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Paolo Maldini: focus sur le meilleur joueur italien de tous les temps

Six semaines durant, Sport/Foot Magazine élit le meilleur joueur de tous les temps de chaque grande nation. Dernière partie : Paolo Maldini, qui n’a jamais fait parler de lui par ses déclarations tapageuses mais surtout par son jeu, ses yeux magnifiques et sa fidélité à un seul club : l’AC Milan.

Le 9 juin dernier, un peu moins de vingt mille personnes ont assisté au match retour des play-offs entre l’US Triestina et l’AC Pisa au Stadio Nereo Rocco de Trieste. Enjeu de ce match entre deux clubs historiques qui ont connu quelques faillites au cours de la dernière décennie : la montée en Serie B. Les Toscans l’ont emporté et Triestina, qui a joué en Serie A de 1929 à 1956, est resté sur le carreau.

Le stade porte le nom du premier joueur international du club. Nereo Rocco a joué à Trieste de 1930 à 1937. Plus tard, il est devenu entraîneur de l’AC Milan, avec qui il a côtoyé le sommet.

C’est lui qui, en son temps, a transféré un défenseur élégant : Cesare Maldini, fils d’un marin local. Maldini Senior a effectué ses débuts en 1953-54 et il s’est si bien débrouillé que Milan l’a rapidement transféré. Il a directement été champion dans une équipe au sein de laquelle on retrouvait également le Suédois Nils Liedholm. Plus tard, celui-ci allait devenir entraîneur des rossoneri et lancer Paolo Maldini, le fils de Cesare.

Une leçon de foot dispensée par Arrigo Sacchi. Au milieu, Paolo Maldini est tout ouïe.
Une leçon de foot dispensée par Arrigo Sacchi. Au milieu, Paolo Maldini est tout ouïe.© belgaimage

En 1961, papa Maldini retrouvait Nereo Rocco à Milan. En mai 1963, après une victoire sur Benfica à Wembley, Cesare était le capitaine du premier club italien à remporter une Coupe d’Europe des clubs champions. Quarante ans plus tard, à Manchester, son fils Paolo soulevait également la coupe aux grandes oreilles : l’AC Milan venait de battre la Juventus.

Fan de la Juve

Quatrième enfant (et garçon le plus âgé) d’une famille qui compte trois filles et deux garçons, Paolo est né à Milan en 1968. Son père venait de mettre un terme à sa carrière après avoir disputé 412 matches de Serie A. En septembre 1978, Cesare emmenait Paolo faire un test à Linate, où les jeunes de l’AC Milan évoluaient. Non sans lui avoir demandé auparavant s’il voulait jouer à Milan, comme papa, ou à l’Inter.

Paolo avait opté pour Milan mais pas parce qu’il était supporter de ce club. Lui, il était fan de la Juventus et de Roberto Bettega, dont il avouera plus tard qu’il était son idole. Cesare déposait son fils, disparaissait et venait le rechercher après l’entraînement, histoire de ne pas influencer l’entraîneur, Fausto Braga. Celui-ci demandait au gamin pour quel club il avait déjà joué : réponse :  » aucun « . Et à quelle place il jouait ?  » Où vous voulez.  »

Braga lui proposait de l’essayer à l’arrière droit et celui qui allait devenir le meilleur arrière gauche du monde était d’accord. Après le test, Braga se rendait immédiatement au bureau : il fallait affilier le gamin tout de suite !

Paolo Maldini n’avait qu’un problème : son nom de famille :  » Au début, c’était vraiment un fardeau. J’avais peur qu’on dise que je ne jouais que parce j’étais le fils de Cesare. C’est pourquoi je me suis toujours donné à fond.  »

Au nom du père

A la maison, ils parlaient peu de football. Un jour, Paolo a dit qu’il aurait voulu voir jouer son père, un ex-arrière droit, défenseur central ou médian défensif, parce qu’on disait qu’il n’était pas mauvais. Cesare a rigolé :  » Tu n’a pas raté grand-chose, fiston.  »

Inconsciemment, il était devenu un exemple pour son fils, toujours bien éduqué et jamais excessif dans ses déclarations.  » J’ai appris à Paolo à parler mais je lui ai surtout appris à se taire « , dit papa Maldini à ce sujet.

