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Pourquoi Butez est toujours Mouscronnois

Indiscutable dans les cages de Mouscron depuis un an, Jean Butez aurait pu (dû) s’engager en faveur d’un cador de la JPL cet été. Retour sur un feuilleton long d’une poignée de mois, à gamberger sur les joies, les désillusions et les amours manquées.

C’est un double arrêt, à quatre minutes du terme. Au Canonnier, le 25 août dernier, Jean Butez repousse par deux fois, d’une main droite ferme, l’une des rares incursions des visiteurs eupenois dans la surface mouscronnoise. Une frappe enroulée d’abord, puis une nouvelle tentative, à bout pourtant, finalement signalée hors-jeu. Peu importe, cette double parade symbolise le retour aux affaires du portier français, validant par la même occasion une clean-sheet pour sa première apparition de la saison. Un soulagement, sans doute, au crépuscule d’un été pour le moins compliqué.

Sur la lancée du dernier exercice, qui le propulse enfin sous les feux de la rampe, le Lillois aurait bien aimé franchir un palier. Jusqu’à la signature de Simon Mignolet au Club Bruges, il était même à deux doigts de rallier la Venise du Nord.  » Il ne faut pas chercher d’excuse ou de raison particulière, c’est que ça ne devait pas se faire à ce moment-là. Maintenant, il faut regarder vers l’avant « , dit-il, après coup.

 » C’est vrai que ça a été assez long et mentalement usant. Il y a des discussions entres les clubs et tu as l’impression que rien n’avance, alors que tu te projettes déjà. C’est rageant, même frustrant, mais il y a toujours moyen de faire bouger les choses.  »

HUIT CLEAN SHEETS

En tout cas, pas question d’aller au clash. Ce n’est ni dans sa nature ni dans ses plans.  » Jean Butez, c’est la politesse, l’éducation, le travail, par excellence. Ce qui est surprenant dans sa progression, c’est la confiance qu’il a gagnée l’année dernière. Ce qui lui a permis de faire une telle saison, c’est d’avoir pris conscience de ses qualités et d’avoir foi en lui « , prêche François Vitali, actuel directeur sportif du Cercle, qui l’a connu lors de ses années chez les jeunes du LOSC. Débarqué sur la pointe des pieds en Wallonie picarde, prêté lors de l’été 2017, il attend patiemment son tour derrière Logan Bailly, puis Olivier Werner. Avant de faire son trou et de reléguer ce dernier à la touche, il y a tout juste un an.

À moi de rester régulier, de faire les choses comme il faut et d’être décisif. La suite viendra naturellement.  » Jean Butez

Bernd Storck s’installe alors sur le banc. L’Allemand profite de la trêve internationale de septembre pour lancer plusieurs jeunes et insuffler une nouvelle dynamique chez les Hurlus. Bingo. Vitali reprend :  » À Lille, il était considéré comme un bon gardien. La seule question, c’était de savoir s’il était capable d’assumer au très haut niveau. Dans un club comme Lille, on n’a pas le temps d’y répondre. La meilleure chose qui lui soit arrivée, c’est qu’un club comme Mouscron lui ait offert l’opportunité de s’exprimer « .

S’ensuit un deuxième tour surprenant, autant pour l’équipe que pour Jean Butez, qui enchaîne les prestations de haut vol et garde à plusieurs reprises ses cages inviolées. Huit fois au total sur l’ensemble de la saison. Soit le troisième meilleur bilan du championnat, derrière Sinan Bolat et Danny Vukovic, mais avec moins de rencontres au compteur. Lors de l’avant dernière-journée de la phase régulière, en mars, le gardien met fin aux espoirs de play-offs 1 de Saint-Trond, en multipliant les arrêts décisifs et assurant ainsi le nul des siens, pourtant réduits à neuf (1-1). De quoi clore une première vraie saison chez les pros, à 23 ans déjà, de la meilleure des manières.

BON DE SORTIE

Du coup, Jean Butez reçoit un bon de sortie de la part de sa direction. Une façon de le remercier et surtout de bonifier son potentiel, avec l’espoir de recevoir un gros chèque en prime. Butez, également convaincu qu’il s’agit du bon timing pour s’expatrier, part à la rencontre de plusieurs dirigeants des cadors de la Pro League. Au Club Bruges, d’abord, où il s’entretient avec Roel Vaeyens, le coordinateur sportif blauw en zwart.

 » Ils étaient très intéressés par mon profil « , rembobine le portier, qui joue sur ses qualités d’homme moderne, facile sur la ligne et clairvoyant balle au pied.  » Je rentrais dans leurs critères, c’est-à-dire un gardien qui connaît la Belgique, avec un bon jeu au pied. Philippe Clement avait bien apprécié ma saison, c’était donc aussi très intéressant pour moi, non seulement parce qu’on parle d’un club qui joue le titre et l’Europe, mais aussi parce qu’à la fois le coach et le club me voulaient. Tout comme le Standard, d’ailleurs.  »

À Liège, Michel Preud’homme le reçoit en expert de la question et lui déroule un discours plus ou moins similaire. Pareil pour Luciano D’Onofrio, du côté d’Anvers.  » L’Antwerp préparait le départ de Bolat, mais il n’était pas encore parti et c’était la même chose au Standard, avec Guillermo Ochoa. Donc, il y avait des incertitudes. Il y a de la concurrence partout, mais de la concurrence avec Ochoa, c’est difficile « , ironise encore Jean Butez, modeste.

