Pourquoi Anderlecht est meilleur que les datas
Deuxième du championnat, Anderlecht est pointé en surrégime par la plupart des statistiques avancées. À la recherche des explications de l’exception mauve.
La contre-attaque est menée à toute allure, et conclue par Thorgan Hazard au bout d’une passe au millimètre d’Anders Dreyer. Une reconversion rapide pour éteindre l’une des quatre possessions moyennes les plus faibles du championnat. C’est dire si Anderlecht n’est pas à un paradoxe près. Cette saison, les Bruxellois semblent prendre un malin plaisir à défier toutes les lois du genre. Face à Eupen, leur victoire 1-0 en est une nouvelle démonstration : les Mauves ont concédé 1,88 expected goal, ne s’en sont créé que 1,12, mais ont remporté la rencontre.
Les « expected goals » ou « xG » sont le nombre de buts qu’un joueur ou une équipe aurait dû marquer ou encaisser selon les probabilités sur une période donnée, qu’il s’agisse d’un match ou d’une saison. Une probabilité de marquer est attribuée à chaque tir tenté ou concédé par une équipe, se basant sur les milliers de tirs tentés lors des saisons précédentes.
Définition par Les Cahiers du Football
Généralement, dans le domaine de l’analyse des statistiques avancées, on parle de période de chance ou de circonstances favorables pour évoquer ces périodes où une équipe semble particulièrement en réussite. Souvent, d’ailleurs, les équipes concernées finissent par revenir à la normale. Le surrégime d’Eupen en début de saison était d’ailleurs criant dans les datas, et les Pandas sont désormais le candidat à la relégation que les chiffres annonçaient déjà dans leur passe prolifique des premières journées.
Pour Anderlecht, par contre, les chiffres n’ont fait que s’éloigner de la norme : après 28 matches de championnat, le Sporting a inscrit 55 buts avec seulement 45,19 expected goals. À l’autre bout du terrain, c’est encore plus impressionnant : comme son voisin saint-gillois, Anderlecht a encaissé 29 fois en 28 sorties. La différence, c’est que l’Union n’a concédé que 27,48 expected goals à ses adversaires, là où les Mauves grimpent à 43,37.
Sur les pelouses de Pro League, six équipes présentent une meilleure production offensive qu’Anderlecht. Défensivement, sept équipes font mieux, dont un Charleroi qui lutte encore pour éviter les play-downs. Pourtant, les Bruxellois sont sur le podium des seuls chiffres qui comptent : troisième meilleure attaque derrière l’Union et Bruges, et troisième meilleure défense après Bruges et l’Antwerp. Anderlecht réussit le tour de force d’enfiler le costume de dauphin de l’Union en Pro League avec plus de tirs concédés (357) que créés (351) depuis le début de saison.
Anderlecht marque plus que prévu
Avec sa colonie de noms ronflants, Thorgan Hazard et Kasper Dolberg en tête, Anderlecht a du talent à revendre à proximité du but adverse. Un paramètre important à l’heure d’évaluer une surperformance statistique offensive car en toute logique, des joueurs de plus grande qualité ont la faculté d’être plus prolifiques sur des opportunités plus difficiles pour l’attaquant « moyen ». Ainsi, Kasper Dolberg est l’un des rares numéros 9 purs du championnat à présenter un nombre de buts (12) supérieur à ses expected goals (10,99).
Surtout, le Sporting profite des qualités exceptionnelles de finition à 15-20 mètres et dans des positions parfois excentrées de l’autre offensif Danois, Anders Dreyer. Meilleur buteur des Mauves avec 14 buts, le gaucher n’affiche « que » 9,02 expected goals, et a donc marqué beaucoup plus que ce que prévoient ses positions de tir moyennes. En y ajoutant l’impact souvent décisif du supersub Luis Vázquez (7 buts avec 6,59 xG) et les frappes à distance de Mario Stroeykens, Anderlecht dispose d’un arsenal offensif au talent de finition redoutable.
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Neuvième équipe au nombre de tentatives au but depuis l’extérieur de la surface (129 tirs), le Sporting bruxellois est par ailleurs l’équipe la plus prolifique à distance de l’élite avec neuf buts. Une statistique d’autant plus précieuse pour percer les blocs bas puisque les Mauves ont des difficultés à assaillir la surface adverse : avec 19,7 ballons joués dans la zone de vérité par match, ils ne sont en effet que septièmes de l’élite belge dans cette catégorie qui reflète souvent l’ampleur de la domination des équipes.
Pourquoi Anderlecht encaisse moins que prévu
Si la force de frappe offensive bruxelloise a été abondamment évoquée cette saison, on parle bien moins des performances à l’autre bout du terrain. Si le discours médiatique met surtout en avant les matches du duo axial belge formé par Zeno Debast et Jan Vertonghen, les chiffres défensifs ne placent pas les Mauves parmi l’élite du championnat. Les 11,43 tirs concédés par rencontre sont une moyenne plus poreuse que celle du Standard, par exemple, et exposent énormément le dernier rempart des Bruxellois.
Si Anderlecht affiche la troisième meilleure défense de l’élite malgré un nombre important d’occasions concédées, cela semble avant tout être grâce à ses gardiens. Après l’excellent début de saison de Maxime Dupé, l’arrivée en grandes pompes d’un Kasper Schmeichel hors de forme a répandu un discours négatif autour de la question de la protection des cages bruxelloises. Pourtant, après des débuts hésitants, le Danois met tout le monde d’accord grâce à une autre statistique : les Prevented goals.
Si les expected goals évaluent la chance de marquer à partir de la position du tir, les post shot expected goals le font par rapport à la qualité de la frappe. À sa destination plutôt qu’à son point de départ, en somme. Là, la destination finale de ces tirs (le but ou les gants du gardien) détermine la qualité du dernier rempart pour empêcher des buts. Cette saison, Kasper Schmeichel présente un bilan positif de +7,57 prevented goals. C’est mieux que n’importe quel autre gardien (il devance Gaëtan Coucke et Arnaud Bodart) de Pro League. Quant à Maxime Dupé, ses +3,18 en font toujours le sixième meilleur gardien de la saison. À eux deux, Dupé et Schmeichel ont donc « arrêté » l’équivalent de dix buts en championnat. Une différence gigantesque qui vaut forcément son lot de points et est l’explication majeure de la surperformance défensive d’Anderlecht.
Est-ce de la réussite ? Peut-être est-ce surtout la concomitance dans le onze mauve de talents dans la force de l’âge qui affichent des accomplissements comme un titre de Premier League, une finale de Ligue des Champions, plus de 200 apparitions en Bundesliga ou des transferts sortants à huit chiffres. Le tout dans une structure collective encore bien perfectible, mais avec un paramètre majeur : ce sont les joueurs qui gagnent les matches, particulièrement ceux qui savent être décisifs dans les deux zones de vérité. Ceux-là, Anderlecht en a beaucoup.
Tous les chiffres évoqués dans l’article sont issus de Wyscout.
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