En 1984, Paolo Maldini était appelé en équipe première. Il débutait le 20 janvier 1985 lors d’un match à l’Udinese. Après le repos, Sergio Battistini s’est blessé et Liedholm a demandé à Maldini de s’échauffer.  » Où veux-tu jouer ? A droite ou à gauche ?  » Paolo a dit qu’il voulait jouer à droite.

Voici ce qu’il retient de l’entraîneur qui l’a lancé :  » Liedholm m’a appris que le football devait avant tout être un plaisir. Avant que je monte sur le terrain pour la première fois, il m’a simplement dit : Vas-y et amuse-toi. Si j’avais débuté sous les ordres de Sacchi, j’aurais probablement eu les jambes qui tremblaient à cause du stress. Sacchi m’a appris que l’essentiel, en football, était de bien s’entraîner. Il m’a inculqué la culture du travail.  »

Le coup de fil de Sacchi

 » Si j’avais débuté sous les ordres de Sacchi plutôt que sous ceux de Liedholm, ma carrière aurait sans doute pris un tout autre pli « , dit-il dans le livre C’est moi, paru en 2003. En février 1986, Maldini voyait Silvio Berlusconi arriver à Milan et déclarer qu’il voulait en faire le meilleur club du monde. Comme les autres joueurs, il avait des doutes à ce sujet.

Le réveil sonnait sous la forme d’un coup de téléphone en 1987.  » Pronto, sono Arrigo Sacchi, puis-je parler à Paolo Maldini ?  » L’arrière gauche était encore en vacances et son nouvel entraîneur l’appelait déjà. Pendant une demi-heure, il abreuvait Paolo d’idées et de conseils. Ce n’était pas un dialogue mais un monologue.

En 30 minutes, il recevait plus de conseils qu’au cours des 19 années de sa vie.  » Sacchi parlait de 4-4-2, de 4-3-3 et de systèmes de jeu apparentés, je n’avais pas l’habitude. Quand on me disait de jouer à gauche, je jouais à gauche. Idem si on voulait que je joue à droite ou dans l’axe.  »

Sacchi ne pensait qu’au football, 24 heures sur 24. Pour tous les joueurs, y compris Maldini, les premiers mois étaient un cauchemar.  » Je me suis souvent dit que Sacchi était complètement fou. Parfois, je le pense encore. Mais sans lui, Milan ne serait pas devenu ce qu’il a été.  »

Un des meilleurs arrières gauches de tous les temps

Sacchi reste pourtant le seul entraîneur à avoir placé l’élégant défenseur sur le banc. C’était le 1er octobre 1989, lors d’un match à Naples. Maldini digérait mal. Milan aussi puisqu’il était battu 3-0. Quelques semaines plus tard, après une superbe prestation face à la Juventus avec Maldini dans l’équipe, l’entraîneur revenait sur cet épisode.  » Voyez Maldini : je l’ai mis sur le banc et il a retrouvé son niveau. Une petite mise à l’écart ne fait jamais de tort et en dit parfois plus qu’un long discours.  »

Sacchi a beaucoup de respect pour Maldini même si, dans le chapitre de sa biographie ( Calcio Totale), consacré à la Dream Team de l’AC Milan, il ne lui consacre qu’un tiers de page, comme aux autres joueurs, tandis que Franco Baresi, son bras droit sur le terrain, a droit à deux pages.

