PO2: comment Malines est revenu de l’enfer
Pour la troisième saison d’affilée, Malines est passé par tous les sentiments, mais tout est bien qui finit bien. Le CEO Frank Lagast et le directeur sportif Tom Caluwé reviennent sur ces montagnes russes émotionnelles.
« Il s’est passé beaucoup de choses ici au cours des deux dernières années et j’ai appris à garder la tête froide dans ces moments-là. Quand il ne se passe rien, j’en viens même à le regretter », grimace Frank Lagast (54 ans), sponsor de Malines depuis très longtemps et CEO du club depuis 2019.
Lagast fait référence à l’Opération Mains Propres et à l’affaire Dieter Penninckx. Malgré cela, Malines a obtenu de bons résultats: le KaVé est monté et a gagné la Coupe en 2019, a terminé sixième la saison dernière et s’est qualifié sur le fil pour les play-offs 2 cette saison. Une plume au chapeau du directeur sportif Tom Caluwé (43 ans), ex-joueur (1996-1999) et ex-entraîneur-adjoint (2014-2018).
Ces play-offs ne risquent-ils pas de coûter cher au club?
TOM CALUWÉ: Sur le plan sportif, c’est une plus-value, d’autant que c’était un objectif. Nous allons avoir six belles affiches qui vont nous aider à préparer la prochaine saison. On a loué notre style de jeu, à juste titre.
FRANK LAGAST: Financièrement, ce ne sera intéressant que si on termine cinquièmes ou sixièmes. Dommage qu’on ne puisse pas valoriser ces affiches en accueillant du public.
Le début de saison a été délicat, tant sur le plan sportif qu’au niveau de la direction, avec l’incarcération de votre actionnaire principal. Comment avez-vous vécu cette période?
LAGAST: On a surtout tenté de maintenir la sérénité. On connaissait le potentiel des joueurs et du staff.
CALUWÉ: On les voyait à l’oeuvre tous les jours et on savait qu’on allait s’en sortir. Notre niveau de jeu n’était pas mauvais, même les consultants et les journalistes le disaient. On manquait juste d’efficacité.
Il y a quatre ans, on disait la même chose, mais vous étiez descendus.
LAGAST: Je n’étais pas encore dirigeant, mais on a tiré les leçons de cette période. Tout changer en période de stress peut avoir des conséquences encore plus dramatiques. Heureusement, nous sommes restés calmes. Ça a été crucial.
Tom, Wouter Vrancken vous a remercié d’avoir vu plus loin que les résultats. N’avez-vous pas été tenté de vous mêler du style de jeu?
CALUWÉ: On combinait déjà très bien la saison dernière et l’entraîneur a encore voulu accentuer cela cette saison, en construisant de l’arrière. On ne peut pas aller beaucoup plus loin en la matière, mais c’est le football que j’aime. J’ai toujours préféré avoir le ballon que courir derrière. J’étais convaincu que les résultats suivraient, même quand tout le monde baissait la tête.
« Dieter a le droit d’être là »
Lorsque Dieter Penninckx a été arrêté suite à la faillite de son entreprise, on a craint pour l’avenir de Malines. Frank, c’est lui qui vous a amené ici…
LAGAST: C’est vrai. Je n’aurais pas voulu être à sa place. Je suis un entrepreneur et je sais que parfois, ça se passe mal. J’ai essayé d’écouter tout le monde. J’ai l’impression qu’on a plus parlé de cette affaire dans la presse qu’en interne. Moi, ça ne m’a pas empêché de dormir. Ce n’était pas agréable, mais ça n’empêchait pas le club de tourner.
Et si Penninckx est condamné, la licence est en danger?
LAGAST: Je n’aime pas les suppositions. Cette affaire peut durer des années.
Ça fait quand même bizarre de voir l’actionnaire principal suivre le match seul dans une loge.
LAGAST: Dieter est supporter de Malines, il vit pour le club et a fait beaucoup pour lui. Il a donc le droit d’être là, mais la direction a décidé qu’il ne pouvait pas avoir de contact avec nous ni avec les dirigeants visiteurs. C’est plus sain.
Vous voulez que les supporters prennent plus d’importance dans l’actionnariat. Où en est-on?
LAGAST: Ils sont déjà très bien représentés au niveau de la direction opérationnelle, mais nous voulons qu’ils puissent avoir un droit de veto sur les décisions du conseil d’administration comme l’arrivée d’investisseurs (voir encadré). Nos statuts prévoient que ceux-ci doivent être belges ou, mieux encore, locaux. J’ai l’impression que tout ce qu’il s’est passé a encore renforcé les liens entre le club et ses supporters. Nos partenaires et actionnaires sont plus que jamais derrière nous et je sens bien qu’à la Pro League, cela suscite quelques jalousies. On est fiers d’être un club 100% belge et on va le rester.
