les joueurs de son noyau, du plus expérimenté au plus jeune. Ainsi, Simeone est le coach le plus influent du continent européen avec 14 changements gagnants devant Spalletti avec 13. Des changements qui ramènent des points et qui permettent aujourd’hui à l’Atlético de revenir sur son voisin madrilène à la 2e place.
Si le Barça a déjà pris trop d’avance pour être rattrapé, l’Atleti est presque assuré de terminer dans le trio de tête, une situation au classement qui assure les Colchoneros à participer une onzième fois d’affilée à la Ligue des Champions, nouvelle preuve de l’énorme travail de Simeone sur le banc madrilène. Alors qu’il y a plus de douze ans, cela sonnait totalement comme un exploit, El Cholo a rendu ceci habituel.
À côté du prestigieux voisin au football léché et considéré comme Galactique, se trouve un club moins fringant, au style de jeu que l’on désigne souvent comme “moche”. Ce club pratique aujourd’hui le meilleur football d’Espagne. Le Cholismo n’est pas mort, il est bien vivant.
Par Robin Maroutaëff
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