 » Paolo Maldini est un des meilleurs arrières gauches de tous les temps « , écrit Sacchi.  » Il était puissant, rapide, résistant, généreux, fort physiquement et bon de la tête. C’est un véritable professionnel, loyal et aussi une excellente personne. Il était très rapide, tant offensivement que défensivement, ce qui a beaucoup servi à l’AC Milan et à l’équipe nationale. Je l’ai entraîné pendant dix ans et travailler avec lui a toujours été un plaisir, que ce soit en club ou en sélection.  »

Après Sacchi, c’est Fabio Capello qui a repris Milan. Il avait déjà été un des premiers entraîneurs de Paolo en équipes d’âge. A l’époque, la défense de Milan se composait de Mauro Tassotti à droite, Franco Baresi et Alessandro  » Billy  » Costacurta dans l’axe et Maldini à gauche. C’était une machine bien huilée.

Papa Cesare Maldini a remporté la CE1 en 1963. Quarante ans plus tard, Paolo l'imitait. Toujours pour le compte du même club : l'AC Milan.
Papa Cesare Maldini a remporté la CE1 en 1963. Quarante ans plus tard, Paolo l’imitait. Toujours pour le compte du même club : l’AC Milan.© belgaimage

 » Paolo est un phénomène « , dit son ex-équipier George Weah, vainqueur du Ballon d’Or en 1995.  » C’est à la fois un défenseur, un médian gauche et un ailier. Il arpente toute le flanc.  »

Retour à San Siro

Jamais personne n’a dit du mal du défenseur qui commettait très peu de fautes mais était redouté de tous. Le jour de son 40e anniversaire, on a demandé à Carlo Ancelotti, qui fut d’abord son équipier à Milan et en sélection avant de devenir son entraîneur pendant 8 ans, s’il avait déjà été fâché sur Maldini.  » Jamais ! Il est bien trop sérieux pour cela. Je pense qu’il n’est jamais arrivé la moindre fois en retard à l’entraînement, même pas involontairement.  »

Maldini n’a jamais imaginé jouer ailleurs qu’à Milan.  » Il ne m’est jamais venu à l’esprit d’aller à l’étranger, par exemple. Pourquoi aurais-je opté pour un club de niveau inférieur à Milan ? Je suis né ici, j’y ai passé toute ma vie. Je ne sais pas si j’aurais bénéficié des mêmes conditions ailleurs et si j’aurais pu donner le meilleur de moi-même « , dit-il dans C’est Moi.

Pourtant, il a eu des possibilités. Surtout en Angleterre. En 1997, Manchester United, Arsenal et Chelsea ont pensé à lui parce que son ex-équipier Ruud Gullit, devenu entraîneur des Blues, avait déclaré :  » Celui qui n’envisage pas d’acheter Maldini est fou.  »

Le lundi 6 août 2018, le quotidien sportif milanais La Gazzetta dello Sport titrait : Maldini torna a casa. Ce retour aux sources survenait neuf ans après la fin de sa carrière, le 31 mai 2009. Entre le 20 janvier 1985 et cette date, il avait disputé 902 matches, toutes compétitions confondues. Si on compte les années passées en équipe d’âge, il a passé 31 ans sans interruption à Milan.

Le retour de Maldini était consécutif au rachat du club, le 21 juillet, par le fonds d’investissement américain Elliott. Milan était alors criblé de dettes. Deux ans plus tôt, Berlusconi l’avait vendu à un consortium chinois qui avait dépensé beaucoup d’argent mais s’était montré incapable de rembourser l’emprunt consenti pour acquérir les parts.

Des approches sans lendemain

C’est son ex-équipier brésilien Leonardo qui a ramené Maldini à Milan dans le rôle de directeur stratégique du sport. Pendant un an, les deux hommes ont collaboré étroitement.

Au cours des années précédentes, il s’était consacré à sa famille, conduisant ses enfants à l’entraînement. Son fils Daniele a été champion avec les U16 de Milan. L’aîné, Christian, est un attaquant qui a fait partie du noyau A mais évolue aujourd’hui dans les séries inférieures.

Le jour où Paolo avait mis un terme à sa carrière, Carlo Ancelotti lui avait demandé s’il voulait l’accompagner à Chelsea mais il n’en avait pas envie.  » Je veux avoir du temps pour moi « , avait répondu celui qui aimait aller prendre un café avec ses amis.