Dans les bureaux du Canonnier, on prospecte dans le sens inverse. Plusieurs profils sont proposés et étudiés, dont celui d’ Anthony Moris, qui a quitté l’élite pour rejoindre le projet expansionniste de Virton, désormais en D1B. Lors d’une réunion, Paul Allaerts, le directeur général mouscronnois mué en patron sportif, confesse à l’agent de l’international luxembourgeois que la situation devrait se décanter dans la deuxième quinzaine de juillet. En vérité, l’ancien arbitre cherche surtout à faire grimper les enchères.

Pourquoi Butez est toujours Mouscronnois
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PRIX TROP ÉLEVÉ

Entre-temps, les portes de Sclessin et du Great Old se referment. Le Standard lorgne en parallèle sur le CV similaire de Paul Nardi (prêté au Cercle par Monaco et finalement cédé à Lorient), mais préfère louer Vanja Milinkovic-Savic, qui se cantonne pour l’instant à regarder l’Enfer depuis l’entrée du vestiaire. Sinan Bolat choisit quant à lui de ne pas quitter le matricule 1. Il ne reste alors plus que Bruges, désireux de siffler la fin du jeu de chaises musicales qui s’opère entre ses perches depuis plusieurs saisons.

Les dirigeants ont un peu joué avec moi, en voulant faire le gros coup de leur mercato. À jouer avec le feu, on finit par se brûler.  » Jean Butez

 » Le top belge était intéressé et pour lui, c’était l’étape idéale, c’est-à-dire rejoindre un club qui jouait au moins l’Europa League. C’était le minimum, l’objectif qu’on s’était fixé « , confie son conseiller, Patrick De Vlamynck, qui travaille pour la boîte de Patrick De Koster, agent historique de Kevin De Bruyne, et qui connaît bien le contexte, entre autres pour avoir justement raccroché les gants à Mouscron.

Jean Butez, lui, patiente. Aligné lors d’amicaux, il ne participe pas à la reprise du championnat, diminué par une petite élongation à la cuisse, mais également distrait par ses envies d’ailleurs.  » Le coach ( Bernd Hollerbach, ndlr) a décidé de ne pas me faire jouer parce qu’il sentait que je n’étais pas à mon niveau habituel. Il avait décidé de me remettre seulement quand je serais bien dans ma tête et dans mes pompes « , explique-t-il, voyant ainsi Vaso Vasic le remplacer et réaliser quatre joutes plus qu’honorables.

 » Le discours était clair. Pour lui, comme pour moi. Vaso savait que si je restais, j’allais rejouer et qu’il allait retourner sur le banc. Être numéro deux, c’est ingrat, mais au moins, le coach sait qu’il peut compter sur lui.  »

L’OMBRE DE MIGNOLET

En coulisses, les négociations se poursuivent. L’Excel, conscient d’avoir récupéré le gamin contre une bouchée de pain tout en assurant 50% de la revente à Lille, demande en conséquence une somme avoisinant les quatre millions d’euros, histoire de récupérer un maximum de cash. Un prix trop élevé pour les Brugeois, en particulier pour un gardien peu expérimenté.

Si le Standard souhaitait proposer moitié moins, soit peu ou prou l’équivalent du montant dépensé par Gand et Anderlecht pour s’attacher respectivement les services de Thomas Kaminski et Hendrik Van Crombrugge, les exigences hurlues ont le don de refroidir le Club, qui réchauffe d’autres pistes. L’une d’entre elles achemine à Simon Mignolet. Un coup surprise, annoncé en grande pompe début août, qui prend de court l’essentiel de la Belgique du football et qui enterre définitivement le passage de Jean Butez chez les Gazelles.

Une opportunité immanquable, expliquée quand même au préalable par les Brugeois au Français, qui se retrouve sans solution viable, à trois semaines de la fermeture du mercato estival, alors que la grande majorité des noyaux jouissent déjà d’un numéro un. Dur.  » Mouscron a sa part de responsabilité. Je pense que les dirigeants ont un peu joué avec moi, en voulant faire le gros coup de leur mercato. À jouer avec le feu, on finit par se brûler « , formule-t-il, apprenant à ses dépens les rouages du monde dans lequel il vient de plonger les deux poings en avant.

Mais si Bruges a préféré déposer sept millions sur la table, donc trois de plus que le prix fixé par Mouscron, c’est aussi parce que Mignolet offre davantage de certitudes que le natif des Hauts-de-France, jugé encore trop tendre.  » Il ne va pas directement être le garçon le plus affirmé, le plus confiant, mais ce dont il a surtout besoin aujourd’hui, c’est de confirmer. Pour aller jouer au Club Bruges, avec cette pression folle, il faut avoir les épaules. Dans la mesure où il confirme, les clubs seront rassurés sur sa capacité à évoluer à un tel niveau « , analyse François Vitali.

 » Bruges m’en avait parlé, sans que ça soit un point négatif. Ils ont le droit de le penser. Je respecte leur choix et je n’ai pas de rancoeur ni de frustration « , répond Butez, prêt à sauter vers un nouveau tremplin à la prochaine fenêtre, si un projet convient à ses ambitions.  » Maintenant, je vais être davantage scruté. À moi de rester régulier, de faire les choses comme il faut et d’être décisif. La suite viendra naturellement. « 

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