« On nous a dit que si un joueur se blessait gravement, on ne pourrait pas le soigner »
Le Belgo-Kosovar Samir Ujkani est gardien de but à Torino. Il nous raconte la situation critique dans le Nord de l’Italie.
Samir Ujkani est à Turin quand on le contacte. On entend les voix de sa femme et de sa fille. « Cette période difficile permet de profiter plus de sa famille », lâche le joueur belgo-kosovar de Torino. Il a grandi chez nous et est passé par les Espoirs d’Anderlecht avant de se retrouver à Palerme. On est le vendredi 13 et il avoue que la situation l’effraie.
« Au début, personne ne prenait le coronavirus vraiment au sérieux en Italie. On avait l’impression que c’était un virus innocent et les gens faisaient des blagues sur le sujet. Très vite, des amis de Crémone, où j’ai joué, m’ont expliqué que c’était très sérieux et qu’on avait intérêt à tout fermer. Puis des gens ont commencé à mourir et on est maintenant à un point où tous les hôpitaux débordent, où les médecins et les infirmières doivent travailler non-stop, ils sont sur les genoux et ne peuvent plus soigner des malades atteints d’autres pathologies.
On s’est encore entraînés au début de cette semaine, mais sans contact physique. On nous a dit que si un joueur se blessait gravement, on ne pourrait pas le soigner parce qu’il n’y a plus de places dans les hôpitaux. Le problème, c’est qu’à cause du nombre très élevé de décès, une panique s’est installée dans la population et beaucoup de gens vont spontanément à l’hôpital pour se faire contrôler. »
Dans la même ville, à la Juventus, le défenseur Daniele Rugani a été testé positif au coronavirus. Jusqu’ici, personne n’est encore touché à Torino. « On a entre-temps reçu l’ordre de rester le plus possible à la maison pour limiter les contacts. On verra si le championnat pourra reprendre. Après trois semaines d’arrêt, on est dans le même état physique qu’après une intersaison, il faut refaire une préparation pour être à 100 %. L’entraîneur nous envoie un programme d’entretien, mais ça, on le fait aussi en temps normal, en plus d’entraînements de deux heures sur le terrain.
Un gardien de but tombe peut-être 120 fois par séance, maintenant il ne tombe plus du tout. La situation n’est pas simple, point de vue physique mais aussi côté mental. On entend qu’il y a toujours plus de morts et on pense surtout à notre santé. L’état d’esprit est évidemment très différent. On a des contacts entre joueurs tous les jours sur notre groupe WhatsApp et le club nous tient au courant de tout ce qu’il faut faire. »
Samir Ujkani est international avec le Kosovo, qui peut toujours se qualifier pour l’EURO. Quand on le contacte, le report de l’EURO n’est pas encore tombé mais il a déjà abandonné ses illusions. « On ne va pas jouer le barrage contre la Macédoine, évidemment. Plus on voyage, plus on prend de risques de contamination. C’est mieux d’attendre que tout se calme. »
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