Plus tard, Barbara Berlusconi lui avait demandé de revenir à Milan. Il avait accepté mais il y avait eu des discussions quant à sa fonction et il n’avait plus entendu parler de rien. Son nom avait également été cité en tant que team manager de l’équipe nationale à la Coupe du monde 2014 mais là non plus, il n’y avait pas eu de suite.

En 2016, lorsque les Chinois l’avaient approché après avoir acheté l’AC Milan, il avait refusé de faire partie de l’organigramme car il sentait que quelque chose clochait et qu’ils voulaient uniquement faire de lui une figure de proue, ce qu’il ne souhaitait pas.  » Si je fais quelque chose dans le football, il doit y avoir un projet et je dois remplir une véritable fonction « , dit-il.

Un mois plus tôt, à l’occasion de son cinquantième anniversaire, il avait accordé une interview à la Gazzetta, répondant ouvertement à 50 questions. Pour lui, ses plus belles années étaient 1996 et 2001 :  » Les années de naissance de mes fils.  » Sa meilleure saison ?  » 2002-2003. J’ai toujours aimé le beau jeu parce que mon père me l’a enseigné. J’ai toujours voulu livrer le match parfait tout en sachant que c’était impossible.  »

Ancelotti, son coach préféré

Son meilleur moment ? Ses débuts en Serie A :  » Dans le car qui nous emmenait au match, je me demandais si tout cela était vrai. Je n’imaginais pas monter au jeu. Le terrain était mauvais. Mon premier ballon, c’était une passe en retrait au gardien. Je me suis toujours demandé à quoi ma carrière aurait ressemblé s’il y avait eu un faux bond.  »

Son adversaire le plus redoutable ? Diego Maradona et… lui-même.  » Chaque jour, à l’entraînement, je mettais la barre plus haut. Ça me stimulait. J’étais un compétiteur. Petit, en revenant de l’entraînement, je descendais du tram deux arrêts plus tôt et je sprintais pour tenter d’arriver à la maison avant lui.  »

Dans les médias, il n’a jamais fait de déclarations tapageuses.  » Je voulais avant tout me protéger. Je suis réservé. J’estimais aussi qu’une fois le match terminé, j’avais le droit de profiter de la vie et de ma famille. J’aime une certaine légèreté. Sacchi et Capello ne supportaient pas cela. C’est pourquoi les années que j’ai préférées furent celles avec Ancelotti, qui nous autorisait davantage de choses.  »

A la fin du mois de mai dernier, après le départ de Leonardo, Ivan Gazidis, nouveau directeur général de Milan, annonçait qu’il voulait faire de Paolo Maldini son nouveau directeur technique. Après cinq jours de réflexion, l’ex-défenseur acceptait. Il choisissait d’abord le nouvel entraîneur, Marco Giampaolo et deux semaines plus tard, il désignait son bras droit : son ancien équipier Zvonimir Boban fera office de directeur sportif.

Depuis le 2 juin, il a donc en mains les destinées sportives de  » son  » Milan, qui vient d’être privé de Coupe d’Europe en raison d’une infraction aux règles du Fair Play Financier. Mais même cela ne l’a à aucun moment fait sourciller. Comme par le passé, ses seuls credos sont le travail et le silence.

Paolo Maldini: focus sur le meilleur joueur italien de tous les temps
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Pour le n°3 milanais, les années Ancelotti furent les plus belles.
Pour le n°3 milanais, les années Ancelotti furent les plus belles.© belgaimage
Paolo Maldini en lutte avec l'Espagnol Andoni Goicoechea en quart de finale du Mondial 1994.
Paolo Maldini en lutte avec l’Espagnol Andoni Goicoechea en quart de finale du Mondial 1994.© picture-alliance / dpa
Paolo Maldini: focus sur le meilleur joueur italien de tous les temps
Paolo Maldini: focus sur le meilleur joueur italien de tous les temps

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