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Quand la carrière de coach d’Enzo Scifo tournait (déjà) court

Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Enzo Scifo a quitté Mouscron (et la vie de coach) sur un malentendu. Il y a vingt ans, à Charleroi, c’était pareil.

Enzo Scifo a 55 ans et il a déclaré récemment dans un journal flamand que le quotidien d’entraîneur n’était définitivement plus pour lui. Il est sorti meurtri de sa courte expérience à Mouscron. Il estime qu’il n’avait pas le potentiel humain et la structure pour faire mieux que ce début de championnat catastrophique. Il dit qu’il n’a été aidé par personne. On a senti le discours d’un homme dégoûté par le milieu. Le foot lui a beaucoup donné comme joueur, mais lui a valu un paquet de désillusions comme entraîneur.

Charleroi, Tubize, Mouscron, Mons, les Espoirs belges: voilà la liste de ses équipes depuis qu’il a arrêté de jouer en cours d’année 2000-2001. Dans tous les clubs où il est passé, il a été confronté à d’importants soucis financiers. En 2001-2002, quand il était à la tête de Charleroi, la situation était dramatique et on craignait une deuxième faillite. Malgré ça, il a conduit l’équipe a une douzième place honorable. Puis game over. Abbas Bayat avait envie d’autre chose, d’un autre T1.

Suite à ce départ, Scifo s’est muré dans le silence. Son aventure carolo, il ne fallait plus lui en parler. Il a attendu la fin d’année 2003 pour rédiger une longue lettre ouverte à l’attention des supporters, qui est parue dans le livre officiel du centenaire du Sporting. Une bafouille touchante qui montrait à quel point il avait souffert quand il entraînait les Zèbres. Analyse au travers d’extraits forts.

« Depuis pas mal de temps, j’avais envie de m’adresser à vous. De mettre certaines choses au point. De vous exprimer ma tristesse de ne pas avoir été toujours bien compris. De reconnaître certaines erreurs aussi. Ce livre m’offre une occasion inespérée de balayer les rumeurs, de vous détailler ma désolation d’avoir dû quitter votre club sur des malentendus. » Les supporters n’avaient pas compris qu’il ait été bombardé entraîneur à la place de Manu Ferrera qui avait entamé la saison. Scifo avait dû arrêter de jouer du jour au lendemain, son corps n’en voulait plus. Bayat avait donc viré un Ferrera avec qui il avait une relation électrique, et Scifo avait pris le bureau.

« Malheureusement, j’ai vite perçu les premiers doutes à mon égard. Pour certains d’entre vous, il était incompréhensible qu’Enzo Scifo accepte de se lier à un club comme Charleroi. On me dévisageait parfois comme un extraterrestre. Scifo au Mambourg, il devait y avoir des raisons cachées. Vous avez pensé que j’étais sûrement venu pour l’argent. Que j’allais m’en mettre plein les poches, puis que j’irais voir ailleurs (…) Dans tous les journaux, on parlait de ces dizaines de millions de francs que j’allais gagner sur le dos du Sporting. Les gens qui raisonnaient comme ça avaient tout faux. En allant à Charleroi, je faisais un énorme investissement financier et humain. »

Il n’a effectivement pas gagné d’argent dans un club qui, lors des premières années Bayat, perdait une blinde. Rien n’était trop beau pour Abbas: les salaires, les voitures de luxe, les stages à l’étranger. Impossible, dans ces conditions, d’offrir des dividendes au vice-président Scifo.

Dans ce courrier public, il revenait aussi sur ses derniers instants de joueur. « Je suis triste quand je repense aux deux ou trois derniers matches de ma vie. Je n’aurais pas dû les jouer. J’aurais dû être plus franc et avouer publiquement que ça n’allait plus, que ma hanche ne répondait plus. J’ai caché ma blessure dans l’espoir que tout allait rentrer dans l’ordre. En trichant comme je l’ai fait, je ne me suis pas rendu service (…) Mon image auprès de vous a pris un sale coup à ce moment-là (…) En tant que coach, ma relation avec vous est restée assez trouble. Un autre entraîneur aurait-il fait mieux? Peut-être. Aurait-il fait moins bien? C’est fort possible aussi. Je n’ai en tout cas pas à rougir de mon bilan de coach (…) Est-ce que j’avais la larme à l’oeil quand j’ai quitté le club? Même pas. J’avais compris une chose: Monsieur Bayat et moi, on n’était plus sur la même longueur d’onde. J’ai vécu mon dernier trajet vers la maison comme une vraie délivrance. À l’époque, j’étais convaincu que j’allais tourner définitivement le dos à ce sport qui m’avait tout donné. »

Et cette conclusion: « Sachez que j’ai été heureux de travailler pour vous pendant deux ans. Je me suis peut-être trompé d’histoire d’amour, mais ce fut une expérience d’une richesse extrême dont je préfère ne retenir que les bons moments. »

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