Union belge de football: où est donc passé l’argent de la Fédé?
Souvent pointée du doigt pour son manque de trésorerie, la Fédération belge est une cible privilégiée des amateurs de football. Ses comptes sont pourtant moins opaques qu’il n’y paraît.
Une charge de taureau, ça fait forcément trembler quelques murs. Celui de Dongelberg rue tête baissée vers ceux de Tubize, siège de la Fédération belge de football où il refusait de mettre les pieds à l’époque où il était à la tête de l’équipe nationale. Marc Wilmots parle de la situation de Domenico Tedesco sur le plateau de La Tribune, le talk-show hebdomadaire de la RTBF. L’ancien attaquant des Diables est rouge de colère: «Pourquoi la fédération n’annonce-t-elle pas sa démission? Pour économiser un maximum? Si c’est le cas, il faut m’expliquer où est passé l’argent gagné ces dernières années. La Belgique a été première au classement Fifa pendant des années, les stades étaient combles. On aurait déjà dû construire l’avenir avec tout l’argent récolté. Il y a un problème.»
L’estocade est portée. Souvent décrite comme nébuleuse, parce que généralement sous-médiatisée hors des périodes où elle est sous le feu des projecteurs pour la recherche d’un sélectionneur, la RBFA (pour «Royal Belgian Football Association», plus communément appelée « Union belge ») est une fédération opaque, que beaucoup imaginent peuplée de sexagénaires déconnectés du ballon rond prenant des décisions autour d’une longue table ovale et, surtout, dotée de milliers d’euros. Les fantasmes sont de sortie, et l’Union belge ne fait pas grand-chose pour les dissiper.
Partout, il se dit juste qu’elle est exsangue financièrement. Qu’elle n’a pas les moyens de se débarrasser de Domenico Tedesco avant le début de l’année 2025. Au dernier bilan comptable, publié au milieu de l’année 2024 avec une photo des comptes datant du 31 décembre 2023, il y a pourtant 16,1 millions d’euros sur les comptes. Moins que lors du faste de la fin des années 2010, quand les valeurs disponibles dépassaient les 20 millions, mais plus du triple des valeurs affichées en 2014 et 2015. De l’argent, il y en a. L’Union belge semble simplement avoir décidé de ne plus le dépenser n’importe comment. Et si attendre trois mois pour se séparer du sélectionneur italo-allemand permettait d’épargner près d’un demi-million d’euros, elle ne voulait pas se priver de cette opportunité.
Lire aussi: L’équation insoluble qui a coûté cher à Tedesco
Coûts et contrecoups
Il faut dire que le déficit de l’année 2023 force à se prémunir des dépenses inutiles. Sur les comptes de la RBFA, les exercices impairs sont systématiquement les plus délicats, car ils ne peuvent pas être garnis par les bénéfices obtenus lors des grandes compétitions. Par exemple, un Euro réussi génère des revenus supérieurs à dix millions d’euros, une précieuse manne financière. Surtout quand il s’agit de rémunérer les 150 employés qui font tourner les sélections, le secteur administratif et le centre national de Tubize. En 2023, l’ensemble des salaires de l’Union belge sont chiffrés à 23,5 millions d’euros. C’est le prix de la professionnalisation d’une instance dont la masse salariale n’était encore «que» de 13,3 millions annuels une décennie plus tôt, mais qui était alors très loin d’offrir à l’émergente génération dorée un encadrement digne de son nouveau statut.
Les coûts ont explosé, et les contrecoups n’ont pas cessé lors de l’année 2023. Entre des matchs désertés par le public, sans doute agacé du prix excessif des billets pour se rendre au stade et y voir des Diables orphelins de Kevin De Bruyne donner la leçon à l’Estonie ou à l’Azerbaïdjan, et une rencontre face à la Serbie finalement jouée à huis clos pour cause de pelouse impraticable au stade Roi Baudouin, les revenus sportifs de l’année sont restés un million d’euros sous les estimations, alors que les frais du même département sportif étaient trois millions au-delà des prévisions. De quoi forcer l’Union belge à plonger dans son bas de laine pour équilibrer la facture. Le problème, contrairement à ce qu’évoque Marc Wilmots, est que les réserves n’ont pas été si nombreuses que cela au fil des réussites sportives de la génération dorée.
16,1 millionsd’euros figuraient au dernier bilan comptable, publié mi-2024. Soit plus du triple qu’en 2014 et 2015.
Des Diables très bien payés
Jusqu’à ce que les négociations entre Mehdi Bayat, Bart Verhaeghe et les cadors du vestiaire des Diables ramènent les primes des grandes compétitions à des sommes plus acceptables, c’était effectivement l’opulence dans le vestiaire belge. Une victoire finale à l’Euro 2016 –pas si utopique au vu du tableau ouvert jusqu’à la finale– aurait ainsi rapporté à chacun des participants la somme de 700.000 euros. Bruts, certes, mais que la Fédération devait écarter des revenus offerts par l’UEFA pour sa participation réussie à l’événement. A titre de comparaison, les champions du monde allemands auraient «seulement» reçu 300.000 euros en cas de victoire finale sur le sol français.
Même après d’âpres négociations pour revenir à des montants moins colossaux en vue de la Coupe du monde 2018, les Diables ont encore empoché 312.000 euros par joueur grâce à leur troisième place en Russie, 170.000 à l’occasion du quart de finale européen de 2021 puis 42.000 malgré l’échec du Mondial qatari. Mais avec des sélections élargies à 26 membres et un staff technique et médical de plus en plus étoffé, les dépenses restent élevées. Et plus de la moitié des revenus générés par les performances sportives sont arrivés sur les comptes des joueurs, certes premiers responsables des résultats.
Quant au reste de la somme, une bonne partie a été investie pour améliorer la qualité de l’environnement humain et matériel des sélections belges. Entre stages à l’étranger pour les équipes d’âge, staff de plus en plus grand chez les Diables ou les Red Flames et un bâtiment XXL pour héberger les nouveaux bureaux fédéraux à Tubize (la revente de ceux de Bruxelles a eu lieu en 2022, créant un bénéfice bienvenu), les sommes récoltées à chaque grande compétition sont rapidement évaporées.
Le prix des erreurs
Tout n’a pas été transparent pour autant. Viré à l’aube du début de la campagne qualificative pour l’Euro 2024, l’ancien CEO Peter Bossaert percevait 500.000 euros annuels et a vu son départ accompagné d’une indemnité chiffrée à 1,6 million d’euros. En 2022, c’est lui qui avait inauguré les nouveaux bâtiments de Tubize lors d’une fête grandiloquente et coûteuse, facturée 500.000 euros selon plusieurs sources.
La recherche de son successeur a également coûté de l’argent, et il n’est déjà plus là, Piet Vandendriessche ayant été remplacé par Peter Willems voici quelques mois. Et comme il y a aussi du mouvement sur le banc, la pile de salaires et d’indemnités ne fait que gonfler. Voilà sans doute où l’on peut trouver une bonne partie de l’argent de la Fédé.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici