Noël Le Graët quitte la Fédération française de football: une fin de règne ternie par les polémiques
Entrepreneur et baron breton, Noël Le Graët s’est forgé un destin national en dirigeant le football français avec poigne et habileté avant de perdre lucidité et soutiens, à 81 ans, dans une fin de règne ternie par des paroles « déplacées » et de graves accusations de harcèlement moral et sexuel.
Fragilisé depuis plusieurs mois, le président de la Fédération française de football (FFF) Noël Le Graët, 81 ans, a annoncé mardi sa démission à son comité exécutif, après onze années de mandat. L’homme d’affaires a été rattrapé par les accusations de harcèlement moral et sexuel, une mission d’audit accablante et plusieurs dérapages. Toujours aussi imprévisible et insondable, le « Menhir » du foot français a tardé pour laisser la main, 13 jours après la communication d’un rapport d’audit diligenté par le ministère des Sports. Mais les conclusions de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) ne laissaient aucune marge de manoeuvre au Breton, lâché depuis des mois par la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra pour qui « le statu quo (était) impossible ».
Plus légitime
Selon les inspecteurs, Le Graët « ne dispose plus de la légitimité nécessaire pour administrer et représenter le football français », compte tenu notamment de son « comportement inapproprié (…) vis-à-vis des femmes ». « NLG » est aussi visé depuis mi-janvier par une enquête pour harcèlement moral et sexuel. Au siège parisien de la FFF qu’il dirigeait depuis 2011, Noël Le Graët a prévenu son comité exécutif de sa démission, a-t-on appris auprès d’un membre de ce « Comex » décisif pour l’avenir du football français. L’ancien maire de Guingamp ne bénéficiait plus du soutien de son « gouvernement ».
Les Bleues « peuvent se tirer les cheveux », « les JO je n’en ai rien à foutre »… Durant sa carrière de dirigeant du football français, Noël Le Graët a déclenché de nombreuses polémiques à coup de petites phrases ou de propos à l’emporte-pièces, jusqu’à sa démission mardi.
Le tacle à Zidane
Le 8 janvier, Noël Le Graët déclenche l’indignation générale en tenant des propos irrespectueux envers Zinédine Zidane, icône du football français et pressenti pour devenir sélectionneur en cas de départ de Didier Deschamps, finalement prolongé jusqu’en 2026.
« Je ne l’aurais même pas pris au téléphone », lâche-t-il sur RMC. À une question sur un intérêt supposé du Brésil pour « Zizou », il ajoute: « J’en ai rien à secouer, il peut aller où il veut, dans un club, il en aurait autant qu’il veut en Europe, un grand club. »
Anti-brassard « One Love »
Au début du Mondial-2022 au Qatar, un débat agite le monde du football: les joueurs doivent-ils porter un brassard « One Love », en solidarité avec les personnes LGBT+, alors que des lois criminalisent les relations sexuelles entre personnes du même sexe dans l’émirat gazier ?
Le Graët est contre et affiche son soulagement lorsque le camp du « non » l’emporte: « J’ai été l’un des leaders pour qu’il n’y ait pas ce brassard », affirme-t-il dans un entretien au Figaro.
« Coups de peinture » au Qatar
« C’est pas insoluble ça, c’est des coups de peinture. Il y a encore le temps de réparer ça », commente « NLG » lorsque des journalistes de l’émission Complément d’enquêtes lui montrent les chambres exigües infestées de cafards où s’entassent les travailleurs sous-traitant de l’hôtel des Bleus au Mondial-2022.
« Je peux vous montrer plein d’images comme ça dans plein de pays, même peut-être pas loin d’ici », ajoute-t-il encore dans son bureau parisien.
Echange aigre-doux avec Mbappé
Dans un entretien au Journal du Dimanche, « NLG » revient sur les attaques subies par l’attaquant des Bleus Kylian Mbappé après son tir au but arrêté lors de l’élimination face à la Suisse en huitièmes de finale de l’Euro-2021.
Mbappé « trouvait que la Fédération ne l’avait pas défendu après son pénalty raté et les critiques sur les réseaux », révèle le Breton. « Il ne voulait plus jouer en équipe de France – ce qu’il ne pensait évidemment pas. » Réponse de l’intéressé sur les réseaux sociaux : « Oui enfin je lui ai surtout expliqué que c’était par rapport au racisme, et NON au penalty. Mais lui considérait qu’il n’y avait pas eu de racisme… »
Les Bleues « peuvent se tirer les cheveux »
Interrogé à propos des tensions entre la sélectionneuse Corinne Diacre et certaines joueuses de l’équipe de France féminine, Le Graët rétorque sur RMC: « Aucun match perdu (depuis le Mondial-2019, ndlr), donc elles peuvent se tirer les cheveux, ça m’est égal.«
« Pas ou peu » de racisme
« Le phénomène raciste dans le sport et dans le foot en particulier, n’existe pas, ou peu« , estime Noël Le Graët lors d’un entretien à BFM Business. Dans la foulée, le président de SOS Racisme Dominique Sopo dénonce des propos « scandaleux » et juge qu' »il est peut-être temps qu’il passe la main ».
Homophobie et racisme, hiérarchisation malvenue
En 2019, Le Graët demande aux arbitres français de ne plus arrêter les rencontres en cas de chants homophobes entonnés dans les tribunes ou lors du déploiement de banderoles injurieuses, établissant une hiérarchie entre homophobie et racisme. « Ce n’est pas la même chose », déclare-t-il, s’attirant les critiques de la ministre des Sports de l’époque, Roxana Maracineanu, qui qualifie sa position d' »erronée ».
« Les JO, je n’en ai rien à foutre »
À l’époque, Paris et Los Angeles se disputent l’organisation des Jeux olympiques 2024 et la Fifa est sur le point d’élire un nouveau président.
Plusieurs membres de bureau de la Ligue de football professionnel plaident alors pour que le Français Jérôme Champagne soit soutenu par la FFF, arguant que son élection appuierait la candidature parisienne. « Les JO, je n’en ai rien à foutre », répond Le Graët, qui préfère soutenir l’Italo-Suisse Gianni Infantino.