CALUWÉ: Ces dernières années, j’ai encore compris davantage l’importance des supporters. J’ai même acheté des actions.
LAGAST: Nous l’avons tous fait. Steven Defour, par exemple, était tout heureux de porter ce maillot et de jouer à des conditions bien inférieures à son statut.
« On veut garder Defour »
Son retour n’était-il pas avant tout une question émotionnelle?
CALUWÉ: Non. Je connais Steven et on avait déjà parlé avant. On a décidé de lui permettre de s’entraîner et de l’évaluer. Comme il était en condition et mettait de l’eau dans son vin financièrement, je ne vois pas pourquoi on aurait hésité à l’engager. Malheureusement, son corps ne suivait pas toujours. À l’entraînement, son niveau était très élevé. C’était frustrant pour lui et pour ses équipiers.
Quand avez-vous compris que c’était la fin?
CALUWÉ: Après sa blessure contre Bruges, à la mi-décembre. Il a dû quitter le terrain après une demi-heure et je crois que c’est là qu’il a décidé d’arrêter, mais je lui ai demandé de rester jusqu’en fin de saison. Il nous a apporté une plus-value lors des derniers matches, mais je ne crois pas qu’il changera d’avis, car physiquement, il est cuit. Il faut dire qu’il ne s’est pas épargné. Je lui ai dit plusieurs fois de lever le pied à l’entraînement, mais il n’y arrivait pas.
LAGAST: Il nous a aussi apporté un certain cachet, y compris sur le plan commercial.
C’est un futur entraîneur?
CALUWÉ: Je crois. Avec son vécu et les entraîneurs qu’il a connus… On veut le garder, mais on est en pleines négociations, je ne peux donc pas en dire plus.
« Vrancken a l’ADN du club »
À quoi ressemblera le noyau la saison prochaine? Vous prolongez les contrats des joueurs les plus âgés, mais des jeunes comme Vranckx et Traoré sont partis.
CALUWÉ: On a déjà transféré le jeune Jannes Van Hecke de Zulte Waregem. On cherche le bon équilibre et il est important d’avoir des joueurs expérimentés.
Vranckx et Kaboré sont-ils prêts à franchir une étape? Ils ont eu un passage à vide cette saison.
CALUWÉ: Tout est allé très vite pour eux. Ils sont talentueux, mais il reste du travail. S’ils n’ont pas toujours joué, c’est parce que notre noyau est fort, mais je suis convaincu qu’ils vont évoluer. Wolfsburg livre une bonne saison, on va voir comment Aster évolue. Et Issa sera sans doute prêté par Manchester City.
Malines est le club qui a donné le plus de temps de jeu aux joueurs belges ou assimilés cette saison. Ça lui a rapporté 600.000 euros. Avec 19.991 minutes, il devance le Standard (18.367) et le Beerschot (17.669). Est-ce le résultat d’une stratégie?
LAGAST: C’était un de nos objectifs. C’est dans cette optique qu’on composé notre noyau. La saison dernière, on a terminé troisièmes de ce classement, ça nous a ouvert les yeux.
CALUWÉ: On n’a cependant pas fait pression sur l’entraîneur pour qu’il donne la priorité aux Belges. Il connaissait la donne, mais son objectif principal, c’était de gagner des matches.
Qu’est-ce qui fait de Wouter Vrancken un bon coach?
CALUWÉ: Il a l’ADN du club. Il dirige bien son groupe au niveau mental et au niveau tactique. Sa vision est claire. Le groupe sait toujours que faire, en toutes circonstances. Chaque semaine, il s’adapte à l’adversaire et trouve des espaces. Quand les joueurs appliquent en match ce qu’ils ont appris à l’entraînement, c’est que le staff est bon.
Injection de capital
Comment se portent les finances de Malines? Frank Lagast a déjà reconnu dans ce magazine que la dette était de trente millions d’euros, mais qu’il s’agissait surtout d’emprunts et que ceux-ci étaient remboursés à temps. Cette saison, le club a cependant à nouveau dû emprunter et la Ville s’est portée garante à hauteur de cinq millions d’euros. Lagast fait remarquer que la valeur du club a augmenté, tant grâce aux infrastructures qu’à l’équipe. Elle est désormais de cinquante millions d’euros. Il n’y a donc pas de quoi s’inquiéter. « La preuve en est que, pour la deuxième fois consécutive, on a obtenu la licence sans problème. »
La semaine dernière, le Conseil d’Administration a donné le feu vert à une étude concernant une augmentation de capital. L’objectif est d’émettre de nouvelles actions et d’engranger ainsi un capital de cinq à dix millions d’euros, histoire de ramener le pourcentage d’actions détenues par Dieter Penninckx de 71,2 à 49% maximum. « Une solution élégante et constructive », dit le club sur son site internet. On y verra plus clair dans les prochaines semaines.
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