Qu’apporte vraiment Thierry Henry aux Diables rouges ?
Depuis son arrivée dans le staff de Roberto Martinez, l’ancien attaquant est resté dans l’ombre. Le départ de l’Espagnol pourrait le propulser au rang de sélectionneur. Retour sur son arrivée-surprise de l’époque et son impact sur le groupe.
La première sélection annoncée par Roberto Martinez est, évidemment, un événement en soi. Mais en ce 26 août 2016, ce n’est pas le retour de Steven Defour ou le baptême de Thomas Foket chez les Diables qui font le plus de bruit. Toute la Belgique est mise à l’ombre par l’annonce d’un nom étranger, mais familier. Celui du second assistant du nouveau sélectionneur.
« Quand le staff a été dévoilé, beaucoup de journalistes se sont tournés vers moi : est-ce qu’on a bien compris ? On parle bien de Thierry Henry ? », se souvient Pierre Cornez, alors attaché de presse des Diables. La presse nationale tombe des nues. Rien n’a filtré. « Moi-même, j’avais été mis au courant de la composition du staff de Roberto Martinez seulement 10 à 15 minutes avant le début de la conférence de presse », poursuit Cornez.
Les caméras s’accumulent autour du terrain principal du complexe de Neerpede, où se déroule le premier entraînement des Diables de Martinez. L’arrivée d’Henry médiatise encore un peu plus une sélection déjà éblouie par le feu continu des projecteurs. Et sur le bureau du service com’ de la Fédé, les demandes d’interviews s’empilent. Henry, lui, se fait discret. Après tout, il n’est que le second assistant de Roberto Martinez. Titi reste à sa place. Il respecte la hiérarchie. Sur le plan comptable, ses 8.000 euros par mois de l’époque, « seulement », sont joliment contrebalancés par les six millions d’euros annuels offerts par Sky, chaîne anglaise sur laquelle il joue les consultants de luxe avant des expériences dans le costume de coach principal à Monaco puis Montréal, suivies d’un retour sur le banc belge et derrière les micros, cette fois en couvrant la Ligue 1 pour le compte de Prime Video.
Cet Henry-là est un maniaque du football. « Quand il était joueur, il était au courant de tout », se rappelle Vincent Duluc, journaliste pour L’Équipe. « Je me rappelle qu’à ses débuts, il connaissait toute l’équipe d’Amiens par cœur, parce qu’il regardait la Ligue 2 le lundi soir sur Eurosport. Henry a toujours aimé le football plus que les autres joueurs. » Une passion qui le prédestinait à une carrière d’entraîneur. Mais quand il croise l’ancien attaquant à Londres, Duluc lui demande ce qu’il fait en Belgique, et pourquoi il n’est pas plutôt à la tête des espoirs français. « Il m’a répondu qu’il n’avait reçu aucune proposition », raconte alors un Duluc pas franchement étonné : « Didier Deschamps évite de s’entourer de coaches susceptibles de lui prendre sa place en cas de mauvais résultats. » À l’époque, le plan est donc de réussir la Coupe du monde avec les Diables, puis de s’envoler vers un banc de touche pour lancer sa carrière de coach en solo. Ses échecs sur le Rocher puis de l’autre côté de l’Atlantique le renvoient à la case départ.
Chez les Diables, pourtant, son apport a toujours été apprécié par le groupe. Lors de son arrivée dans le staff de Roberto Martinez, le Français prend ainsi spécifiquement en charge les attaquants, essentiellement nés au début des nineties et donc marqués dans leurs jeunes années par les Invincibles d’Arsenal dont Titi était la figure de proue. De quoi susciter naturellement l’écoute et le respect. « J’ai toujours été fan », reconnait à l’époque Christian Benteke. « Mais ce n’est quand même plus la même chose. Je suis grand, maintenant (il rit). Je n’ai plus le waouw d’avant, même si je lui ai dit que c’était mon joueur. C’est vrai que ça fait bizarre, mais je me dis aussi que c’est la preuve que le monde du foot est petit. »
Le rapport est encore plus particulier avec Romelu Lukaku. « Ils ont tous les deux une relation très sincère », explique Roberto Martinez à la DH en 2018. « Romelu sait qu’il ne doit pas s’attendre à des compliments de sa part. Mais Rom’ est perfectionniste et obsédé par sa progression et Henry l’aide dans ce processus, comme Samuel Eto’o l’avait fait à Everton. »
Avec Henry, Lukaku parle notamment de technique de frappe. De ce fameux enroulé en douceur dans le petit filet opposé qui était la marque de fabrique du Gunner : « Je lui ai dit : ta technique, je la connais, sauf que toi tu l’as à la perfection. Et je vais travailler pour atteindre ce niveau. Maintenant, je ne frappe jamais en force, je l’enroule. Parfois, ça peut aller tout doucement, mais je sais que ça va rentrer (il rit). On parle souvent ensemble. On se met à table, et on discute de ce qu’il faut travailler. »
Mais un conseil du maître Henry, ça ressemble à quoi ? « Il va te donner des petits trucs qui peuvent faire la différence », explique Christian Benteke. « Il m’a expliqué, par exemple, que quand tu reçois un ballon dans le rectangle, tu as plus de temps que tu ne le penses. Et en tant qu’attaquant, il te rappelle souvent que c’est toujours toi le maître de la situation. Que si tu effectues le bon mouvement, un simple contrôle, ça peut tout changer. Souvent, on se précipite et on gâche les opportunités. »
« Il veut que je sois davantage un joueur d’action », reprend Lukaku. « Il m’a dit que j’avais le geste juste dans les 16 mètres, mais que je devais aussi être capable de marquer tout seul en prenant le ballon. » Les discussions entre les deux hommes peuvent s’éterniser, sans doute parce qu’elles se déroulent entre deux joueurs contaminés par le virus du ballon rond. « Il m’arrive de lui parler d’un de ses matches avec Arsenal en 2006, et de lui raconter son but », raconte Lukaku. « Je peux même m’énerver sur une des phases du match. Et lui, en réponse, il me parle d’un de mes matches. Avec lui, on peut avoir des débats intéressants. Il va comparer mes mouvements aux siens, pour m’amener à franchir une étape. »
Quelques années après l’heure des premiers conseils, c’est désormais Thierry Henry qui cherche à franchir la sienne. En imaginant bien le banc des Diables rouges comme prochain arrêt.
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