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Pourquoi ça sent la fin à l’Excel Mouscron

Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

La situation financière paraît plus que jamais inextricable. Un repreneur potentiel est refroidi par les banquiers.

« On nous a pris pour des cons. » Christophe Lepoint, Capitaine Courage, y est allé franco sur le plateau de la télévision locale Notélé en début de semaine dernière. Il y avait des retards de paiement, très tôt dans la saison. La routine à Mouscron. Il y a eu la visite d’un représentant du syndicat des joueurs, une menace de grève, trois jours où le groupe a refusé de monter sur le terrain d’entraînement. Puis, en fin de semaine, le paiement des salaires du mois… d’octobre. C’est reparti pour un tour, peut-être rien qu’un petit tour. Parce que les échos qui nous parviennent du Canonnier vont dans le même sens: la situation financière est inextricable.

Le coup de sang de Lepoint en télé s’expliquait par ces retards dans les paiements. Mais pas uniquement. Quand il dit qu’on les prend « pour des cons », il fait aussi référence à une scène surréaliste, survenue il y a dix jours, après la victoire à domicile contre le Lierse. Le quatrième succès consécutif, arraché par des joueurs non rémunérés. Ce soir-là, donc, le président PatrickDeclerck s’est pointé dans la salle des joueurs. On entend qu’il avait certainement fait la fête avec des VIP pendant le match. L’homme n’était plus crédible. Un témoin nous a fait parvenir une photo de la scène. Plus crédible quand il a marmonné: « Ne vous inquiétez pas, ça va s’arranger. » Les joueurs, dégoûtés, ont quitté la pièce. Ainsi que d’autres personnes présentes. Avec la conviction très nette que le président se moquait d’eux.

Une masse salariale démesurée

Le plus malheureux dans toute cette histoire, c’est que le classement de l’Excel n’est pas catastrophique malgré le départ dramatique. Il n’y a jamais que cinq points d’écart par rapport à la deuxième place qui donne accès à un barrage pour la montée en D1A. Mais pendant combien de temps ces joueurs vont-ils encore accepter de s’arracher? Pour résumer, ce club a un gros train de vie et il est incapable de l’assumer. On entend des chiffres un peu fous pour une division où les rentrées financières sont déjà très limitées pour les clubs qui jouent la tête. Pour Mouscron, et c’est historique, ces rentrées sont encore plus anecdotiques: très peu de public, peu de sponsors, pas de merchandising.

Mais cela n’empêche pas une série de gros contrats de figurer dans le noyau. Des joueurs palpent plus de 20.000 euros par mois. On nous a cité des noms, et on ne peut pas dire qu’ils soient tous titulaires, très loin de là. Le budget salaires, c’est environ un demi-million mensuel. Énorme pour un club avec aussi peu de rentrées. Il faut y ajouter près de 50.000 euros par mois pour le personnel non sportif. On nous parle aussi de cadavres, de fournisseurs non payés, et au final, d’un passif tournant autour des dix millions.

Pas de contact entre le DG et le propriétaire

Le propriétaire, GérardLopez (via sa société luxembourgeoise Jogo Bonito Group), est en difficulté dans ses trois clubs. En France, Bordeaux se bat pour éviter les places descendantes. Au Portugal, Boavista tient un classement honorable, mais ça chauffe dans les bureaux. Le président, l’ancien joueur professionnel VítorMurta, reconnaît que le club a des difficultés financières mais dédramatise. Toutefois, il y a eu une fronde d’employés pour retards de paiement et aussi une plainte d’ AlirezaBeiranvand, le gardien iranien brièvement passé par l’Antwerp, qui accusait lui aussi le club de ne pas lui avoir versé son dernier mois de salaire et de ne pas lui avoir payé sa prime à la signature.

Et donc, il y a les soucis à Mouscron pour Lopez. Propriétaire toujours invisible. BenjaminSeillier, devenu directeur général suite au départ de PaulAllaerts (désormais employé par Lopez pour travailler au sein de sa galaxie), admet en privé qu’il n’a jamais de contacts directs avec le propriétaire, qu’il doit se contenter de discuter avec son entourage. Jusqu’il y a peu, on avait dans les bureaux du Canonnier au moins un homme de foot. PietHuys, « Directeur des opérations, infrastructures et administratif ». Lui, au moins, il connaissait la musique pour avoir bossé pendant un gros quart de siècle à l’Union Belge. Il était considéré comme le chef d’orchestre, la cheville ouvrière de l’Excel. Mais il vient donc de quitter le navire. Sans faire de commentaire, mais on entend que la situation du club l’a poussé à remettre sa démission.

« On attend que Lopez vende le club »

Et maintenant? On fait quoi? Le porte-parole Lepoint est, à nouveau, net. « On attend que Gérard Lopez vende le club », a-t-il lâché sur Notélé. « Il faut un repreneur (…) On ne peut plus vivre au jour le jour comme maintenant. Pour l’instant, l’actionnaire fait un versement chaque mois. C’est impossible de préparer le futur. On sera en stress à chaque fois (…) Partout où Lopez est passé, il y a eu des problèmes. On veut de la continuité. »

Patrick Declerck continue à protéger son actionnaire majoritaire, explique que le LOSC doit encore deux millions à Mouscron et que c’est à cause de l’ancien grand frère français que l’Excel est dans cette situation. C’est faux. Ces fameux deux millions, c’est un deal entre le LOSC et son ancien patron, Lopez. Mais ils sont au tribunal depuis que l’homme d’affaires a été éjecté du club. Mouscron n’est pas concerné par cette histoire.

La piste d’un repreneur de l’Excel existe. Des contacts sont en cours. Mais ça sent mauvais. Ce repreneur potentiel a commandé une étude auprès d’un bureau d’audit et a demandé l’avis de banques. Toutes les réponses qu’on lui a données vont dans le même sens: « Ne le faites pas, c’est un gouffre. » S’il y a un nouveau propriétaire téméraire, il devra trouver deux gros millions pour terminer la saison. Il y a la question de ce déficit que certains chiffrent donc à dix briques. Il y a ces cadavres supposés. Mais aussi ceci: une clause signée avec Jogo Bonito Group stipulant que le repreneur devrait, à l’avenir, verser 50% des bénéfices à cette société. C’est un frein supplémentaire à une reprise.

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